Belkacem Zeghmati a enfoncé gravement son prédécesseur, Tayeb Louh, en remettant à l'ordre du jour le scandale des bracelets électroniques. Le ministre de la Justice s'est exprimé sur le sujet ce jeudi, lors d'une séance plénière consacrée aux questions orales à l'Assemblée. Il a annoncé l'arrêt de l'utilisation du bracelet électronique (surveillance électronique), car le dossier fait actuellement l'objet d'une enquête judiciaire au tribunal de Sidi-M'hamed. «L'opération d'acquisition de ces bracelets a coûté au Trésor public des fonds colossaux en devises (...) La mise en place de cette formule avait soulevé de grands espoirs, mais ils ont été anéantis», ajoute Zeghmati. La teneur de ces propos est sans équivoque. Sans le citer nommément, il fustige son prédécesseur, Tayeb Louh, sous le coup d'une seconde inculpation (depuis octobre dernier), liée à l'affaire des bracelets électroniques. L'affaire remonte à 2018 lorsque l'ex-garde des Sceaux annonce l'introduction d'une nouvelle démarche visant à limiter les détentions provisoires dans le milieu carcéral, en optant pour une mesure alternative mondialement connue et ayant fait ses preuves à travers bien des Etats : les bracelets électroniques. La nouvelle est annoncée tambour battant et présentée comme étant un grand pas vers la modernisation du secteur de la justice. Sur le terrain, le projet ne voit, cependant, jamais le jour. A cette époque déjà, de nombreuses rumeurs font toutefois état de l'achat d'un matériel qui s'est rapidement avéré défectueux. L'opinion n'en saura davantage qu'après l'incarcération de l'ex-ministre de la Justice. Placé sous mandat de dépôt le 23 juin 2019, il est d'abord inculpé sur la base d'une série de charges mettant en cause ses interventions répétées dans le fonctionnement de la justice. Quelques mois plus tard, il se trouve inculpé dans la seconde affaire des bracelets électroniques. Les premiers détails livrent la teneur de l'affaire. Le lot composé de 1000 bracelets de surveillance électroniques, dont le prix est estimé à 1000 euros l'unité, s'est avéré non valable. Cette enquête a d'ailleurs également conduit à l'arrestation du directeur chargé de la modernisation au ministère de la Justice, et dont le rôle était de surveiller la conformité les achats entrepris dans le cadre de la modernisation de l'institution. Selon les premiers éléments, cet achat s'est effectué sans la prise des précautions nécessaires. Des sources généralement bien informées affirment, par ailleurs, que plusieurs anciens hauts responsables au ministère de la Justice, voire même d'autres anciens ministres qui ont donné leur aval pour cet achat, se trouvent eux aussi concernés par l'enquête menée. Le dossier qui se trouvait précédemment au niveau de la Cour suprême a été transféré en août dernier au niveau du pôle spécialisé du tribunal de Sidi-M'hamed, après la suppression de la juridiction de privilège dont jouissaient les anciens ministres et hauts responsables. Ce qu'il faut également savoir est que le nom de Tayeb Louh ressurgit au moment où une bataille judiciaire se trouve engagée entre ses défenseurs et les instances judiciaires pour tenter d'obtenir une requalification des faits pour lesquels il est poursuivi dans la première affaire pour laquelle il a été inculpé (entrave au fonctionnement de la justice). Au cours de la seconde quinzaine du mois de novembre dernier, la chambre d'accusation saisie par la défense du concerné a validé les conclusions du juge d'instruction qui a criminalisé les faits qui lui sont reprochés. L'affaire a été renvoyée devant le tribunal criminel, mais son collectif de défense a décidé de se pourvoir en cassation. Il appartient désormais à la Cour suprême de trancher. A. C.