L'enquête confiée à l'Office central de prévention et de lutte contre la corruption a révélé de graves irrégularités dans le fonctionnement du secteur de la justice du temps où il était ministre. L'ancien ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, sous l'ère du président déchu Bouteflika (2013-2019), a été placé, jeudi, sous mandat de dépôt et incarcéré à la prison d'El-Harrach par le conseiller instructeur près la Cour suprême après une audition qui a duré près de sept heures. Selon un communiqué de ladite cour, Tayeb Louh est inculpé pour abus de fonctions, entrave au bon fonctionnement de la justice, incitation à la partialité et à la falsification des documents officiels. Déjà auditionné par la police judiciaire relevant de la section de recherche de la Gendarmerie nationale de Bab Jdid, révèlent nos sources, M. Louh a été frappé d'interdiction de sortie du territoire national (ISTN) et s'est vu retirer son passeport. La complexité de son dossier et les appréhensions soulevées par la justice quant à l'aboutissement des investigations sur les soupçons de corruption de celui qui faisait de la lutte contre ce fléau son "cheval de bataille", sous le couvert du programme d'un président omnipotent depuis 2013, a contraint le parquet d'Alger à confier, à titre exceptionnel, l'enquête à l'Office central de prévention et de lutte contre la corruption (OPLC). Suite à quoi, tous les éléments de l'enquête préliminaire ordonnée par le parquet d'Alger ont été transférés à cet organisme qui jouit, par ailleurs, des pouvoirs de la police judiciaire, sachant qu'il est composé de tous les représentants des services de sécurité. Et si le communiqué de la Cour suprême ne précise pas les affaires dans lesquelles Tayeb Louh était directement ou indirectement impliqué, il n'en demeure pas moins que l'homme fort des années Bouteflika est soupçonné dans plusieurs dossiers, notamment ceux liés au marché juteux du bracelet électronique, les scandales de Sonatrach et de l'autoroute Est-Ouest. Certains volets des enquêtes avaient été traités du temps où l'ex-patron de la Gendarmerie nationale, Ghali Beleksir, était à la tête du groupement de la gendarmerie d'Alger. Celui-ci, nommé à la veille de la fête de l'Indépendance, en juillet 2018, sera limogé, seulement une année après avoir pris la tête du poste de commandant de ce corps de sécurité. Son protecteur, Tayeb Louh, écarté et se trouvant dans le collimateur de la justice, aura précipité son limogeage, à l'instar de la disgrâce dont son épouse, la désormais ex-présidente de la cour de Tipasa, avait fait l'objet. Ancien magistrat et ex-chef de file du Syndicat national des magistrats (SNM-1993-2002), Tayeb Louh, était à l'origine, en 2014, de l'annulation du mandat d'arrêt international lancé au mois d'août 2013 à l'encontre de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines et ex-patron de Sonatrach, Chakib Khelil, et 9 autres mis en cause. Ce qui avait permis à l'accusé, après sa fuite aux Etats-Unis d'Amérique, de bénéficier d'une levée de la procédure et de rentrer au pays pour être blanchi par le président déchu Bouteflika. Ironie de l'histoire, ledit mandat avait été émis par l'actuel ministre de la Justice, garde des Sceaux, Belkacem Zeghmati, qui occupait le poste de procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed (Alger). Ayant occupé le poste de ministre du Travail et de la Sécurité sociale (2002-2013), le mis en cause avait été choisi par la famille Bouteflika pour remplacer Tayeb Belaïz et avait conduit la liste de Tlemcen lors des élections législatives de 2002, avant d'être élu député à l'Assemblée populaire nationale (APN) et réélu en 2007 et 2012. Cadre au parti du Front de libération nationale (FLN), où il pesait de tout son poids pour plaire à ses sponsors, Saïd et Abdelaziz Bouteflika, Tayeb Louh avait accaparé tous les pouvoirs au ministère de la Justice où il nommait et dégommait des magistrats et des cadres au gré des accointances avec sa seule et unique démarche de vouloir "réformer" la justice pour lutter contre la… corruption. FARID BELGACEM