«Je n'aurais jamais dû accepter d'affronter Marvin Hagler à ce moment-là», voilà ce que nous confiait Loucif Hamani lors d'un entretien qu'il nous avait accordé il y a près de 30 ans, près du ministère des Affaires étrangères où il travaillait. Il faisait allusion à ce combat pour un titre mondial des poids moyens et qu'il avait perdu par K.-O au deuxième round à la suite d'un terrible crochet du gauche de celui qui allait dominer la catégorie pendant plus de dix ans. Mais au-delà de cette défaite, on ne retiendra que le parcours de celui qui a écrit une très belle page de l'histoire de la boxe algérienne. Plusieurs fois champion d'Algérie et deux fois champion d'Afrique, il s'était même permis de battre l'Américain Emile Griffith, ancien champion du monde des super -welters et des moyens. C'est son style particulier qui lui a valu d'être un grand de la boxe. Sa technique, ses esquives et son punch étaient impressionnants et c'est ce qui le rendait très spectaculaire sur un ring. Le noble art tenait là son artiste et l'on regrettera, comme lui, qu'il ait accepté de combattre un Hagler en pleine ascension alors qu'il était resté trois ans sans boxer. Dans d'autres conditions, il aurait pu atteindre le sommet mondial. H. B. Rabah Hamadache (ex-entraîneur national et proche du défunt) : «Hamani était le meilleur de tous les temps» Rabah Hamadache est le seul entraîneur à avoir conduit l'EN de boxe à quatre Olympiades. Enseignant à l'ISTS, il était proche de Loucif Hamani avec lequel il avait un lien familial et qu'il connaissait bien. Témoignage sur celui qui était une légende du noble art algérien. Vous êtes un proche de Loucif Hamani. Quel est votre lien de parenté avec lui ? C'était le fils de ma tante et je dois dire que la boxe algérienne vient de perdre une légende, un grand monsieur du noble art et un artiste des rings. Quel genre d'homme était-il en dehors des rings ? Je dirais que c'était un genre de «je m'enfoutiste» très décontracté. Il respirait la joie de vivre et sa compagnie était agréable. D'ailleurs, il était très estimé et aimé des gens. Il avait de la classe aussi bien dans la vie que sur les rings. D'aucuns regrettent que la boxe n'a pas su profiter de ses connaissances et de son expérience. Qu'en pense l'enseignant que vous êtes ? Il faut savoir qu'un grand boxeur ne devient pas forcément un grand entraîneur, mais dans son cas, il a préféré la diplomatie vu qu'il avait été sollicité par le président Boumediene lui-même. Il a occupé un poste à Paris. Mais il a déclaré que la fédération n'a jamais fait appel à lui et qu'il se serait dévoué pour la boxe si on l'avait sollicité. Il est certain que Hamani voulait donner à la boxe algérienne et on ne peut pas oublier quelqu'un qui a écrit l'histoire car on ne peut pas effacer cette dernière. Que la fédération ne l'ait pas sollicité est un manque de considération flagrant. En ce qui concerne sa carrière, on a retenu ce KO face à Marvin Hagler et il nous avait déclaré qu'il n'aurait pas dû accepter le combat en ce moment-là car il n'était pas prêt ? Oui, il n'était pas prêt parce que cela faisait trois ans qu'il n'avait pas boxé. Auparavant, il voulait se mesurer à l'Italien Mazzolini, mais cela n'a pas été accepté pour je ne sais quelle raison. Ensuite, il devait combattre un Allemand dénommé Dagg pour un titre mondial, mais il n'a pas pu le faire peut-être parce qu'a l'époque, le ministre de la Jeunesse et des Sports ne voulait pas que Hamani soit consacré au niveau mondial. Dans une déclaration au quotidien Liberté, Hamani prétendait qu'on l'avait menacé avant le combat contre Hagler. Non je n'y crois pas. Hamani était mal préparé face à un Marvin Hagler qu'il ne connaissait pas, qui était en pleine ascension et qui avait battu un boxeur anglais, qui avait été impressionné par ses frappes et qui l'avait surnommé la bête des rings. Hamani était resté trois ans sans boxer, ce qui est énorme pour un pugiliste professionnel qui a besoin d'un combat de dix rounds chaque mois normalement. Pour vous, il n'aurait jamais dû accepter de combattre contre Hagler ? Oui, absolument. Il aurait dû prendre plus de temps avant de l'affronter. Et à l'époque, vous ne lui avez pas déconseillé de le faire. Non, pour la simple raison qu'il se préparait à Paris. J'en avais parlé avec son épouse, mais Loucif n'écoutait personne et il n'avait pas un staff technique étoffé et pour se mesurer à un gros calibre comme Hagler, il faut de vrais moyens et une préparation rigoureuse et minutieuse. On dit que Hamani souffrait de la maladie de Parkinson comme Mohamed Ali. Cela va relancer le débat sur les séquelles néfastes des coups au visage ? Non c'est un faux débat. J'en ai discuté avec des médecins et même ceux de l'AIBA, l'association internationale de la boxe et ils m'ont confirmé que la maladie de Parkinson n'avait rien à voir avec la pratique de la boxe. Pour conclure, Hamani est reconnu comme le meilleur boxeur algérien de tous les temps. Êtes-vous d'accord ? Oui, parce que sa technique était unique et personne ne l'a égalé à ce jour. Que ce soit le direct du gauche ou le jeu de jambes, il était le meilleur. Techniquement, c'était un boxeur complet. Propos recueillis par Hassan Boukacem