Les commerces, de par leur nature d'espaces de rencontres entre les citoyens, constituent l'un des plus importants maillons de la lutte contre la propagation du virus. Malheureusement, c'est également l'un des secteurs qui échappe le plus au strict contrôle de l'Etat. Et c'est, justement, le constat qui s'impose au vu de ce qui se passe dans les espaces commerciaux censés, pourtant, veiller au respect strict des mesures de distanciation physique. Ayant, pour la plupart, beaucoup perdu de leur chiffre d'affaires depuis le début du confinement, les commerçants se montrent rétifs à appliquer des mesures qui pourraient «freiner» un afflux de clientèle et, donc, se montrent peu regardants envers des clients pas toujours disciplinés. Face à cet état de fait, les pouvoirs publics trouvent des difficultés à convaincre les concernés quant à l'application stricte de ces mesures. Du coup, c'est le recours aux services de sécurité pour imposer le respect de ces mesures barrières. Et c'est comme ça que l'on assiste à une sorte de jeu du chat et de la souris entre les commerçants et les forces de l'ordre, comme rapporté par nos reporters à Alger-Centre et El-Hamiz ci-dessous. Le poids de la crise sanitaire qui perdure devient de plus en plus lourd à porter pour de nombreux commerçants. Déjà déstabilisés par des mesures de restriction qui limitent leur champ d'activités, certains se heurtent de nouveau à la menace de voir leurs commerces fermés pour une certaine période, en raison du «non-respect» des mesures de sécurité décrétées par les autorités sanitaires, dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Les commerçants activant à la rue Ferhat-Boussaâd (Meissonnier) et au marché Ali-Mellah ont jusqu'à samedi prochain pour mettre en place un dispositif sanitaire strict et renforcé, au sein de leurs espaces de vente. Faute de quoi, les autorités procéderont à la fermeture de tous les magasins et marchés implantés dans ce rayon-là. Une situation compliquée pour ces commerçants, qui se disent à la fois «dépités» et «incertains» face au caractère permanent de ces perturbations. Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - Les éléments de la police ont été instruits de barricader, hier dans la matinée, le marché couvert de fruits et légumes situé à Meissonier, afin d'empêcher les commerçants d'y accéder. Surpris, ces derniers protestent et finissent par convaincre les forces de l'ordre de les laisser reprendre leur activité quotidienne, du moins pour la journée, le temps d'écouler leurs marchandises fraîches. «Sincèrement, je n'ai pas eu vent de cette décision jusqu'à ce que je voie des véhicules de police stationnés près du marché», fait savoir, non sans étonnement, un jeune vendeur de fruits et légumes travaillant sur place. «Je suis allé au marché de gros de Boufarik de bonne heure ce matin, j'ai pris des légumes et des fruits frais comme à l'accoutumée», poursuit-il sur la même note. II était donc «impossible» pour celui-ci de «mettre tout ça à la poubelle». Il explique que pratiquement tous les commerçants étaient dans cette situation. Ce qui a «dissuadé la police» de fermer comme prévu le marché. Cette décision est tombée comme un couperet pour une bonne partie de ces marchands. Ceci a exacerbé une «colère enfouie» depuis déjà des semaines, diront-ils. À 10 h du matin, au même endroit, on constate, en effet, un impressionnant dispositif policier installé le long du trottoir longeant le marché couvert (camions, fourgons, voitures). Des agents de police se trouvaient dehors et faisaient régulièrement des va-et-vient, scrutant le moindre fait et geste des vendeurs et des clients. À l'intérieur, rien d'inhabituel. Les consommateurs affluaient sans cesse et les marchands n'ont eu, à première vue, aucun mal à écouler leurs produits. Seule la présence policière rendait l'atmosphère quelque peu tendue. Chose qui était palpable. D'aucuns demandaient aux vendeurs de leur expliquer ce qui se passait. D'autres avaient compris et ont avoué ne pas comprendre cette mesure qu'ils qualifient de «drastique». Omar, un vendeur ne dépassant pas 25 ans, le masque maladroitement posé sur le visage, explique qu'on reproche aux commerçants, dont lui, de ne pas «se conformer au protocole sanitaire en vigueur». «Pourtant, on oblige nos clients à porter des masques et nous désinfectons tous les matins le marché», assène-t-il, estimant qu'ils ne sont pas en mesure de faire plus que ça. En jetant un coup d'œil furtif sur la propreté des lieux, on observe que, mis à part quelques déchets jonchés par terre, sous les étals notamment, le marché est plutôt bien entretenu. Il est vrai, néanmoins, que l'obligation du port du masque n'est pas scrupuleusement respectée, pas même par tous les vendeurs. On constate également, qu'hormis quelques marchands qui mettent à la disposition des clients des solutions hydroalcooliques, le reste ne semble pas se préoccuper de cet aspect-là qui, pourtant, fait partie intégrante du protocole sanitaire en question. Interpellé sur ce point, un commençant admet qu'il n'a pas eu la présence d'esprit d'«en acheter». Pour ce dernier, il s'agit d'une simple «omission». S'agissant des masques ou des bavettes, il se dit plus à cheval, mais regrette que de nombreux clients entrent dans le marché sans masque. «Ce n'est pas à moi de surveiller les citoyens, ils sont majeurs et vaccinés», lance-t-il pour dégager toute responsabilité. On remarque effectivement que certains clients ne portent leur bavette qu'à moitié, c'est-à-dire sur le menton, tandis que d'autres le retirent tout bonnement. «Un comportement irresponsable», selon lui. Le même vendeur tient à souligner que c'est à l'état de mobiliser des agents de sécurité, dotés de thérmomètres, à l'entrée des marchés. De plus, «si une personne n'a pas son masque, elle ne rentre pas et le problème est résolu», a-t-il argué. Un étal plus loin, Hakim, boucher, paraît, lui, plus soucieux de faire respecter les mesures barrières à ses clients. Il n'hésite pas à faire la remarque à d'autres vendeurs comme lui, s'il voit qu'il y a un relâchement de ce côté-là. D'ailleurs, il juge cette décision «injuste». «Je respecte à la lettre le protocole imposé par les autorités sanitaires, pourquoi dois-je payer à la place des autres», s'interroge-t-il, affichant néanmoins sa solidarité avec tous les commerçants concernés par la décision de fermeture. Par ailleurs, les magasins situés dans le périmètre du quartier de Meissonnier risquent également de fermer pour au moins une dizaine de jours. La rue Ferhat-Boussaâd, connue pour être une rue marchande, est très fréquentée par les citoyens. Là aussi, un groupe de policiers effectue une ronde. Les magasins sont toujours ouverts et l'affluence est comme les autres jours, sauf que les vendeurs à la sauvette, qui d'habitude s'installaient aux abords des trottoirs, ont été chassés. Les gérants de magasins qui se trouvent sur place avancent que cette mesure intervient au moment où le nombre de contaminations augmente et que l'affluence est très importante dans cette rue. «Cela représente un risque majeur», soutient le gérant d'un magasin de chaussures, qui ne désemplit pas. Il se dit «dépité» et complètement chamboulé par ces mesures qui s'enchaînent et qui changent d'une semaine à une autre. «Nous avons déjà un recul du chiffre d'affaires et on n'arrivera jamais à le rattraper de la sorte», déplore-t-il. Comme lui, d'autres vendeurs expriment leur appréhension, surtout que ce problème s'inscrit dans la durée. Beaucoup accusent «l'incivisme» de certains citoyens qui, malgré le contexte, «continuent de faire comme si de rien n'était». Même constat au niveau du marché Ali-Mellah (1er-Mai), lequel fera également l'objet de fermeture, si les conditions sanitaires ne sont pas réunies. Les autorités laissent libre champ à ces commerçants jusqu'à samedi prochain pour renforcer le protocole sanitaire. Dans le cas contraire, les commerces situés à Meissonier, ainsi qu'au marché Ali-Mellah seront fermés pendant 10 jours, pouvant être reconduits si l'Etat le juge nécessaire. M. Z. Quand la police part... En milieu d'après-midi, et dès le départ des policiers, les vendeurs à la sauvette ont réinvesti la chaussée, à tel point qu'il était impossible de se frayer un chemin entre des vendeurs, sans aucune protection pour la plupart, et des badauds, parfois en famille, qui se montraient plus soucieux du prix et de la qualité des produits exposés à même la chaussée, que des mesures d'autoprotection ou de distanciation physique.