Sous l'effet de lobbys français et des monarchies du Golfe, le Conseil de sécurité de l'ONU vient, une nouvelle fois, de trahir le dossier sahraoui, ravivant dangereusement la tension dans la région. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Vendredi 29 octobre. Le Conseil de sécurité des Nations-Unies adopte, sur fond de désaccords flagrants, une nouvelle résolution portant prorogation du mandat de la Minurso pour une année. La Mission des Nations-Unies pour le référendum au Sahara Occidental vient ainsi d'être maintenue sur un terrain mouvant, théâtre d'une rupture du cessez-le-feu et de nouveaux combats entre les forces armées du Front Polisario et l'armée marocaine. Les Casques bleus onusiens ne sont plus les bienvenus chez les Sahraouis qui reprochent leur inertie, leur impartialité et leur indifférence éternelle et bien plus devant les événements en cours depuis plusieurs mois. L'adoption de cette résolution intervient avec 48 heures de report dû aux objections de certains Etats membres du Conseil de sécurité rejetant la première mouture présentée. La Russie regrette que ses objections n'aient pas été prises en compte et estime que le texte adopté «ne contribuera sans doute pas aux efforts de l'envoyé spécial en vue de négociations directes entre les deux parties pour trouver une solution mutuellement acceptable (...) car le problème principal reste depuis plusieurs années non réglé (...) ce qui prolonge l'ambiguïté et nuit aux perspectives d'un dialogue franc». Le Mexique dénonce, de son côté, «le manque d'ouverture pour incorporer des propositions importantes dans la résolution qui ont été soutenues par plusieurs délégations compte tenu de la détérioration significative de la situation, tant par rapport à la rupture du cessez-le-feu qu'à l'aggravation de la situation des droits humains». Dans une déclaration à l'APS, le représentant du Front Polisario auprès de l'ONU fait savoir que la France a empêché l'inclusion des droits de l'Homme dans le texte de résolution » sur le prolongement du mandat de la Minurso jusqu'au 31 octobre 2022. La bataille s'est faite rude et l'adoption de cette résolution s'est faite avec treize voix et deux abstentions, celle de la Tunisie et de la Russie. La réaction sahraouie ne se fait pas attendre. «Le peuple sahraoui n'a pas d'autre choix aujourd'hui que de poursuivre et d'intensifier sa légitime lutte armée pour défendre la souveraineté de sa patrie et assurer l'exercice de son droit inaliénable et non négociable à l'autodétermination et à l'indépendance», avertit le Front Polisario. Alger soutient et se dit solidaire. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères fait savoir que l'Algérie rejette cette résolution et «exprime son profond regret quant à l'approche fondamentalement déséquilibrée consacrée par ce texte qui manque cruellement de responsabilité et de lucidité du fait du forcing malencontreux de certains des membres influents dudit Conseil» et fait savoir qu'elle «ne soutiendra pas cette résolution partiale qui a pour effet de conforter les prétentions exorbitantes de l'Etat occupant, dont elle encourage l'intransigeance et les manœuvres visant à entraver et à pervertir le processus de décolonisation du Sahara Occidental». L'Algérie appelle aussi le nouvel envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara Occidental à inscrire « strictement son mandat dans la mise en œuvre de la Résolution 690 (1991) portant le Plan de règlement accepté par les deux parties au conflit, le royaume du Maroc et le Front Polisario, et adopté unanimement par le Conseil de sécurité». «Toute démarche qui ignore le droit à l'autodétermination et à l'indépendance du peuple sahraoui sera contre-productive, injuste, dangereuse, et ne fera qu'ajouter un surcroît de tension et d'instabilité dans la région.» Les parties ayant agi pour dénuer la résolution onusienne de la réalité et prolonger la présence de la Minurso dans des territoires en guerre sont, elles, bien connues. Aux côtés de la France qui milite pour imposer la troisième voie de James Baker, les monarchies du Golfe usent de tout leur pouvoir pour freiner toute évolution du processus devant conduire à un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Moins d'une semaine avant la réunion du Conseil de sécurité, l'ambassadeur permanent d'Arabie Saoudite à New York a clairement déclaré son soutien au projet portant sur l'autonomie du peuple sahraoui et appelle à une reprise des fameuses tables rondes. En sa qualité de membre observateur, aux côtés de la Mauritanie, Alger a rejeté une nouvelle fois ce concept estimant qu'il n'était destiné qu'à tergiverser et retarder les véritables solutions. Amar Belani, représentant spécial pour le Sahara Occidental, a évoqué un «sérieux risque d'escalade». A. C.