Il y a 30 ans s�ouvrait l��re industrielle du coussin gonflable. Un �quipement miracle qui hanta longtemps les bureaux d��tudes am�ricains avant d�appara�tre au grand jour sur une Mercedes-Benz. Histoire d�un pari technique qui ne manque pas d�air. Comme la plupart des grandes inventions, l'airbag n'est pas le fruit du travail d�un seul homme, mais plut�t celui d'une longue succession de d�couvertes. La pr�histoire du coussin de s�curit� se situe au d�but des ann�es 1950, �poque o� une poign�e d'ing�nieurs am�ricains a eu l'intuition de ce qui deviendra la plus grande avanc�e en mati�re de s�curit� passive apr�s la ceinture trois points. Il y a cependant loin de la coupe aux l�vres, et le fameux sac gonflable dont les journaux sp�cialis�s annoncent l'av�nement prochain ne quitte pas encore l'enceinte des laboratoires. Pour passer de la th�orie � la pratique, il reste � choisir l'�toffe du sac, son emplacement, son volume, etc. Sans oublier l'�pineux probl�me de son gonflage. Comment concilier des exigences aussi antinomiques que la rapidit� de d�clenchement, l'innocuit� pour le conducteur et l'insensibilit� du syst�me aux vibrations et aux variations de temp�rature ? Ces questions maintiennent en �chec les bureaux d'�tudes des constructeurs am�ricains durant de longues ann�es... Les premi�res normes L'�mergence des premi�res normes de s�curit� f�d�rales agissent � partir du milieu des ann�es 1960 comme un �lectrochoc. Ces nouvelles contraintes r�glementaires incitent les bureaux d'�tudes � mobiliser leurs �normes moyens financiers et techniques. Tr�s t�t, la General Motors (GM) prend la t�te de la course � l'airbag en prenant le parti de s'en remettre � une petite charge explosive plut�t qu'� de l'air comprim� ou � un gaz liqu�fi� pour assurer le gonflage rapide du sac. Une avanc�e capitale. Mais tout s'arr�te brutalement en 1974 lorsqu'un metteur au point trouve la mort suite � l'explosion inopin�e du syst�me. Les cr�dits sont gel�s et les Trois Grands de Detroit annoncent officiellement leur intention de renoncer au coussin gonflable de s�curit�. Cette m�me ann�e, le tr�s respect� magazine italien Quattroruote constate le pi�tinement des recherches et conclut que �l'airbag n'a probablement pas grand avenir�. Tous s'accordent alors � dire qu'une charge explosive est incompatible avec l'environnement d'une automobile en mouvement. Et m�me si l'airbag �tait au point, il resterait encore � convaincre les automobilistes de l'int�r�t de conduire avec quelques grammes d'explosifs sous le nez... A une �poque o� la ceinture de s�curit� fait encore figure d'accessoire pour pilotes amateurs au m�me titre que le si�ge baquet ou que le volant sport, l�objectif semble hors de port�e. C'est dans ce contexte que les dirigeants de Daimler-Benz prennent une d�cision d'une t�m�rit� qui surprend encore les acteurs de cette aventure. Contre toute attente, l'�chec des Am�ricains n'entra�ne pas l'abandon des �tudes men�es par Mercedes-Benz depuis 1967. Au contraire. �En 1974, nous avons refus� d'abandonner nos recherches. Nous avions identifi� le potentiel �norme du coussin gonflable en tant que syst�me de retenue suppl�mentaire, compl�ment de la ceinture de s�curit� �, se souvient Hansj�rgen Scholz, 64 ans, en charge du projet. Cette approche est sensiblement diff�rente de celle des pouvoirs publics am�ricains qui con�oivent l'airbag comme un syst�me de retenue automatique, capable de remplacer la ceinture de s�curit�. Ce qui contraint les ing�nieurs ing�nieurs de chez GM � concevoir un sac tr�s gros, tr�s puissant et donc inutilement violent. La course aux innovations Les Allemands visent quant � eux un volume plus r�duit : un parti pris qui s'av�rera �tre la cl� du succ�s. �Au milieu des ann�es 1960, nous ne disposions tout simplement pas de la technologie n�cessaire en Allemagne�, se souvient le Professeur Willi Reidelbach, 84 ans, autrefois charg� des questions de s�curit� chez Mercedes-Benz. �Les Am�ricains avaient d�j� d�pos� des brevets pour un coussin � gonflage rapide log� dans le volant. Nous avons donc r�solu de n�gocier avec deux entreprises de l'Utah et de l'Arizona sp�cialis�es dans les propulseurs de missiles. Notre objectif �tait d'obtenir leurs g�n�rateurs afin de les �tudier � Sindelfingen et de les faire fabriquer en Allemagne.� C�est la firme Bayern- Chemie qui sera charg�e de produire les premi�res cartouches pyrotechniques. Quant au capteur de d�c�l�ration d�clencheur de la mise � feu, c'est Bosch qui en ach�vera la mise au point. �Je me souviens que ma premi�re responsabilit�, une fois affect� � ce projet, fut d'aller suivre un stage obligatoire de deux semaines dispens� par l'arm�e consacr� au maniement des explosifs !� raconte le Dr Luigi Brambilla, 61 ans, qui travailla sur l'airbag chez Mercedes-Benz entre 1970 et 2002. �A cette �poque, le syst�me du coussin gonflable �tait encore assimil� � un produit explosif, au m�me titre qu'une grenade ou une mine.� Cette nouvelle qualification d'artificier fait jaser les confr�res du centre de recherche de Sindelfingen : �On nous r�torquait souvent que jamais nous ne parviendrions � int�grer des charges explosives dans une voiture, raconte Helmut Patzelt, 61 ans, autrefois charg� des tests grandeur nature. Mais on a tenu bon.� �Nous avons persist� dans l'id�e que copier le mode de propulsion des missiles �tait la solution. Une ma�trise salutaire Il nous fallait juste faire en sorte que les gaz ainsi d�gag�s soient emprisonn�s dans un sac ad�quat, poursuit H. Patzelt. Au d�but, nous avons test� du gaz fr�on liqu�fi� sous pression. Au moment du d�clenchement, le fr�on �tait chauff� en une fraction de seconde par la combustion d'une charge propulsive : il retrouvait sa forme gazeuse et gonflait alors le sac. Mais le proc�d� n'allait pas sans risque : il arrivait parfois que le sac parte en lambeaux !� Autant de probl�mes inattendus qu'il fallut r�soudre en ayant recours � des solutions et � des m�thodes parmi les plus farfelues. Il faudra treize longues ann�es pour achever la mise au point de l'airbag et le lancer sur le march�. C'�tait en 1980 : la Mercedes-Benz Classe S Type W126 inaugurait simultan�ment l'airbag et la ceinture � pr�tensionneur. Les ing�nieurs allemands rappelaient ainsi que l'un et l'autre de ces deux �quipements de s�curit� doivent fonctionner de concert. �Au d�but, nombreux �taient les clients qui ne voulaient pas en entendre parler, se souvient le Professeur Guntram Huber, charg� du d�veloppement carrosserie de 1977 � 1997. La seule chose dont ils �taient s�rs, c'est que l'airbag cr�ait beaucoup de bruit et de fum�e �cre. D'un autre c�t�, ils nous faisaient confiance. Ils savaient que lorsque Mercedes-Benz appose son nom sur une innovation, c'est qu'elle est bonne.� En 1994, le Professeur Huber et tous ses coll�gues associ�s � la mise au point du coussin de s�curit� re�urent le Troph�e de la S�curit� d�cern� par le US D�partement of Transportation. Depuis 1980, toutes les �tudes men�es aux USA, en Allemagne et � travers le monde ont conclu � l'efficacit� de l'airbag qui a sauv� des milliers de vie. Mercedes- Benz a sign� de nombreuses autres grandes premi�res en la mati�re (premiers airbags passager, lat�raux et rideaux) et poursuit aujourd'hui encore ses recherches. Avec la seconde g�n�ration de son syst�me Presafe, le constructeur s'achemine vers une interaction pouss�e entre tous les syst�mes de protection int�gr�s au v�hicule. A terme, le d�ploiement des coussins prendra en compte non seulement la pr�sence de passagers, mais �galement leur position, leur masse et leur sexe. Avec toujours pour objectif la r�duction de la violence du contact avec le fameux coussin blanc.