Dans la galaxie Gutenberg, on a tendance à oublier que la valeur d'une œuvre littéraire dépend aussi et surtout de ses messages et de ses idées. Dans le roman de science-fiction Les peuples du ciel d'Ahmed Gasmia, il y a même des théories. Genèse : Au XXIVe siècle, sur une lointaine planète, appelée Alkium, vivent deux peuples en guerre, les Wolocks et les Kalans. Les deux peuples sont des Goranes, les descendants d'une colonie humaine (ou terrienne) installée sur cette planète rendue vivable et habitable par l'OFT, une entreprise terrienne aux activités plus ou moins sécrètes. Quelque temps plus tôt, Halox, une firme travaillant en partenariat avec l'OFT, avait mené des expériences clandestines sur Alkium. Les cobayes sont des enfants atteints de maladies incurables. Les chercheurs engagés par Halox devaient apporter des modifications aux gènes de ces enfants, afin de les rendre résistants aux maladies, eux et leur descendance. Ce genre d'expérience était interdit sur la planète Terre. Les chercheurs ont, certes, réussi à guérir ces enfants, mais ils ont crée un autre problème. En effet, ces enfants ont contracté une forme rare de progéria, une accélération du processus de vieillissement. La longévité, ou l'espérance de vie sur Alkium est d'une dizaine de mois, treize au maximum. Mais tout est relatif, car pour les Goranes, c'est une durée de vie tout à fait ordinaire. Vivant dans l'isolement total, ces peuples ont inventé une langue et une croyance. Les Wolocks et les Kalans se font même la guerre au nom de la religion. Mais les habitants d'Alkium, ces descendants d'enfants ramenés de la lointaine planète Terre, ne savent pas qu'ils sont discrètement observés et suivis par des scientifiques terriens, depuis une station spatiale orbitale. En dix-sept années, les goranes ont refait le parcours de l'Humanité de l'âge de pierre au moyen-âge. A vrai dire, ils ont été aussi aidés secrètement par des scientifiques de la station spatiale qui ont eu l'idée de faire à leur intention des dessins rupestres, une sorte de guide de survie et que les Goranes croyaient être un héritage de leurs ancêtres. Mais il y a aussi une théorie expliquant ce rapide développement. Selon le Pr Kaz, l'Humanité garde dans ses gènes des traces de chaque étape de son développement. Aussi, si elle venait un jour à retourner à l'âge primitif, elle gagnerait un temps précieux pour retrouver son degré de développement déjà atteint. La religion sur Alkium est l'œuvre de ses habitants. Tout a commencé le jour où des Goranes ont rencontré par hasard des Terriens en mission sur leur planète. Ils ont cru avoir affaire à des prophètes ou des êtres célestes à qui ils ont donné le nom d'Oullakis. La légende dit : «lorsque vint le char volant, les deux Oullakis montèrent au ciel. Ils avaient accompli leur mission car ils étaient venus dire au peuple des Goranes : ‘'Marchez, marchez et ne regardez jamais derrière vous !''.» Ce «message» deviendra le plus ancien commandement. Des différences d'interprétation de cette rencontre vont donner naissance à des profondes divergences théocratiques et à deux communautés ennemies. L'anthropologue Ali Daymal qui avait secrètement étudié de près les deux communautés pense que les progressistes wolocks sont plus enclins à construire une civilisation, que les conservateurs kalans. Des conditions (et des interprétations des textes) différentes donnent aussi des résultats différents. Sur Alkium, il n y a pas de problème d'égalité entre les sexes, dans cette société ni patriarcale ni matriarcale. Les Ombres, puis les Oullakis guident le peuple des Goranes et veillent sur lui. Mais l'apocalypse est proche. Le savant qui a rendu habitable la planète se prend certainement pour le «dieu» de ses habitants. Alors pour les punir du «sacrilège» d'avoir tué son fils, il décide de les exterminer. Le coupable est un jeune amoureux qui n'hésite pas à défendre sa bien-aimée, la fille du chef du peuple ennemi, même contre un Oullaki ! Les peuples du ciel, c'est comme l'Histoire de l'Humanité en accéléré. Le roman d'Ahmed Gasmia est un des rarissimes ouvrages de science-fiction algérien. Il est comme une comète dans le ciel de la littérature algérienne. Kader B. Roman Les peuples du ciel d'Ahmed Gasmia, éditions Frantz- Fanon, 247 pages, année 2019