Que nous reste-t-il des amours d'autrefois? Alger, martyrisée durant la colonisation française, se rappelle ces visages mangés par la passion, ces personnages dont la détermination a fait des héros avant l'heure. Ils feront d'Alger La Mecque des révolutionnaires. Les Noirs, de la lointaine Amérique, en avaient fait une base arrière pour leur lutte contre les ségrégations raciales et pour l'égalité des droits. Leur engagement pour arracher, chez eux, la liberté, n'était pas sans échos. Leur prestige dérangeait et parvenait jusqu'aux oreilles de la puissante CIA de l'Oncle Sam, qui échafaudera mille scénarios pour réduire au silence les Black Panthers, menés par Eldridge Cleaver qui, du haut de son 1 m 95, aimait – dans une attitude de défi — déambuler dans les ruelles de La Casbah. La résistance chilienne à la dictature du général Pinochet, allié de la multinationale californienne United Fruits sous le parrainage des services américains, brillait par son activisme, multipliant rencontres et conférences. Le lieu ? « En Nasr», une villa de style mauresque sur les hauteurs d'Alger, qui sera érigée, à juste titre, en siège des mouvements de libération, qu'ils soient d'Afrique (nombreux), d'Amérique latine ou d'Asie. Melainine du Front Polisario, Amilcar Cabral, Angotinho Neto, Samora Machel, Miriam Makeba d'Afrique du Sud — la compatriote de Nelson Mandela — avaient fait d'Alger une escale incontournable et surtout une tribune privilégiée pour faire entendre leur revendication principale : la libération de leurs peuples du joug de la colonisation portugaise et de l'apartheid. Des visages devenus icônes pour tous les insurgés dans le monde, à l'image du Che. Les réunions d'Alger étaient loin d'être des effets d'annonce. Elles étaient concrètes. Feu Slimane Hoffman était chargé de l'acheminement des armes vers des destinations aussi lointaines que le Mozambique, l'Angola ou la Guinée-Bissau et les îles du Cap-Vert, la Namibie de Sam Nujoma. L'Algérie post-indépendance, c'était cela ; il y avait de rêves pleins les têtes, du romantisme révolutionnaire et la solidarité de combat. Le vieux diplomate, Azeddine Djoudi, racontera plus tard, avec beaucoup d'émotion, les yeux humides, sa rencontre, dans les bases de l'ALN-FLN, en Algérie, avec le chantre sud-africain de la lutte contre l'apartheid, Nelson Mandela. Anglophone, il jouera le rôle d'interprète. Convaincus dans leur combat, dotés d'un rare charisme, ils sont devenus des références dont le prestige inspire, influence aujourd'hui encore les mouvements d'émancipation. La génération qui leur succédera, nourrie à leur idéal, a repris la bannière de la lutte, mais dans un nouveau contexte, post-colonial celui-là. Car, il apparaîtra que la fin des empires coloniaux ne signifiait nullement la fin de l'exploitation et de la domination. Les maîtres à penser de la coloniale, un temps ébranlés par la cascade des indépendances, vont vite se reprendre, leur devise : lâcher d'une main ce qu'ils reprennent de l'autre. Cela s'appelle le néo-colonialisme. Patrice Lumumba en fera les frais. Après une campagne d'intox bien orchestrée, il sera livré à son bourreau, le général Mobutu Sessé Seko, du Congo-Kinshasa. Même sort pour le président chilien élu, Allende. Il n'empêche, cela n'éteindra pas la flamme allumée par les aînés. Thomas Sankara, jeune capitaine de 37 ans, apparaîtra très vite comme un danger mortel pour l'ancien colonisateur. Il sera tué. Son assassin, Belaise Compaoré, qui plus est, frère de combat dans la prise du pouvoir au Burkina Faso, sera retourné contre lui. Pour la prospérité Thomas Sankara reléguera pour l'histoire le nom colonial de son pays : la Haute-Volta pour celui de Burkina Faso (pays des hommes intègres !). C'était un grand admirateur de la Révolution algérienne, comme il nous l'avait déclaré, un jour, à son arrivée à l'aéroport d'Alger pour sa première visite de chef d'Etat. Nos officiels tardent à donner son nom à une rue, ou à une cité d'habitations qui sont affublées de numéros matricules ridicules. ! Cité des 2400 logements, etc. B. T. [email protected]