Les procès à distance ont commencé à se dérouler dans les tribunaux algériens soumis à des mesures interdisant l'organisation d'audiences publiques en raison de l'épidémie de coronavirus. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Il s'agit de «petits» procès, apprend-on auprès d'avocats qui utilisent cette terminologie pour désigner des affaires de droit commun sans grande portée comparées aux gros dossiers de corruption en attente dans les tribunaux. Les mêmes sources indiquent que les jugements qui ont eu lieu concernent des prévenus poursuivis pour larcins, banditisme ou détention de stupéfiants. Les procès se sont déroulés selon un système bien connu remis à l'ordre du jour en raison de la situation exceptionnelle que traverse le pays. Il s'agit de séances de visioconférences, les prisonniers sont sortis de leurs cellules mais demeurent dans le pénitencier où ils sont détenus, ils sont menés dans des salles dotées de caméras fixes et répondent aux questions du juge dont l'image est retransmise par écran. Les avocats expliquent que cette procédure ne peut cependant se dérouler que s'il y a accord du prévenu. «Le prévenu est informé de la manière dont va se dérouler son procès, s'il est d'accord, il est jugé à distance, mais cette méthode ne peut donner qu'avec des procès simples et qui ne nécessitent donc pas de grandes et longues séances questions-réponses. Avec les gros procès, tels que ceux programmés en matière de corruption, c'est une tout autre histoire, le procédé paraît carrément impossible à mettre en œuvre pour au moins deux raisons : la lourdeur des charges retenues à l'encontre des concernés, et, en second lieu, le nombre important de personnes, témoins, avocats qui doivent intervenir à l'audience.» Pour l'heure, rien ne semble indiquer que les gros procès en question puissent se dérouler par visioconférence. Jeudi dernier, le tribunal de Blida a renvoyé pour la seconde fois une audience durant laquelle devait être jugés l'ancien chef de Sûreté de wilaya d'Alger, Noureddine Berrachdi, son ancien responsable, Abdelghani Hamel, et l'ex-ministre de la Justice Tayeb Louh. Le procès ETRHB Ali Haddad, programmé pour ce lundi 13 avril, sera-t-il également reporté ? «De par sa nature, ce procès implique la présence d'un grand nombre de personnes, il y aura donc beaucoup de monde dans la salle d'audience, ce n'est pas du tout recommandé en période de confinement, c'est même dangereux» s'exprimait récemment à cet effet l'avocat de Amara Benyounès. L'ancien ministre du Commerce et ancien ministre de l'Industrie fait partie des douze ex-hauts responsables poursuivis dans le cadre de la même affaire et devant donc comparaître ce lundi. Ce qu'il faut également savoir est que tous les tribunaux du pays ont été instruits de tenir des procès à distance tout le temps que se poursuivra le confinement. Le procédé a été officiellement décrété il y a plus d'une semaine (lors de l'annonce de la prolongation de la période de confinement). Jusqu'au 5 avril dernier, des extractions de prisonniers (lorsqu'ils sont seuls) se sont poursuivies, certains ont été amenés aux tribunaux où ils ont été jugés, d'autres ont été conduits auprès des juges d'instruction de différentes instances. Avec le durcissement du confinement, la situation a, cependant, changé du tout au tout. Les autorités judiciaires ont décidé de réduire notablement, voire carrément éviter les déplacements des détenus afin d'éviter tout risque de contamination. Ce risque préoccupe grandement les familles des détenus et les avocats qui tentent, depuis un moment, d'accentuer la pression pour obtenir la mise en liberté provisoire ou conditionnelle des détenus. «On ne demande pas aux autorités de les innocenter mais de les libérer provisoirement et de poursuivre leur travail avec eux comme ils le font actuellement, sans plus», déclarait, il y a quelques jours, à ce propos Me Ksentini. L'avocat de Djamel Ould Abbès, ancien ministre de la Solidarité, a d'ailleurs décidé d'introduire une nouvelle demande de mise en liberté provisoire de son client pour raison sanitaire. Elle sera étudiée ce lundi, dit-il. Il y a dix jours, une demande similaire avait été rejetée. D'autres avocats ont également introduit des demandes similaires. «Au cours de cette semaine, certains d'entre nous ont rendu visite à des détenus à la prison de Koléa, ils portaient des masques, mais c'est une mesure insuffisante», nous dit-on. Lors de visites effectuées à la prison d'El-Harrach, d'autres avocats ont remarqué, eux aussi, la présence de masques de protection chez les détenus visités : «Ils sont protégés, c'est bien, mais ils retournent ensuite dans des salles où ils sont entassés à soixante ou soixante-dix, il n'y a que peu de cellules individuelles là-bas, le risque de propagation du virus est grand.» A. C.