Loin du cliché, des idées préconçues et de l'image renvoyée notamment par les Etats-Unis sur Eldridge Cleaver et sur le mouvement des Black Panther, le docu de William Klein se veut avant tout démystificateur et réparateur. Dans le cadre du Panorama du cinéma africain, inscrit à son tour dans le cadre du 2e Festival culturel panafricain, une avant-première mondiale de la copie rénovée du documentaire de 75 minutes, Eldridge Cleaver, Black Panther, de William Klein, a été organisée avant-hier soir à la salle Cosmos Alpha, de Riadh El-Feth, en présence de la veuve d'Eldridge, Kathleen Cleaver de son fils Macéo Ahmed Cleaver. Le film, qui veut faire le portrait d'Eldridge Cleaver, démarre d'Alger où le leader du mouvement Black Panther était exilé. On le voit se promenant dans le quartier légendaire d'une révolution qui n'était pas si lointaine en 1969 : La Casbah. Dans le film sorti en 1970, Eldridge Cleaver répond avec une douce violence aux questions de l'interviewer, tout en expliquant que le mouvement des Black Panther est d'abord social et révolutionnaire et non racial et extrémiste, comme certains se plaisent à le qualifier. Quant à la violence qui est affichée par le mouvement — et qui lui a souvent porté préjudice —, elle n'est en fait qu'une manière désespérée afin d'empêcher qu'un jour, ce mouvement puisse être récupéré par “les Blancs”. Loin d'être cloisonné, l'objectif du mouvement Black Panther a toujours été de renverser, voire de détruire l'impérialisme. Ce dernier qui prenait en 1969 déjà de graves proportions est la source de tous les tracas actuels. Eldridge Cleaver considérait — à juste titre d'ailleurs — que le système américain est à la fois mégalo et arrogant, d'autant que l'Amérique n'apprend jamais des erreurs du passé. Le documentaire dresse le portrait d'Eldridge Cleaver et donne un aperçu sur ses positions politiques et son engagement pour la cause des Noirs américains. Mais la manière de filmer de William Klein, au plus près du visage et du corps, a donné une dimension intime et troublante au documentaire et à l'informateur… donc à l'objet du docu. Malgré une certaine violence dans le propos, nous avons vu un père prenant dans ses bras son nouveau-né ; nous avons découvert un homme d'une grande simplicité partageant ainsi un déjeuner à La Casbah ; nous avons écouté des réponses à des questions improvisées dans la rue et nous avons surtout apprécié un homme qui a été forcé à utiliser la violence pour se faire écouter et se frayer un chemin. Dans un roman, Eldridge Cleaver aurait été un personnage romantique, un artiste ; et dans un monde meilleur, Eldridge Cleaver et d'autres n'auraient pas eu à se battre pour exister en hommes libres. Mais la vie est ainsi faite ; rien n'est acquis et le monde a toujours été injuste. Suite à cette projection qui a imposé un silence assourdissant dans la salle, un débat a été organisé avec Kathleen Cleaver qui a répondu aux questions de la salle presque vide, notamment le monde d'aujourd'hui, l'élection d'Obama et la lutte des Black Panther. Et Mme Cleaver de répondre : “Obama représente un espoir, mais ce n'est pas un changement radical. La lutte continue !” Sara Kharfi