À la mémoire du docteur Li Wenliang, lanceur d'alerte, décédé le 7 février 2020 à Wuhan (Chine) de la Covid-19, et en hommage aux praticiens de santé de toutes nationalités victimes de cette troisième guerre mondiale. «Ne tuez point la vie qu'Allah a rendue sacrée.» (Le Saint Coran : S17V33) «https://saintebible.com/deuteronomy/ 5-17.htmTu ne tueras point» (Sainte Bible : Deutéronome 5 :17) «En ce temps-là la vieillesse était une dignité ; aujourd'hui, elle est une charge.» (Châteaubriand : Mémoires d'outre-tombe). «Nous sommes fatigués de l'homme.» (Nietzsche : Généalogie de la morale) Qu'est-ce qu'un virus ? Les virus sont des micro-organismes parasitaires, c'est-à-dire qui ne peuvent vivre qu'à travers l'infection d'une cellule hôte (humaine, animale ou végétale), dont ils détournent le métabolisme et l'engineering cellulaires au profit de leurs multiplications. Le terme désignait initialement «poison», et c'est grâce au chirurgien et anatomiste français Ambroise Paré (1509-1590) que le terme est passé du latin à la médecine. Lorsqu'ils infectent les bactéries, les virus sont appelés «bactériophages». Il existe des familles de virus qui parasitent l'humain et/ou les animaux, et d'autres qui possèdent un tropisme particulier pour les végétaux. Les virus seront dits «athogènes» quand ils possèdent un pouvoir de provoquer des maladies, et «virulents» en fonction de l'amplitude des symptômes cliniques exprimés chez l'hôte infecté (humain, animal ou végétal). L'Institut national de la santé et de la recherche médicale français (Inserm) a proposé une classification des principaux groupes de virus et leurs correspondances en pathologie («Classification des virus pathogènes» Inserm. inserm.fr, mars 2010). Le virion est une particule virale, composée d'une enveloppe protéinique externe appelée capside pouvant être codée par le génome viral et d'un noyau interne, l'acide nucléique (acide ribonucléique ou désoxyribonucléique — ARN ou ADN). Le noyau confère au virus l'infectiosité et la pathogénicité, et la capside en définit la spécificité morphologique. Les virus sont classés selon leur mode de duplication, c'est-à-dire selon la nature de l'acide nucléique de leur génome (ADN ou ARN). L'acide nucléique constitué d'une seule chaîne de nucléotides peut se présenter comme un seul brin (monocaténaire) comme c'est le cas de l'ARN messager ou apparié à un brin complémentaire (bicaténaire) comme celui de l'ADN composé alors de 2 brins. La présence d'un ADN monocaténaire ouvre une autre classification des virus à ADN. La classification des virus la plus universellement admise est celle du biologiste américain David Baltimore (Classification de Baltimore), lauréat du prix Nobel de physiologie. Cette classification scientifique est basée sur le génome des virus (ARN ou ADN), la chaîne nucléotides mono ou bicaténaire (simple brin, double-brin), la forme de l'acide nucléique (linéaire ou circulaire, segmenté ou non), le mode d'expression dans la synthèse de l'ARN messager viral, et le procédé de réplication de l'ADN. (Baltimore D : Expression of animal virus genomes, Bacteriol Rev, vol. 35, n°3, 1971). Le premier virus ADN à simple brin identifié a été le «phiX174», isolé en 1935 en France par les équipes de l'Institut Pasteur à partir d'échantillons prélevés dans les égouts de Paris. (Boulgakov, N : Classification et identification des typhi-phages, Compt. rend. soc. biol., vol. 119, Paris 1935). Le premier séquençage viral fut réalisé en 1977 sur «phiX174», faisant ainsi de ce virus le premier micro-organisme dont la séquence génomique a été identifiée, et son auteur, le Britannique Frederick Sanger (1918-2013), se voir décerner le prix Nobel de chimie (le deuxième de sa carrière) pour cette découverte. (Sanger F., and col. «Nucleotide sequence of bacteriophage phi X174 DNA», Nature, vol. 265, 1977). En 2003, le génome du «phiX174» fut reconstitué en laboratoire, et le virus synthétique a réussi à décomposer la membrane cellulaire d'une bactérie intestinale commune chez l'être humain (Escherichia coli) par le truchement d'un phénomène lytique provoquant la destruction de la bactérie. (Smith H.Oand col., «Generating a synthetic genome by whole genome assembly: phiX174bacteriophage from synthetic oligonucleotides, Proc. Natl. Acad. Sci. USA, vol. 100, 2003). Origine des virus L'origine de micro-organismes qui ne diffusent l'information génétique que dans une couche de protéine reste inconnue. Aucun virus ne contient de ribosomes, composants nécessaires pour la synthèse biologique des protéines présents dans toutes les cellules vivantes. Il est aussi impossible d'établir les origines de ces particules microscopiques trop fragiles pour le processus de fossilisation, et aucun «virus-ancêtre» n'a pu être isolé à ce jour contenant des séquences d'acide nucléique de fonctionnement d'ARN ou des organismes cellulaires contenant de l'ADN en cas de virus d'ADN. Un grand débat anime les virologues autour de la question des origines des virus. Trois hypothèses principales sont avancées : - 1 «L'hypothèse progressive» stipule que les virus sont nés d'éléments génétiques qui ont acquis la capacité de se déplacer entre les cellules. - 2 «L'hypothèse régressive», qui indique que les virus sont des résidus d'organismes cellulaires. – 3 «L'hypothèse du virus antérieur» qui suppose que les virus sont antérieurs et ont co-évolué avec leurs hôtes cellulaires actuels. (Wessner David. R : «Les origines des virus». Nature 2010). Toutes les hypothèses restent spéculatives, et l'apport de la microscopie électronique et de la biologie moléculaire ne comptent que sur les virus isolés dans le présent pour progresser dans l'élucidation des mécanismes intimes de la multiplication virale aux fins d'asseoir des diagnostics de certitude et élaborer d'éventuels vaccins. Les virus sont-ils des êtres vivants ? Oui et non. Question embarrassante à laquelle on ne peut répondre avec certitude. La question de savoir si les virus sont des êtres vivants a été posée à plusieurs reprises tout au long de l'histoire de la recherche virologique. La réponse est difficile et elle a changé avec le temps. Avant d'aborder cette problématique, nous devons au préalable résoudre la lancinante question de la perception de ce que nous entendons par «vie». Bien que les définitions spécifiques puissent varier d'une spécialité à une autre, les biologistes conviennent généralement que tous les organismes vivants partagent quelques propriétés : -1 Le métabolisme : il représente l'ensemble des réactions indispensables au fonctionnement cellulaire (production d'énergie, synthèse des constituants nécessaires à la structure et fonctionnement des cellules). -2 Le maintien d'une homéostasie. Ce concept évoqué par le médecin et physiologiste français Claude Bernard (1813-1878) définit la capacité d'un organisme à maintenir l'équilibre de son milieu intérieur. -3 La croissance : ils peuvent croître et se reproduire. Les virus ne sont pas des êtres vivants Les virus sont de simples agencements de molécules biologiques qui n'effectuent aucun processus métabolique et ne peuvent générer de l'ATP (Adénosine-Tri–Phosphate) indispensable au métabolisme énergétique. Les virus ne possèdent pas les ribosomes (machines à fabriquer des protéines à partir de molécules d'ARN messager) présents dans toutes les cellules vivantes. Ainsi, les virus n'ont pas leur propre machinerie enzymatique et ne sont constitués que d'un acide nucléique, de l'ADN ou de l'ARN, mais pas les deux à la fois (sauf les Mimivirus), à la différence des cellules vivantes. François Jacob (1920-2013), biologiste et médecin français (prix Nobel de médecine), écrit : «Placés en suspension dans un milieu de culture, ils ne peuvent ni métaboliser, ni produire ou utiliser de l'énergie, ni croître, ni se multiplier, toutes fonctions communes aux êtres vivants» (François Jacob, Qu'est-ce que la vie ?, La Vie. Editions Odile Jacob, 2002). Les virus sont des êtres vivants Dans la pratique courante, les désinfectants tuent la plupart des virus. Cette perception évidente renvoie à une logique simple : on ne peut tuer un micro-organisme qui n'est pas vivant, et si un être peut mourir c'est qu'il est certainement un être vivant. Le professeur Didier Raoult, microbiologiste et spécialiste des maladies infectieuses (Grand Prix Inserm 2010), classe les virus parmi les catégories de micro-organismes qui codent pour les capsides, par rapport à ceux qui codent pour les ribosomes, c'est-à-dire qu'ils possèdent également une forme de vie cellulaire. (Raoult D. Forterre P. Nature Reviews Microbiol, 2008). L'identification des virus pose un questionnement d'ordre conceptuel sur leur nature et leur place dans le monde biologique. La question majeure est celle de l'identité même du virus : un virion (particule virale) ou un ensemble du cycle viral ? Cette définition soulève la question ontologique de la naissance et de la mort des entités biologiques (Bouchard, F, Huneman P. «From Groups to Individuals». The MIT Press 2013). Les études du monde viral ont des incidences sur la conception de la métaphysique qui considère que le monde est composé de substances identifiées par leurs propriétés. Les philosophes britanniques des sciences John Dupré et Stéphane Guttinger écrivent : «Les récits métaphysiques traditionnels fondés sur la substance de l'individualité devraient être remplacés par une ontologie de processus, comme la seule philosophie de l'organisme qui peut donner un sens aux phénomènes biologiques tels que nous les connaissons maintenant.» (Dupré J. Guttinger S. «Viruses as Living Processes», https://doi.org/10.1016/j.shpsc.2016). Ces auteurs considèrent que les systèmes biologiques sont des processus symbiotiques dans lesquels les virus représentent des entités biologiques distinctes qui suivent leur propre agenda génomique (symbiotique ou pathogène), et à ce titre, les virus sont des micro-organismes vivants. D'autres biologistes se démarquent du débat sur la différence entre les êtres vivants et inertes qui ne répond pas au cas spécifique des virus. La question de savoir ce que font les virus est moins importante que celle de ce qu'ils sont, c'est-à-dire vivants ou non. (Thomas P., Kostyrka G., et Dupré J. : Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences (https://doi.org/10.1016/j.shpsc.2016.). Qu'est-ce qu'un cycle viral ? Les organismes cellulaires transmettent dans leur division (mitose) une partie du matériel cellulaire à la génération suivante. Le déroulement de la duplication est différent pour celui du cas des virus. Lorsqu'un virus infecte son hôte, le virion se disloque entièrement et l'acide nucléique viral est copié dans de nouveaux génomes qui seront de nouveau assemblés et libérés sous forme de nouveaux virions qui fait qu'il ne restera plus rien des constituants premiers. Les chercheurs américains Forest Rohwer (écologiste microbien) et Katie Barrot (neurobiologiste) écrivent : «Pas une seule molécule, un atome ou un quark ne doit être transféré entre l'ancien et le nouveau. La seule chose qui doit être déplacée entre les générations virales, ce sont les informations nécessaires pour créer le prochain ensemble de virus.» (Rohwer F., Barott K. : Formations virales Biologie et philosophie, 2013) (http://dx.doi.org/10. 1007/s10539-012-9344-0). En résumé, afin de pouvoir se dupliquer, le virus doit obligatoirement détourner toute l'ingénierie cellulaire pour son unique reproduction. Pour arriver à ses fins, le virion doit au préalable pénétrer la cellule afin de réaliser son cycle viral, c'est-à-dire l'ensemble des étapes et mécanismes (décapsidation, expression du génome viral pour la synthèse protéique et l'assemblage du nouveau génome qui donnera naissance au nouveau virion) qui aboutiront à la duplication virale. Les mécanismes intimes de la physiopathologie de l'infection virale sont décrits avec plus de clarté et de détails dans les manuels de virologie. Ce n'est pas le lieu ni l'objectif de notre publication. Les plus grandes pandémies dans l'Histoire Le vocable de «pandémie», du grec qui signifie «pan»=tout et «demos» peuple, désigne une épidémie qui affecte à un moment donné une grande partie d'une population humaine, d'un continent ou plusieurs, voire de la planète Terre comme dans le cas de celle du Covid-19. Aussi loin que l'on puisse remonter l'Histoire, l'humanité a été confrontée aux maladies infectieuses, et parmi les fléaux qui ont frappé l'humanité dans son histoire, les grandes épidémies infligèrent parfois de véritables saignées démographiques. Dans l'ancien Testament, la peste est citée 48 fois, elle représente «La sixième plaie d'Egypte» que comptent les dix châtiments «Dix plaies d'Egypte infligés à l'Egypte pour forcer le Pharaon à libérer le peuple d'Israël sous la conduite de Moïse (paix soit sur lui). La Sainte Bible rapporte dans l'Ancien Testament : «L'Eternel dit à Moïse et à Aaron : Remplissez vos mains de cendre de fournaise, et que Moïse la jette vers le ciel, sous les yeux de Pharaon. Elle deviendra une poussière qui couvrira tout le pays d'Egypte; et elle produira, dans tout le pays d'Egypte, sur les hommes et sur les animaux, des ulcères formés par une éruption de pustules. Les magiciens ne purent paraître devant Moïse, à cause des ulcères ; car les ulcères étaient sur les magiciens, comme sur tous les Egyptiens.» (Exode 9 :8-11). Les Evangiles synoptiques relatent la guérison de lépreux par Jésus Christ (paix soit sur lui) (Marc 1,40–45; Matthieu 8,1–4; Luc 5,12–16). Le Saint Coran rapporte dans le verset 110 de la sourate 5 : «Et tu guérissais par Ma permission, l'aveugle-né et le lépreux. Et par Ma permission, tu faisais revivre les morts. Je te protégeais contre les enfants d'Israël pendant que tu leur apportais les preuves. Mais ceux d'entre eux qui ne croyaient pas dirent : Ceci n'est que de la magie évidente.» En fait, les descriptions cliniques rapportées dans l'Ancien Testament et les Evangiles font plus référence à la lèpre (maladie de Hansen) qui représente une maladie infectieuse chronique due à l'agent pathogène «Mycobacterium leprae», isolé par le médecin bactériologiste et dermatologue norvégien Gerhard Armauer Hansen (1841-1912). L'affection touche les nerfs périphériques, la peau et les muqueuses et provoque des amputations segmentaires et des infirmités sévères. La maladie est aujourd'hui traitable grâce aux antibiotiques. («Aux origines de la lèpre» Nouvel Obs. 28 mai 2009). Depuis le début de l'époque romaine plusieurs pandémies rapportées par l'Histoire ont touché l'humanité, causées par des bactéries ou par des agents viraux. Nous rapportons dans notre publication les pandémies les plus meurtrières de l'histoire de l'humanité. La variole La variole est la maladie infectieuse (due à un agent viral : Orthopox-virus) la plus contagieuse et la plus meurtrière de l'histoire de l'humanité (200 mille morts entre 1870 et 1871 en France). La variole est aussi la première maladie infectieuse à avoir été combattue grâce à l'engagement, la concertation et la coordination de nombreux pays sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En 1966, l'OMS a mis en place «Le Programme intensif d'éradication de la variole 1966-1980)». Le 8 mai 1980, l'OMS déclara que la variole est définitivement éradiquée de la surface de la terre. (OMS : Eradication Programme : Archives du Programme d'éradication de la variole). Depuis, la maladie ne présente donc plus qu'un intérêt historique. Le docteur Jésus Cardenas, directeur médical de Doctissimo (site web francophone consacré à la santé et au bien-être), écrit dans un article publié le 3 février 2020 : «L'histoire de la variole évoque immédiatement la découverte de la vaccination. En effet, c'est l'Anglais Edward Jenner qui a pratiqué en 1796 la première vaccination sur un enfant. Ayant remarqué que les patients ayant eu la vaccine (ou variole des vaches, maladie bénigne pour l'homme) étaient relativement protégés contre la variole humaine, il a injecté par scarification de la vaccine à un enfant, qui s'est trouvé protégé contre la variole humaine. C'est ainsi qu'est née la vaccination, dont le nom rappelle son utilisation première.» Les souches de virus sont actuellement conservées dans deux laboratoires de confinement renforcés par des collaborateurs de l'OMS «Center for Disease Control» à Atlanta et à Koltsovo, en Russie. La peste Le mot «peste» vient du latin «pestis» et désignait à l'époque les maladies contagieuses et leurs épidémies, mais par un glissement de sens le terme couvrait toutes les calamités et fléaux touchant les biens et les personnes. Depuis la grande pandémie de la peste noire survenue au milieu du XIVe siècle (1347-1352), la peste est classée dans la catégorie des anthropo-zoonoses, c'est-à-dire les maladies qui affectent aussi bien les humains que les animaux. Apparue dès l'Antiquité tardive, elle frappera l'humanité par vagues successives pendant plus de 4 siècles, provoquant des ravages qui causeront un véritable dépeuplement humain (l'Europe perdra plus de la moitié de sa population). Les populations d'Europe, d'Afrique et d'Asie connurent trois vagues de pandémie de la peste qui imprimeront à jamais les mémoires et impacteront les économies, les arts et les croyances. Evolution des croyances sur l'origine de la peste Les écrits qui nous sont parvenus du Moyen Âge concernant la peste noire font apparaître que la pandémie (comme toutes les catastrophes naturelles) représentait la colère de Dieu. En effet, devant les mortalités dont on ignorait les causes et les remèdes, les hommes virent dans cette hécatombe une réponse divine à une nature mécréante. Dès lors, la rédemption résidait dans les rites liturgiques, les cérémonies expiatoires. Ce fut l'époque de l'apparition des Flagellants, ces groupes ambulants de fidèles qui se flagellaient collectivement et en public afin d'expier les fautes d'une humanité pécheresse. La peste favorisa en Europe l'explosion d'un antisémitisme latent. «Le fanatisme et l'ignorance cherchèrent des responsables à ce déferlement de la mort et les juifs furent accusés d'avoir empoisonné les fontaines. Allumés d'Espagne, en Provence, en Suisse en Savoie, en Allemagne, les bûchers de victimes de cette folie collective firent à la peste une concurrence inutile et tragique» (Jacqueline Brossollet «Quelques aspects religieux de la grande peste du XIVe siècle» Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses. 1984). Sa sainteté, le Pape Clément VI, n'a eu la vie sauve «aux recommandations imposées par son médecin, qu'aux effets de l'émeraude qu'il portait au doigt tournée vers le sud pour éradiquer le fléau.» (Cf.Jacqueline Brossollet). L'humanité ne sera soulagée de l'angoisse du fléau de la peste que vers l'année 1894, lorsque le médecin bactériologiste et explorateur franco-suisse Alexandre Yersin (1863-1943) découvrit l'agent causal, le bacille de la peste «Yersinia pestis» et les rôles des rats et des puces dans la propagation de la maladie. Le soulagement sera total grâce à la découverte en 1943 de la streptomycinepar le microbiologiste américain Albert Schatz (1920-2005). L'infection humaine est due à une piqûre de puces infectées (peste bubonique forme la plus fréquente) ou par inhalation de gouttelettes respiratoires en provenance d'un individu atteint de peste pulmonaire (forme pulmonaire grave). Les bactéries attaqueront les cellules cibles par injection de toxines qui couperont les voies de la communication moléculaire et celles de la signalisation cellulaire (capacité cellulaire à percevoir leur micro-environnement), contournant le système de défense immunitaire et déclenchant le processus inflammatoire et par conséquent la mort cellulaire. L'archéo-zoologue français Frédérique Audoin-Rouzeau, chercheur au CNRS, décrit dans un ouvrage dense et touffu réédité en novembre 2020 l'histoire de la peste (Frédérique Audoin-Rouzeau : Les Chemins de la peste. Le rat, la puce et l'homme. Editions Tallandier, Paris 2007). La peste est actuellement une maladie à déclaration obligatoire car non complètement éradiquée. Elle sévit encore de nos jours et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé 50 000 cas humains de peste entre 1990 et 2015 dans 26 pays, dont 3 248 cas de peste de 2010 à 2015, et 584 cas mortels. Les pays les plus touchés sont la République démocratique du Congo, l'Ouganda et surtout Madagascar (entre 250 et 500 cas humains de peste par an). Des foyers importants sont aussi observés en Chine et au Pérou. (OMS : Archives 2015). En Algérie, la ville d'Oran connut deux vagues de peste, la première en 1732 lors du siège espagnol et la deuxième en 1794 apportée par des pèlerins venus des Lieux Saints. Le prix Nobel de littérature Albert Camus (1913-1960) décrit dans son roman fiction La Peste l'épidémie oranaise sous sa forme bubonique (Albert Camus : Œuvres Tome I. La pléiade Gallimard 2006). «On croit difficilement aux fléaux lorsqu'ils vous tombent sur la tête.» (Cf. La Peste). Au mois de juin 2003, 10 cas de peste bubonique sont apparus dans le douar de Kehaïlia, commune de Tafraoui. Le parler oranais conserve à ce jour le vocable de h'bbouba pluriel de habba (bouton) pour qualifier la survenue d'un «malheur». Le terme dérive philologiquement du psychodrame des épidémies de peste bubonique qui avaient frappé la ville d'Oran. H. B. (À suivre) (*) Professeur de médecine, spécialiste en neurologie et neuropsychologie. Diplômé des études supérieures de médecine de guerre. Licencié en sciences économiques (économie de la santé).