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«Des migrants clandestins de 42 pays subsahariens se sont installés en Algérie» Entretien avec Hacène Kacimi, expert en flux migratoires et questions de sécurité du Sahel :
Entretien réalisé par Abla Chérif Dans cet entretien, Hacène Kacimi évoque l'ampleur prise par la migration clandestine depuis un moment dans notre pays, un phénomène porteur de danger pour toutes les raisons qu'il aborde ici... Il appelle les autorités à un plus grand contrôle de la situation. Le Soir d'Algérie : Dans toutes vos interventions vous adressez depuis un moment des messages alertant les autorités sur le phénomène de l'immigration clandestine qui prend de l'ampleur selon vous. Vous avez également évoqué l'existence d'un village africain à Magtaâ-Kheira. Pouvez-vous nous en parler ? Hacène Kacimi : Effectivement, ce village existe, il est composé essentiellement de migrants nigériens. Selon les riverains, leur nombre est évalué entre trois cents et quatre cents personnes et l'on évoque des mouvements suspects et incontrôlés. Chaque jour, des colonnes de femmes et d'enfants sortent de l'oued et se rendent en contrebas de la route nationale, Douaouda-Koléa où les attendent un nombre important de véhicules, taxis clandestins qui les conduisent vers plusieurs destinations, Alger, Tipasa et Blida... Les mêmes clandestins les ramènent le soir vers leur résidence de fortune pour remettre le butin journalier de la mendicité au réseau nigérien de traite des personnes. Les migrants qui pratiquent la mendicité, femmes et enfants surtout, sont encadrés par des adultes qui contrôlent l'activité de tout ce quartier illicite. Des informations rapportées par les riverains font état d'une grande organisation dans ce village où les adultes qui encadrent la population qui y vit contrôlent les entrées et les sorties des lieux et interdisent à quiconque d'y entrer. Le plus grave est que ces personnes sont en possession d'armes blanches et d'objets contondants. Un tel phénomène est appréhendé avec crainte par les riverains qui évoquent toutes sortes d'activités illicites et immorales. En 2018, des situations similaires ont donné lieu à des confrontations violentes avec les populations locales notamment à Tamanrasset, Béchar, Oran, Alger et Tlemcen. Pourquoi le choix de Magtaâ-Kheira en particulier ? Ce choix n'est pas anodin. Ce village est situé à la limite administrative entre la wilaya d'Alger et celle de Tipasa, ce qui veut dire que les réseaux nigériens de traite des personnes et de trafic de migrants connaissent parfaitement les limites administratives des wilayas. Cela veut dire qu'ils sont bien renseignés. Or, l'on sait que le lien existant entre les réseaux de trafic de migrants et les réseaux criminels transfrontaliers n'est plus à démontrer et l'on ne peut pas de ce fait écarter l'hypothèse de l'instrumentalisation de certains faux migrants, pour collecter d'autres informations précieuses et sensibles. Les antécédents sanitaires et judiciaires des migrants subsahariens qui arrivent en Algérie, par milliers, sont inconnus. Une telle situation constitue incontestablement une menace à la sécurité publique. Les Nigériens sont-ils les seuls concernés ? Non, on enregistre actuellement 42 nationalités de migrants subsahariens qui arrivent en Algérie, un chiffre qui indique l'ampleur de cette migration envers notre pays. Ils sont en situation irrégulière et implantent des bidonvilles à la périphérie des agglomérations. L'Algérie reçoit à elle seule plus de migrants que les vingt-huit pays de l'Union européenne (Source OIM). C'est une migration intra-africaine massive qui peut donner lieu à de sérieux problèmes si des mesures urgentes ne sont pas prises. Pourquoi cette opération s'effectue-t-elle à partir du Niger ? Agadès reçoit annuellement environ 500 000 migrants des pays du Sahel et de la Cedeao. Les frontières de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) ne sont pas maîtrisées et cet espace a été transformé, à dessein, en couloir migratoire à destination de l'Algérie. Les frontières du sud du pays ont été transformées en « Méditerranée du Sahel et des pays de la Cedeao. » Le Sahel et les pays de la Cedeao sont connus pour être les plus grands producteurs de migration, elle est évaluée à environ 19 millions et une bonne partie de ces derniers tente de rejoindre notre pays grâce à de puissants réseaux. Il y a lieu de préciser que les pays producteurs de migration sont très réticents quant à la conclusion d'accords bilatéraux de rapatriement, ce qui explique l'absence d'accords entre l'Algérie et les pays du Sahel et de la Cedeao. Vous avez évoqué plus haut le risque d'instrumentalisation de certains de ces migrants... Il faut savoir que les migrants nigériens qui arrivent en Algérie sont dans leur totalité des Haoussas du sud du Niger, un espace frontalier avec le nord du Nigeria où les alliances familiales et tribales sont nombreuses. Cet espace frontalier entre le Niger et le Nigeria est passé sous contrôle du groupe terroriste Boko Haram qui peut, en cas de besoin, infiltrer cette communauté de Haoussas nigériens en Algérie. L'arrivée des Haoussas en Algérie est assez préoccupante. Cette éthnie répartie entre quatorze pays de la Cedeao compte une population d'environ 45 millions d'individus ne disposant pas d'un Etat national. Les Haoussas sont à la recherche d'un territoire de substitution et tout indique qu'ils ont la ferme volonté de s'installer durablement en Algérie avec l'aide de certaines parties étrangères hostiles à notre pays qui souhaiteraient implanter, par tous les moyens, cette ethnie sur le territoire national comme cela s'est fait au sud de la Libye avec les Toubous tchadiens. À Tamanrasset, les Haoussas aspirent à contrôler le commerce de cette ville, où ils sont fortement installés avec l'argent de la contrebande et de la mendicité, qui arrive à flots de toutes les wilayas d'Algérie. La problématique des Haoussas a été étudiée sur le terrain. Cela nous a permis de mettre en évidence cette tendance lourde, anonyme et dangereuse de vouloir les implanter massivement en Algérie pour installer durablement dans notre pays les germes futurs de conflits interethniques. Vous avez également fait état d'une migration probable massive des peuls vers l'Algérie... Les peuls sont une population de pasteurs nomades, très mobiles, qui ne connaissent pas les frontières, ils sont environ 50 millions d'habitants installés dans tous les Etats du Sahel et des pays de la Cedeao. Selon nos prévisions, ces derniers sont appelés à migrer massivement vers les wilayas du sud du pays suite à la disparition des pâturages provoquée par une détresse hydrique dans le Sahel. La prévention du terrorisme doit également passer par un meilleur contrôle de la migration clandestine. Au Mali, beaucoup ont rejoint les rangs de l'Aqmi. Amadou Koufa, le chef du Mouvement de libération du Macina, au nord du Mali, a fait allégeance à Iyad Ghali, chef de l'organisation terroriste GSIM (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans). Les opérations de rapatriement ont-elles été suspendues ? Plusieurs facteurs ont été à l'origine de la suspension et du ralentissement des opérations de rapatriement ou de refoulement des migrants, en situation illégale, en Algérie. Avec le déclenchement de la pandémie de Covid-19 en 2019, l'Algérie avait suspendu provisoirement et à titre humanitaire les opérations de rapatriement et de reconduction aux frontières. Les réseaux de passeurs ont cependant profité de ce répit pour intensifier le transfert de milliers de migrants vers notre pays à partir du Niger, en pleine pandémie de Covid-19. Quelle relation entretient l'Algérie avec l'Organisation internationale de la migration (OIM) ? L'Algérie dispose de très bonnes relations, exemplaires, avec le bureau de l'OIM-Algérie avec lequel elle a pu mettre en place plusieurs dispositifs d'accueil de prise en charge et de rapatriement volontaire des migrants. Les actions des pouvoirs publics, foncièrement à caractère humanitaire, sont considérées comme de bonnes pratiques, inscrites au crédit de l'Algérie. L'analyse du phénomène de la migration n'a pas pour objet de jeter l'opprobre sur le migrant ou d'en faire un bouc émissaire. L'Algérie est exposée à plusieurs menaces sur le plan régional, c'est pourquoi il est recommandé d'anticiper les périls actuels ou à venir aux frontières du pays. A. C.