Le nouveau gouvernement reprend en main le dossier de la migration clandestine subsaharienne. En témoigne ces déclarations faites par le ministre de l'Intérieur ce jeudi et la série de mesures annoncées qui les accompagnent. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ces déclarations viennent mettre fin à un long silence des autorités autour de ce sujet sensible et visiblement urgent, puisque Kamel Beldjoud évoque désormais ce dossier comme faisant partie des «priorités» de l'exécutif. Il évite les mots durs et propos cinglants à l'encontre des migrants clandestins qui caractérisaient le discours des anciens dirigeants (2017-2018) d'ailleurs très offensifs sur la question, mais tend à faire montre de sa détermination à venir à bout des maux générés par ce phénomène. La mendicité en est l'une des principales répercussions, et Beldjoud s'y attarde longuement. «54 individus impliqués dans l'exploitation d'enfants dans la mendicité ont été placés sous contrôle judiciaire durant les deux dernières années, et 17 autres en détention provisoire pour les mêmes chefs d'accusation», dit-il, ajoutant que «77 affaires ont été recensées au niveau national de 2020 à ce jour, et que 77 individus impliqués dans l'exploitation d'enfants dans la mendicité en détention provisoire». Le ministre de l'Intérieur révèle aussi que «la majorité des individus impliqués dans ces crimes sont en premier lieu des mamans (plus de 50%)», et pointe le doigt sur les «réseaux de nationalités étrangères spécialisés dans la traite d'humains et l'exploitation d'enfants et de femmes immigrées clandestines dans la mendicité». «Les ressortissants étrangers présents sur le territoire de manière illégale recourent à ces actes criminalisés par la législation nationale », poursuit-il, ce qui a contraint « les autorités à engager un plan d'urgence ». Ce plan passe par deux phases. D'abord l'intensification des missions de contrôle autour des personnes ciblées, «notamment celles circulant en compagnie de nourrissons et mineurs utilisés à des fins de mendicité et des lieux fréquentés par les bandes criminelles s'adonnant à l'exploitation des mineurs». Et là Beldjoud insiste sur la présence de « réseaux criminels organisés de nationalité étrangère spécialisés dans la mendicité». Selon le ministre de l'Intérieur, cette mesure s'accompagnera aussi de missions de sensibilisation visant à inciter les mis en cause à abandonner l'exploitation des enfants dans la mendicité. La seconde partie de ce plan d'urgence s'apparente à un retour aux mesures radicales auxquelles l'Algérie avait recours il y a deux ans. Il s'agit du déplacement des migrants clandestins vers leur pays d'origine dans des conditions qui préservent leur dignité ». L'Algérie s'apprête donc à enclencher de nouvelles opérations de reconduction aux frontières qui ont été suspendues pour des raisons humanitaires (en raison de la pandémie) tout au long de ces derniers mois. C'est une période durant laquelle les voix des spécialistes en la matière se sont élevées pour attirer l'attention des pouvoirs publics au sujet de l'ampleur prise par le phénomène de la mendicité à travers la capitale et plusieurs autres grandes villes du pays. Hacène Kacemi, spécialiste en flux migratoires, a révélé à la presse l'existence de véritables «villages africains» à la sortie de ces villes. Il avait particulièrement déploré l'exploitation des femmes et des enfants dans la mendicité par des «réseaux de traite humaine dangereux». Une situation, ajoute-t-il, pouvant «attirer de gros ennuis à l'Algérie, car il existe des lois internationales claires sur la protection des enfants et des organisations malintentionnées peuvent en user pour faire mal au pays». A. C.