La France poursuit ses gestes dans le dossier de la mémoire et décide officiellement de déclassifier les archives relatives à la guerre d'Algérie, répondant ainsi à une vieille revendication portée par les historiens et des organisations de la société civile des deux pays. Elle est également recommandée par Benjamin Stora dans son rapport sur la mémoire remis au Président français. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - C'est une autre décision qui va ouvrir certainement le débat sur des questions gardées secrètes depuis l'indépendance. Le président de la République française, Emmanuel Macron, a décidé de faciliter l'accès, dès aujourd'hui, aux archives classifiées de plus de 50 ans, y compris celles relatives à la guerre de Libération nationale (1954-1962), comme le préconisait le rapport de l'historien Benjamin Stora. «M. Macron a pris la décision de permettre aux services des archives de procéder dès demain (aujourd'hui mercredi) aux déclassifications des documents couverts par le secret de la Défense nationale (...) jusqu'aux dossiers de l'année 1970 incluse», a indiqué l'Elysée dans un communiqué, expliquant que «cette décision sera de nature à écourter sensiblement les délais d'attente liés à la procédure de déclassification, s'agissant notamment des documents relatifs à la Guerre d'Algérie». La décision de Macron qui intervient au lendemain de la reconnaissance de l'assassinat d'Ali Boumendjel par la France coloniale «démontre que nous allons très vite», selon l'Elysée, relevant que sa portée dépasse le cadre de l'histoire de l'Algérie, et que le Président français a répondu favorablement aux attentes de la communauté universitaire qui se plaignait notamment des «difficultés d'accès aux archives classifiées de plus de 50 ans en raison de l'application scrupuleuse d'une circulaire sur la protection du secret de la Défense nationale». Le même communiqué précise que le gouvernement français a engagé un travail législatif d'ajustement du point de cohérence entre le code du patrimoine et le code pénal afin de renforcer la communicabilité des pièces, «sans compromettre la sécurité et la Défense nationales». L'objectif est, selon la même source, de parvenir à un nouveau dispositif avant l'été 2021. Des questions se posent dès à présent sur les archives qui seront déclassifiées. Plusieurs associations des deux rives de la Méditerranée réclament, depuis des années, les archives relatives aux essais nucléaires opérés dans le désert algérien dans les années 1960. Cette question a constitué un point de tension dans les relations entre les deux pays. Les archives concernant ces essais au nombre de 17, effectués entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966, seront-elles enfin ouvertes ? L'Observatoire des armements a affirmé que seuls 5% des archives relatives à ce dossier miné ont été déclassifiés par le ministère de la Défense français. La décision de Macron pourrait mettre fin à cet embargo sur ces documents réclamés également par Alger, qui demande depuis des années la restitution de la totalité des archives transférées par les Français après l'indépendance. On évoque environ 10 kilomètres linéaires d'archives conservées aux archives nationales d'outre-mer. Dans son rapport, Benjamin Stora a plaidé pour la reprise des travaux du groupe de travail algéro-français conjoint sur les archives, constitué en 2013, mais qui a cessé ses réunions depuis 2016. À souligner que la nouvelle décision de la France intervient une semaine après la reconnaissance par le Président Macron, «au nom de la France», que l'avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l'armée coloniale en 1957. Mardi 2 mars, le Président français Emmanuel Macron, en application des recommandations du rapport de Benjamin Stora, a reconnu qu'Ali Boumendjel a bel et bien été «torturé et assassiné» par l'armée française en 1957. Un assassinat maquillé en suicide reconnu finalement par la France à l'occasion de la réception de quatre petits-enfants du martyr par le Président français. «Au cœur de la bataille d'Alger, Ali Boumendjel fut arrêté par l'armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957», a affirmé l'Elysée dans un communiqué, rappelant que « Paul Aussaresses avoua lui-même avoir ordonné à l'un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide ». L'Elysée a ajouté que «ce travail sera prolongé et approfondi au cours des prochains mois, afin que nous puissions avancer vers l'apaisement et la réconciliation». Alors qu'en France, les autorités ont commencé l'exécution des recommandations du rapport de Benjamin Stora qui a multiplié les sorties publiques, et dont le contenu, qui fait débat depuis sa publication en Algérie, le rapport d'Abdelmadjid Chikhi se fait toujours attendre. K. A.