La sortie du confinement devait se faire de manière « flexible » et « progressive». Force est de constater qu'elle s'opère dans la plus totale des anarchies. Les mariages et autres rassemblements familiaux, censés être interdits, continuent d'être une source de contaminations à grande échelle. Résultat : des familles entières, testées positives au Covid-19, atterrissent au niveau des structures de santé. Pas question à ce stade de reconfiner l'ensemble du territoire national mais les wilayas les moins disciplinées verront les conditions de confinement durcies à nouveau. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Le record de contaminations quotidiennes au Covid-19 est désormais atteint. La situation épidémiologique est plus qu'inquiétante. Les échos émanant des différentes structures de santé dédiées à la prise en charge des personnes contaminées au Covid-19 confirment l'existence de clusters. La contamination inter-familiale prédomine. Et pour cause : en essayant de retracer les parcours des personnes qu'ils reçoivent au quotidien, les médecins font état de l'existence d'un point commun entre les patients. Ils disent majoritairement avoir assisté, soit au mariage d'un proche, soit à un enterrement. D'autres assurent n'avoir jamais respecté les règles de distanciation physique, encore moins le port du masque. Les mariages pointés du doigt En théorie, le masque n'est plus optionnel. Il a fait l'objet d'un décret le rendant obligatoire dès le second jour de l'Aïd. Il y est dit que « tout établissement recevant le public, toute administration, ainsi que toute personne assurant une activité de commerce ou de prestation de services, sous quelque forme que ce soit, sont tenus d'observer et de faire respecter l'obligation du port de masque de protection, par tous moyens, y compris en faisant appel à la force publique ». Les contrevenants s'exposent à des sanctions prévues par le code pénal, prévoyant des amendes et même une peine d'emprisonnement. Ceci pour la théorie. En pratique, personne n'a encore été verbalisé pour non-port du masque dans l'espace public, hormis des automobilistes, victimes d'une mauvaise interprétation du texte de loi. Résultat : c'est en toute impunité que des porteurs potentiels du virus se promènent dans l'espace public, constituant de véritables bombes à retardement. Autre source potentielle de contamination : les regroupements familiaux. Si les salles des fêtes sont fermées depuis le mois de mars, il en fallait un peu plus pour dissuader les plus téméraires. Beaucoup de familles, et au mépris de toutes les règles sanitaires, n'ont pas chamboulé leurs calendriers, maintenant les fêtes de mariage prévues depuis de longs mois déjà. Dans l'impossibilité de les célébrer dans les salles des fêtes, c'est dans les domiciles et sur les terrasses que les regroupements se font. Si au début, ces mariages se faisaient dans la discrétion, ils sont clairement assumés depuis plusieurs jours. Des cortèges sillonnent les villes avec les mêmes pratiques d'avant le coronavirus : des voitures qui zigzaguent, des feux d'artifices et pour les plus audacieux, quelques pas de danse sur une autoroute. Des scènes surréalistes qui s'ajoutent à des comportements tout aussi irresponsables : les repas sont souvent servis dans une même et grande assiette à des convives entassés autour d'une table. Savent-ils qu'ils enfreignent la loi ? Si les fêtes de mariage n'ont pas fait l'objet d'un texte de loi, elles sont interdites sur décision des walis. Au cours du Conseil des ministres du 31 mai dernier, le président de la République avait donné instruction aux walis afin qu'ils suivent « la situation de près et veiller au respect des mesures préventives telles que l'interdiction de rassemblements, fêtes et mariages ». De nombreux walis ont signé des arrêtés interdisant tout « rassemblement festif ». À titre d'exemple, celui de Ghardaïa a été plus loin, interdisant tout rassemblement de plus de deux personnes. En ne respectant pas cette interdiction, les contrevenants s'exposent à des sanctions. L'article 290 bis du code pénal stipule qu'« est puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 60 000 DA à 200 000 DA, quiconque, par la violation délibérée et manifeste d'une obligation de prudence ou de sécurité édictée par la loi ou le règlement, expose directement la vie d'autrui ou son intégrité physique à un danger ». Il stipule également que « la peine est l'emprisonnement de trois ans à cinq ans et l'amende est de 300 000 DA à 500 000 DA, si les faits sus-cités sont commis durant les périodes de confinement sanitaire ou d'une catastrophe naturelle, biologique ou technologique ou de toute autre calamité ». Le confinement ciblé incontournable Face à cette situation épidémiologique, le retour à un confinement généralisé à l'ensemble du territoire national ne fait plus partie des ripostes envisagées par le Comité scientifique de suivi du Covid-19. Les raisons sont nombreuses : la situation économique en pâtirait sans compter que les statistiques ne sont pas les mêmes dans toutes les wilayas. Hier, le directeur de la prévention assurait que le taux d'occupation des lits au niveau des structures hospitalières a atteint 65% , ceux dédiés à la réanimation atteignent un taux de 35,5%. Toutes les wilayas ne sont pourtant pas logées à la même enseigne. Dix wilayas occupent, depuis plusieurs jours, le haut du classement. Il s'agit de Sétif, Boumerdès, Alger, Blida, Ouargla, Béchar, Oran, Annaba, Batna et Tiaret qui risquent de voir les conditions de confinement à nouveau durcies. Il n'est pas exclu que les horaires du couvre-feu soient révisés. Il s'agit là d'une recommandation du Comité scientifique qui estime que les wilayas qui n'enregistrent presque pas de cas ne doivent pas être pénalisées. Certains membres plaident même pour un confinement par quartier si la situation l'imposait. Il s'agit là de la seule parade à l'heure actuelle. Elle doit être couplée, selon les membres du Comité scientifique, à une application stricte de la loi, seule manière de contraindre les plus inconscients au respect des mesures barrières. N. I.