Par Ahmed Halli [email protected] Pauvre stade du 5-Juillet ! Une d�faite dans un match amical contre les Gabonais, et voil� le fleuron de nos installations sportives mis en quarantaine. La pelouse tant de fois d�cri�e, tortur�e, est � nouveau rel�gu�e, comme peut l'�tre la malheureuse lanterne rouge de notre d�risoire championnat. Il y a quelques semaines encore, on lan�ait, avec l'emphase nouvelle, des �oukssimou� (je jure) solennels sur l'irr�versibilit� de l'option �5-Juillet�. Deux petits buts gabonais plus tard, et toujours par serment �tir�, on nous promet que ce sera mieux au stade Tchaker de Blida. Sa�dane n'aime pas sortir sous les hu�es du public en col�re ? C'est son droit, vite d�barrassons Sa�dane des spectateurs chahuteurs ! On ne gagne pas au 5- Juillet ? Alors, retournons � ce terrain de Blida, moins guignard et plus convivial, esp�re-t-on. Du coup, il faudra peut-�tre songer � rappeler Sa�fi, pour distribuer quelques soufflets aux journalistes trop critiques. � d�faut d'un stade plus conforme, on retourne au terrain mascotte, l� o� la pouss�e du public peut faire marquer des buts. On va nous promettre encore que le canon va tonner, face � la Tanzanie, au stade Tchaker, m�me sans canonnier. Et si vous vous hasardez � demander sur quels crit�res s'est op�r� ce choix du stade Tchaker, on vous dira qu'il n'y a aucune superstition l�-dedans. On a opt� pour ce stade sur la base d'une �tude technique rigoureuse, c'est ainsi que s'expriment les entra�neurs qui n'ont plus rien � dire. Apr�s avoir chang� de stade, il faudra sans doute songer � revoir la composition de l'�quipe nationale, faire appel � du sang neuf, et moins chaud surtout. Il semblerait, en effet, que certains de nos joueurs soient sujets � des hausses d'adr�naline fr�quentes, hors des terrains. Accueillis comme des h�ros, congratul�s, adul�s, il y a encore quelques semaines, nos joueurs sont � nouveau sous les feux de la critique. Quelques jours avant la Coupe du monde, un quotidien national leur avait reproch� d'avoir chant� et dans� lors d'une r�ception en leur honneur en Allemagne. Cette fois-ci, les accusations sont plus pr�cises et visent certains joueurs en particulier, comme le gardien de but M'bolhi, elles n'�pargnent pas non plus d'autres co�quipiers comme Ziani. Mine de rien, le quotidien Al- Naharentonne les trompettes de la vertu outrag�e et publie des photos de joueurs en galante compagnie. Le titre de la �Une�(1) du journal est dans l'air du temps : �Guerre pharaonique contre les stars de l'�quipe nationale�. Une grande photo de joueurs alg�riens, prise lors d'une soir�e dansante, illustre le propos. Al-Nahar d�nonce la d�marche �gyptienne qui consiste � espionner les joueurs dans leur vie priv�e et dans leurs d�placements, photos d'origine inconnue � l'appui. Sous pr�texte de mettre en garde contre l'exploitation de ces documents par les �ennemis du pays�(2), le quotidien en rajoute. Il affirme d�tenir des photos encore plus �compromettantes�, mais qu'il ne les publie pas, pour ne pas saper le moral des joueurs � la veille de la rencontre avec la Tanzanie. M'bolhi, le gardien prodige de m�re alg�rienne et de p�re congolais, est principalement vis� par cette campagne, o� il est montr�, du moins dans l'�dition �lectronique, en tendre t�te-�-t�te avec une jolie cr�ature. Ces photographies semblent renvoyer encore � la fameuse r�ception en Allemagne, lors du match de pr�paration contre l'�quipe des �mirats. � ce moment-l�, certains m�dias avaient reproch� au staff technique la s�lection de M' Bolhi, au pr�texte qu'il aurait �t� �lev� dans le juda�sme. Jusqu'o� peut aller l'ignominie. On voit aussi une photo (montage?) d'un joueur affal� sur le sol, avec deux bouteilles, au contenu certain, pr�s de sa t�te. Ce qui sugg�re que certains joueurs passent all�grement des femmes � l'alcool et vice-versa. La cause �tant entendue, le journal fait place aux t�moignages de personnalit�s du football qui donnent leurs avis. C'est ainsi que M�nad et Iftic�ne, deux entra�neurs qui ne sont jamais all�s � la p�che, condamnent sans �quivoque, tels des parangons de vertu. Je me suis arr�t� sur les propos de M�nad, qui se pose ici en ombrageux d�fenseur de la morale et des traditions islamiques. L'ancien international met en cause le staff technique et encha�ne : �Que devons-nous attendre de joueurs qui ont �t� �lev�s dans une patrie qui n'est pas la leur, et qui ont appris des coutumes occidentales qui ne ressemblent pas aux n�tres et qui sont �trang�res � notre religion musulmane.� Le message est clair, m�me s'il s'empresse d'ajouter qu'il doit y avoir des �l�ments vertueux dans cette �quipe qui �aiment ce qu'aiment les Alg�riens et rejettent ce qu'ils rejettent�. Comme les femmes et l'alcool, par exemple, M. M�nad ? Toutefois, Kermali a trouv� ces photos tout � fait ordinaires. Il estime qu'il n'y a �aucun mal � ce que de jeunes joueurs prennent un moment pour se d�tendre�. �Je consid�re que c'est l� une question personnelle, m�me si �a se r�percute de fa�on n�gative sur l'image du joueur, aupr�s d'une opinion, en majorit�, conservatrice.� Quant � Belloumi, il abonde dans le m�me sens en affirmant qu'il ne faut pas donner au probl�me plus d'importance qu'il n'en a. �D'autant plus, dit-il, que �a concerne certains joueurs qui sont n�s et ont grandi en France, dans ce milieu culturel europ�en ouvert o� de tels comportements sont ordinaires. � �Les veill�es nocturnes et les soir�es dansantes sont une routine, au niveau des championnats europ�ens, surtout apr�s une victoire.� �Le comportement de ces joueurs rel�ve en l'occurrence de leur libert� personnelle, ajoute Belloumi, et il n'appartient � personne de les juger.� Brave Belloumi ! Et dire que je l'avais mal jug�, en prenant au pied de la lettre certaines de ses d�clarations d'avant �Omra�. Voil� une star du football qui applique � la lettre la r�plique de J�sus-A�ssa � ceux qui voulaient lapider Marie-Madeleine : �Que celui d'entre vous qui n'a jamais p�ch� lui jette la premi�re pierre. � Et les lapidateurs, ce n'est pas ce qui manque dans nos jardins, et surtout dans l'entourage de l'�quipe nationale. Ils seront l� pour exiger que nos joueurs soient des surhommes, marquant des buts et n'observant jamais le �repos du guerrier�. Pauvre Sa�dane, qui va �tre encore sur la sellette pour avoir confondu, aux yeux de nos moralistes sourcilleux, d�fense et d�fonce. Si jamais il n'obtient pas un r�sultat dans dix jours, au stade Tchaker, il faudra qu'il se cherche un autre terrain, plus hospitalier. Cela fait, il lui restera � solliciter la providence divine pour qu'elle lui permette de s�lectionner quelques anges sachant marquer des buts et surtout un ange gardien de buts, au cas o� M'Bolhi� Voil� que je commence � m'apitoyer sur le sort de Sa�dane, maintenant ! A. H. 1) Al-Nahar-al-Djadid, �dition du 18 ao�t 2010 2) C'est quand m�me extraordinaire que par la vertu d'un coup franc et d'un but, � Oum-Dorman, les relations entre l'Alg�rie et l'�gypte aient bascul� dans le tragicomique, voire dans le surr�alisme. Derni�re en date de cette guerre sans nom, l'interdiction faite aux �diteurs �gyptiens de participer au Salon international du livre d'Alger. En retour, les �gyptiens vont faire de m�me, jusqu'� �puisement des munitions, et autres pr�textes. Othmane Sa�di va encore crier au �complot francophone �, alors que les journaux de son camp font de l'�gyptophobie d�brid�e.