Saïd Djabelkhir quitte le tribunal de Sidi-M'hamed comme il y était entré ce jeudi matin, calme, serein, plus jamais convaincu d'avoir été « accusé par des personnes n'ayant aucune compétence en matière de religion ». « Un procès idéologique, inquisitoire », martèle Aouicha Bekhti, son avocate. Lorsque l'islamologue, un chercheur universitaire connu pour ses travaux de qualité arrive, l'ambiance est déjà tendue aux portes du tribunal d'Alger. D'un côté, des comités de soutien venus accompagner le penseur libre, de l'autre, le plaignant, un universitaire opposé à ses idées et son équipe d'avocats constitués également en partie civile. Ils lui reprochent le contenu de certains de ses travaux, des déclarations et des écrits, prétendent-ils, attentatoires à l'islam diffusés sur les réseaux sociaux. Saïd Djabelkhir s'apprête à être jugé pour avoir dit que « le sacrifice du mouton existait avant l'avènement de l'islam », pour avoir critiqué le « mariage précoce dans certaines sociétés musulmanes », mais aussi le fait d'avoir relevé que certaines pratiques durant le pèlerinage à La Mecque relevaient de rituels païens. Durant le procès, les plaignants évoquent également d'autres passages de ses travaux remontant à plusieurs années auparavant. Le chercheur ne se laisse pas démonter. Il affirme que ses propos ou écrits ont été sortis de leur contexte et qu'il est inconcevable de s'exprimer avec exactitude sur des textes aussi anciens. Face au juge, il tente de répondre de la manière aussi précise que possible pour expliquer le contenu des propos qui lui sont reprochés. Comme dans toutes les interviews livrées après la plainte dont il a fait l'objet, il estime que ses propos ont été « intentionnellement mal interprétés dans le but de lui nuire ». « Je n'appelle pas au djihad mais à l'ijtihad », insiste-t-il durant son audition. La teneur des déclarations des sept avocats qui se sont portés partie civile tend à confirmer ses dires. Très offensifs, ils accusent le chercheur de blasphème, d'attenter aux préceptes de l'islam, d'être « à la solde de l'étranger », de mener un travail qui « affectera notre société à long terme »... Un exemple est cité : « Dans les livres scolaires, on a toujours lu que les mamans se trouvaient dans le jardin, c'est une raison pour laquelle toutes les femmes sont dehors aujourd'hui et non pas à la maison... ! » Les avocats du plaignant tentent de remettre au président du tribunal une pétition signée par des citoyens qui disent s'être constitués en partie civile contre Saïd Djabelkhir. Sa défense remet en cause le procédé. Le juge écoute, ne tranche pas encore. Le procureur prend la parole et demande l'application de la loi. « Le fait que le procureur ait demandé l'application de la loi veut dire qu'il n'y a rien de retenu », déclare Me Aouicha Bekhti. « C'est cependant un procès inquisitoire qui n'aurait jamais dû avoir lieu, poursuit-elle. La plainte n'aurait jamais dû être acceptée par le parquet, c'est un débat idéologique qui aurait dû rester à l'extérieur .» Le tribunal annonce que le verdict sera rendu le 22 avril prochain. A. C.