L'information a éclipsé toute l'actualité de la journée de mercredi : Ali Haddad et Mahieddine Tahkout transférés à Tazoult, ex-Lambèse, et Babar, Khenchela, des pénitenciers parmi les plus redoutés du pays et renfermant surtout majoritairement des prisonniers condamnés pour des crimes graves. Et puis, bien sûr, s'en sont suivies des interrogations, des hypothèses formulées à grande échelle par une opinion restée sur sa faim après la diffusion d'une brève dépêche annonçant les faits. Que s'est-il passé pour que les deux hommes d'affaires fassent l'objet d'une telle décision ? Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Tout commence le 3 août dernier lorsque le parquet d'Alger annonce l'ouverture d'une enquête préliminaire sur des informations parues dans la presse au sujet d'un contrat de lobbying de 10 millions de dollars conclu entre des personnes mandatées par Ali Haddad et un cabinet de lobbying appartenant à un célèbre conseillé de Donald Trump. Cette révélation de taille est l'œuvre d'un très sérieux journal américain, Foreign Lobby, en possession d'une autre précieuse information indiquant que le contrat en question avait été signé au nom de Ali Haddad par une certaine Sabrina Ben, résidant à Paris. L'objectif de l'accord n'est pas signifié dans le document mais une déclaration faite à Foreign Lobby par William Lawrence, un ancien diplomate du département d'Etat et spécialiste de l'Afrique du Nord, enfonce le clou. «Je pense que l'objectif de Ali Haddad serait de s'attirer les faveurs des Américains les plus puissants afin que son affaire figure dans des entretiens qui pourraient avoir lieu entre les Américains et le régime algérien.» L'affaire fait grand bruit, elle défraye la chronique. Mercredi matin, lors de la rencontre gouvernement-walis, Abdelmadjid Tebboune l'évoque aussi. Certains «sont en prison, dit-il, et leurs millions de dollars se distribuent à l'étranger. Qui a sorti ces millions de dollars, qui a donné les ordres pour que cet argent arrive à destination ?» L'information relative au transfert de l'ex-patron de l'ETRHB tombe en fin d'après-midi. La dépêche de l'agence gouvernementale, APS, comporte aussi le nom de Mahieddine Tahkout. Les plus folles rumeurs courent à ce sujet. Les deux hommes, dit-on, seraient parvenus à constituer de véritables réseaux externes chargés d'agir pour les extirper de prison. Elles laissent aussi entendre que certains de ces éléments étaient notamment chargés de propager de fausses rumeurs pouvant contribuer à parvenir à leurs fins. Lesquelles ? Comment ? L'enquête en cours ne laisse filtrer aucune information pour l'instant. Le communiqué émanant du parquet d'Alger se base sur l'article 11 du code de procédure pénale relatif au secret devant prévaloir durant les investigations. Des sources concordantes généralement bien informées affirment, cependant, que les deux hommes étaient prêts à tout pour s'en sortir. «Ils n'ont pas encore compris que c'en était fini pour eux, Tahkout est passé maître en l'art de corrompre toutes les personnes qui pouvaient lui être utiles. Contrairement à Haddad qui gardait son argent dans des comptes bancaires, il a toujours opté pour des liquidités, cela lui permettait de parvenir très vite à ses fins, il semble qu'il ait tout entrepris pour poursuivre ces mêmes méthodes de prison où il se trouvait, il avait les moyens de le faire, mais avec qui et comment ? C'est ce que l'enquête déterminera.» Les mêmes sources indiquent que toutes les précautions avaient été prises dès les premiers mois ayant suivi l'incarcération des personnalités et hommes d'affaires poursuivis pour corruption. «Pour décharger les parloirs, plusieurs détenus de cette catégorie ont été transférés à la prison de Koléa, certains d'entre eux recevaient énormément de visites car étant entourés de nombreux avocats. À l'intérieur de la prison, ces personnes étaient généralement regroupées par deux ou maximum trois, il n'y avait presque pas de contact avec le reste de la population carcérale, mais il est clair que Haddad et Tahkout ont fini par trouver le moyen de «bouger» là-dedans, il fallait donc agir et les autorités judiciaires l'ont fait rapidement». D'autant qu'un événement difficile à oublier est inscrit dans les mémoires. Celui d'un baron de la drogue originaire de M'sila qui avait réussi à s'évader de la prison d'El-Harrach en 2016, aidé par son avocate qui lui avait remis une robe d'avocat et son badge grâce auquel il avait pu passer sans soupçons devant les gardiens. A. C.