D'abord cette question que se partagent l'avis scientifique et le bon sens paysan : qu'est-ce qu'il y a de si inquiétant dans cette maladie dont la définition qui revient le plus souvent dans la bouche des spécialistes est qu'elle est «l'équivalent d'une méchante grippe» ? Parce qu'on a beau dire que les Algériens ont l'habitude de prendre ce genre de situation plutôt avec une dangereuse nonchalance, on a vu, au moins cette fois-ci, que l'inquiétude est évidente chez beaucoup de gens. En évoquant le sujet ou simplement en observant les comportements, on se rend compte que la sérénité n'est pas là. En dépit des faits de dérision et parfois de négation — ou d'exagération — de la maladie observables çà et là, il n'est pas bien difficile de remarquer que l'Algérien a quand même peur. Et comment peut-il en être autrement d'ailleurs, une fois évacués les clichés qui font de lui un superman résistant à tout, une fois clarifiées les définitions parfois légères du mal et une fois dégagées les criminelles charlataneries mobilisées comme dans toutes les situations du genre ? Parce que si le coronavirus est présenté comme une «méchante grippe», on ne dit pas souvent que la grippe, «méchante» ou même ordinaire… tue plus qu'on ne le croit. Et si l'Algérien ordinaire savait le nombre de morts qu'elle cause chaque année dans des pays qui sont sur une autre planète en matière de santé publique, peut-être qu'il aurait paniqué plus encore et à juste titre. Mais il n'y a pas que la maladie elle-même et ce qu'elle représente comme péril sur la vie des gens qui engendre la peur ou la pousse à son paroxysme. Ce sont les capacités de réaction à un danger de santé publique, la logistique disponible et le savoir-faire réel mobilisable qui atténuent les angoisses, établissent la confiance et maximalisent les chances d'en sortir sans ou avec un minimum de dégâts. Or, il n'est pas besoin d'être un incurable grincheux et un sceptique patenté pour constater qu'en la matière, le pays est très loin d'être rassurant. L'Algérie et ses gouvernants ne peuvent pas s'inventer une politique de santé efficace et accessible à tous à l'occasion d'une pandémie de coronavirus, s'il y en avait une, on l'aurait su bien avant ça. Comme il faut être rassurant pour… rassurer, on comprend dès lors pourquoi la communication officielle passe très mal. Et ça va malheureusement jusqu'au renoncement du citoyen à de basiques précautions juste parce que l'émanation a été rarement un exemple de crédibilité. Quand on a caché les chiffres du sida et donné la parole à des «spécialistes» pour qui la prévention la plus sûre consiste à éviter les «relations extraconjugales», on n'a pas vraiment vocation à faire dans la pédagogie sanitaire quand il est question de coronavirus. Comme dans la pédagogie tout court, d'ailleurs. S. L.