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«Les fils du soleil»
Le groupe mythique des années 1970 de Tissemsilt
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 09 - 2020

Ils avaient l'élégance de leur musique. Des artistes hors pair. «Les fils du soleil» étaient de talentueux musiciens et chanteurs. Dès leur adolescence, ils montraient des dons exceptionnels pour tous les instruments de musique et en particulier la guitare, la batterie et l'orgue. Ils étonnaient par leur capacité à improviser et à déchiffrer les partitions.
C'était toujours un plaisir de les voir avant le début d'un gala en train d'accorder leurs guitares électriques. C'était pour nous un avant-goût de ce qu'il allait nous régaler. Rachid à la guitare solo, Tahar à l'accompagnement, Ouatik à la basse et Cherchali à la batterie. Waouh !!
S'il y a un groupe de musique qui nous a enchantés et qui a marqué notre enfance, notre adolescence et même les vieux jours de certains, cela ne peut être que le groupe mythique «Les fils du soleil» de Vialar des années 1970. On s'ambiançait sur leurs sons, on se déhanchait de manière chaloupée sur la voix de ses chanteurs. Il excellait dans la musique occidentale. Ils adoptant le look des seventies : cheveux longs, pantalons patte d'éléphant, t-shirts imprimés...
Et après des années de gloire, sans nous prévenir, ses membres se sont séparés pour diverses raisons, laissant derrière eux un riche palmarès. Mais ils resteront toujours dans notre cœur, car il ne faut pas se mentir, leur style décapant nous manque énormément!
Comme si ce groupe avait subi le même sort que tous ceux qui ont existé un peu partout dans le monde. Eh oui ! Le monde de la musique est régi par des règles qui nous dépassent tous et, parfois, alors qu'un groupe dont on est complètement fan vend des milliers de disques, du jour au lendemain ses musiciens se séparent et le groupe se désagrège. Black Eyed Peas, Beatles, Beach Boys, Jackson Five, Oasis, Pink Floyd, The rolling stones... sont un exemple de cette séparation-disparition.
Approché, M Rachid Benali, l'un des membres fondateurs du groupe nous dit que «l'idée de former ce groupe était en fait celle de tous ses membres qui étaient en même temps une bande de copains. Le noyau était constitué de votre interlocuteur Rachid Benali, Tahar Abdelaoui, feu Mohamed Cherchali et Tahar Ouatik. Donc, ce sont ces quatre personnes qui étaient les premiers fondateurs. Par ailleurs, l'embryon du groupe s'est formé dès le début des années 1970. Le père de mon ami Tahar Abdelaoui, feu Si Moh, vendait des guitares qu'il exposait dans sa vitrine et on était curieux de les utiliser. Chaque jour, Tahar volait les clés du magasin à son père entre midi et 14h et on avait un immense plaisir à les manipuler. C'est là qu'on a été contaminé par la passion de la musique. Ne pouvant se permettre d'en acheter une, on se contentait de se débrouiller des morceaux de fil de pêche qu'on utilisait comme cordes de guitare et qu'on disposait sur des bouts de bois en guise de table d'harmonie et de manche ; c'est de cette manière qu'on a appris à produire des notes différentes. Et c'était surtout notre voisin et ami Jorbane qui nous aidait à fabriquer ces formes de guitares artisanales dans son petit atelier».
Etant collégien, c'est le maestro Benaouda Kessar qui était le professeur de musique qui nous a initiés aux notions de base qu'on a creusées un peu plus au lycée Ibn Rostom de Tiaret et cela en intégrant la chorale de l'établissement. On abordait tous les genres musicaux avec talent.
Pour ce qui est de la création proprement dite du groupe, elle remonte au début de l'année 1973, et plus exactement le 4 juillet, la veille de la fête nationale de l'indépendance, date à laquelle le groupe a animé sa première soirée au café-hôtel de feu Abdelkader Baroud, un notable et bienfaiteur, au centre-ville. Ce fut un grand succès annonçant par conséquent le baptême de notre groupe musical et le début d'une carrière très riche en évènements artistiques et musicaux. Il y avait ce jour-là un monde fou. Par la suite, le groupe s'est enrichi de l'arrivée d'autres amateurs de musique.
Et d'ajouter : «pour ce qui est de l'appellation du groupe, c'était fortuit pour ne pas vous mentir. Puis on s'est rendu compte plus tard, et à travers les remarques de nos fans que l'appellation rimait énormément avec l'origine du nom de notre ville Tissemsilt, et qui signifie en berbère ‘'coucher du soleil''. Et ça tombait bien. Donc, effectivement, on était les fils de Tissemsilt, ville du coucher de soleil. Et qui dit soleil dit lumière, chaleur, clarté, vie... Notre objectif premier était donc de ramener un peu de chaleur et de lumière artistiques à notre ville qui en manquait terriblement à cette époque. On animait des soirées dans toutes les communes de la ville sous la casquette des scouts et de la section jeunesse de l'époque mais on sentait que le groupe avait du plomb dans les ailes car on n'était pas suffisamment épaulé. Et la première vraie aide qui nous est venue, c'était celle de Si Abdelkader Baroud qui nous a remis une grande somme d'argent à l'époque en guise de récompense, somme qui nous a permis d'acheter des instruments de musique moderne : des guitares électriques, un amplificateur, une batterie (ensemble d'instruments de percussion) et un orgue. D'où, la raison pour laquelle la première soirée du 4 juillet 1973 dont je vous ai parlée, a été organisée dans son café-hôtel et c'était exclusivement une soirée occidentale. On n'oubliera jamais le geste coup de pouce du regretté. Il nous a vraiment mis les pieds à l'étrier. De là, on s'est spécialisé dans la musique occidentale en général et en particulier celle des Beatles. On reprenait tous les grands succès de ce groupe mythique de pop et de rock'n'roll, ainsi que d'autres groupes qui étaient connus dans les années 1960-1970.»
À la question, pourquoi il n'y a pas eu de relève parmi les jeunes amateurs de musique de la ville, Rachid nous répond en guise de conclusion : «Si ! Il y a eu une relève constituée de jeunes très talentueux et qui ont essayé de reprendre le flambeau et qui ont fait du bon travail. Je voulais simplement préciser, pour écarter tout amalgame et toute susceptibilité, que le groupe n'était pas une propriété privée. C'est comme une équipe de football, notre Widad, à titre d'exemple, il y a eu les anciens joueurs puis, au fil du temps, l'effectif s'est enrichi, puis s'est rajeuni, et ainsi de suite. Donc, c'est le même cas pour notre groupe. Pour ceux qui ont repris le flambeau, je les appellerais plutôt ‘'Les petits-fils du soleil''.»
Le groupe «Les fils du soleil» des années seventies restera en tout cas un groupe atypique qui a marqué l'histoire artistique de la ville de Tissemsilt. Une vraie légende !
Rabah Saâdoun


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