Entretien réalisé par Rym Nasri Mobilisation des bénévoles face au Covid-19, aide aux personnes nécessiteuses, soutien aux familles déplacées, solidarité spécial Ramadhan et aide humanitaire au peuple sahraoui. L'emblématique présidente du Croissant-rouge algérien (CRA) dresse un tableau complet des activités de son organisation. Connue pour son parler vrai, Saïda Benhabiles rappelle avoir banni, non sans subir des critiques, le recours aux listes des municipalités pour identifier les familles nécessiteuses. Elle a privilégié la voie ancestrale en sollicitant le concours des chefs de quartier, des djemaâs et des zaouïas. Le soir d'Algérie : Comment le Croissant-Rouge algérien s'est préparé pour faire face à la propagation de la pandémie de coronavirus en Algérie ? Saïda Benhabiles : Le Croisant-Rouge algérien s'est mobilisé depuis l'apparition du Covid-19 en Chine. Nous avons fait appel à la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour nous envoyer des experts afin de recycler nos formateurs et améliorer leurs connaissances pour la gestion des catastrophes et des pandémies. Début janvier dernier, deux experts sont arrivés de Genève et ont formé nos formateurs. Après leur départ, nous avons organisé des rencontres de formation régionales au profit de nos bénévoles au sud, à l'est, à l'ouest et au centre du pays. Lorsque le virus est arrivé en Algérie, nous étions déjà préparés sur les plans humain et de formation. Nous avons alors élargi la formation au grand public et nous nous sommes lancés dans la sensibilisation. A travers vos actions de sensibilisation sur le Covid-19, quelle population ciblez-vous en particulier ? La campagne de sensibilisation a touché les populations vulnérables. Des produits désinfectants et d'hygiène, mais aussi des produits alimentaires ont été distribués au cours de cette opération. Etant donné que nous ne bénéficions pas de subvention, nous avons été accompagnés par nos partenaires classiques, notamment la Fédération internationale du Croissant-Rouge, le Comité international de la Croix-Rouge et la Croix-Rouge chinoise, mais aussi par de nouveaux partenaires tels que des opérateurs de la téléphonie mobile et des entreprises économiques qui se sont manifestés ainsi que des particuliers. Quelles sont les autres populations auxquelles le CRA apporte son aide ? Nous ne faisons pas dans le conjoncturel. Outre les villages très déshérités à travers plusieurs wilayas, notamment le flanc est du pays tel que Bouira et Béjaïa ainsi que les nomades de Naâma, nous avons axé nos interventions sur les zones frontalières à Tin Zaouatine et Borma. La commune de Tin Zaouatine, dans la wilaya de Tamanrasset, abrite une population algérienne qui résidait avant à Kidal, au Mali, et qui, depuis 2012, s'est installée sur les frontières. Ce sont près de 470 familles qui sont prises en charge depuis maintenant quelques mois par le Croissant-Rouge algérien. Nous leur fournissons des tentes, des denrées alimentaires et des fournitures scolaires pour encourager la scolarité des enfants. Une caravane médicale est aussi partie sur place. Cette population est organisée dans le cadre de l'association «Les Algériens de Kidal», agréée par notre consulat à Gao. Sur sa demande, le Croissant-Rouge algérien a envoyé dernièrement des dons importants, dont le poids du colis alimentaire est entre 50 et 60 kilos, destinés à 200 familles. Une grande caravane est également prévue au cours de cette semaine. Elle va desservir les zones déshéritées dans les 48 wilayas. Qu'en est-il des cas de Covid-19 ? Nous sommes les premiers à être auprès des familles qui ont perdu un membre atteint de Covid-19. Nous sommes intervenus dans les villages les plus perdus en Kabylie, où nous assurons désinfection des lieux et soutien psychologique des personnes. Nous apportons aussi une aide en denrées alimentaires pour les familles dont la situation sociale le nécessite. Qu'est-ce que vous avez prévu pour ce mois de Ramadhan ? Les besoins augmentent pendant le mois de Ramadhan et les actions de solidarité suivent. Nous avons une tradition durant le mois de jeûne et nous sommes mobilisés. Nous avons d'ailleurs mis le paquet et actuellement nous recevons les listes des wilayas des personnes concernées. Sur quels critères se base justement le CRA pour distribuer les aides et les dons ? Nous disposons d'un listing de 250 000 familles nécessiteuses à travers le territoire national. En 2014, j'ai banni les listes élaborées par les communes. Les APC exigent la non-inscription à la Sécurité sociale. Combien de personnes qui travaillent à leur compte, qui ne sont pas affiliées à la Sécurité sociale et qui ne sont pas dans le besoin ? Depuis, j'ai été attaquée de toutes parts. Comme les communes sont partisanes, chaque parti politique essaye de tirer la couverture à lui. J'ai instauré une démarche ancestrale basée sur la proximité. Les chefs de quartier qui établissent la liste des familles nécessiteuses de leur village se réfèrent aux djemaâs, aux cheikhs de zaouïa, aux imams, aux notables, aux associations et à la société civile. Les dons sont remis à ce comité qui se charge de les faire parvenir à domicile. Une démarche qui permet d'assurer la transparence dans la distribution des dons et de préserver la dignité des bénéficiaires. Ce procédé a été, récemment, adopté par le Premier ministre qui a donné les mêmes instructions pour l'élaboration des listes des personnes nécessiteuses. Quand nous avons appris cette décision, nous avons été confortés dans notre démarche. Et sur le plan des ressources humaines ? Le Croissant-Rouge algérien n'a pas de fonctionnaires. Son personnel est composé de bénévoles : des étudiants, des médecins, des femmes au foyer. Chacun apporte sa contribution. Malgré la pandémie de coronavirus, le nombre des bénévoles a augmenté. Nous étions à 20 000, aujourd'hui nous avons atteint près de 30 000 bénévoles. Qu'est-ce qui a été fait pour les réfugiés sahraouis en cette période de crise sanitaire ? Une grande caravane est partie la semaine dernière d'Alger vers les camps de réfugiés à Tindouf. Elle a été acheminée par avions militaires. Il s'agit d'une centaine de tonnes de dons, notamment des denrées alimentaires, des produits d'hygiène, des couches-bébé, des masques et des médicaments. Le ministère de la santé y a contribué en fournissant des masques et autres produits médicamenteux et le ministère de l'Intérieur s'est mobilisé également. Nous avons collecté plus de 100 tonnes de dons. Et pour déplacer notamment ceux provenant de la région du Sahel ? Ils ont été tous contactés à travers toutes les wilayas où ils se trouvent. Ils sont considérés comme des SDF. Certains acceptent d'être dans des centres et d'autres non. Ces derniers sont tout de même pris en charge par les pouvoirs publics durant cette période de pandémie. Nous leur apportons une assistance sanitaire. Nous leur assurons même le rapprochement familial en leur donnant l'occasion de contacter leurs familles dans leur pays. Ry. N.