La dernière étude épidémiologique en Algérie a démontré que 71% des jeunes, âgés de 15 à 24 ans, souffrent d'acné qui touche préférentiellement les adolescents de 15 à 19 ans. D'autant plus que beaucoup de préjugés entourent les peaux acnéiques, notamment dans notre culture populaire. La plus répandue est de croire que les personnes ayant une peau à tendance acnéique ont des normes d'hygiène inférieures. Même les experts utilisent fréquemment le terme «peau impure». Dans un monde où l'apparence est le maître mot d'existence réelle ou virtuelle, d'énormes conséquences psychologiques et émotionnelles sont à appréhender. «Les adolescents sont les plus touchés par l'acné. Mais, nous avons constaté une augmentation auprès des femmes adultes. Cette tendance est à surveiller aussi», c'est en ces termes que Dr Bentoumi Mimi a abordé cette maladie. Ceci avant d'expliquer que l'acné est une maladie de la peau, en somme une dermatose. Dr Bentoumi explique : «Typiquement, elle commence à la puberté, soit vers l'âge de 12 ans, et touche près de 90% des adolescents, mais de façon plus ou moins sévère. Elle disparaît spontanément (sans rien faire), comme elle est apparue, le plus souvent à la fin de l'adolescence. Sa propagation est due à la combinaison de plusieurs facteurs. La peau humaine sécrète du sébum qui sert à la protéger. C'est un liquide gras qui rend la peau luisante. À l'adolescence, il y a souvent une production excessive de ce sébum, due à une production d'hormones très importante durant cette période. Les glandes sébacées (celles qui produisent le sébum) ont alors tendance à s'enflammer, ce qui produit les «points noirs». Les boutons rouges suivent à cause d'une bactérie présente naturellement sur la peau, qui profite de la faiblesse des glandes pour aggraver encore son inflammation. Il y a aussi le facteur génétique qui entre en cause. S'agissant de la relation entre l'alimentation et l'acné, rien n'a été clairement établi. Pourtant, nombreux sont les dermatologues qui affirment que le chocolat, les frites, les chips ou encore le sucre peuvent augmenter l'acné. Selon certaines études, le stress pourrait également favoriser l'apparition de l'acné. «J'avais souffert de l'acné durant mon adolescence, mais j'en étais guérie. Dès que j'ai commencé à travailler en tant qu'attachée à la caisse dans une banque, mon acné est réapparue. J'ai souffert de la situation pendant des années. Ce n'est qu'après avoir changé de poste que cela a disparu. La cause était le stress permanent de me tromper lors des transactions», souligne Yasmine, trentenaire, qui confirme l'impact du stress sur l'état de la peau. Conséquences psychologiques Dr Didiche, médecin généraliste dans une polyclinique à Baba Hassen, explique que lors des consultations quotidiennes, elle doit faire face à des adolescents mal dans leur peau : «Il faut savoir que la peau à tendance acnéique affecte les émotions et le comportement. Cela peut même provoquer des crises d'angoisse et une dépression.» Sa collègue psychologue abonde dans le même sens : «Ils ressentent comme un manque et cela peut entraîner une perte d'estime de soi et parfois même un complexe d'infériorité. Cela peut entraîner des changements de comportement ; de nombreuses personnes atteintes font en sorte d'éviter le contact physique avec les autres, deviennent timides, se cachent derrière des écharpes, des bonnets, des cheveux longs et/ou trop de maquillage, refusent d'être sur les photos ou évitent les interactions sociales.» «Je suis consciente que je mens sur mon physique, mais ce n'est pas aussi grave. Je n'utilise que des filtres, sinon personne ne voudra discuter avec moi. C'est la seule façon pour moi d'exister encore», témoigne Nawel, 24 ans, au chômage. Et d'ajouter : «Je ne sors plus pratiquement de chez moi, ma seule existence est à travers mon profil Facebook et Instagram. J'utilise les filtres de sorte à faire disparaître l'acné de ma peau.» Faute de moyens financiers, elle ne peut se permettre d'acheter les produits de maquillage adéquats pour les cacher. Nawel poursuit : «J'ai une amie qui a le même problème que moi. Elle s'endette régulièrement pour se maquiller. Elle s'est mariée récemment, elle se sent obligée de se maquiller même le soir. Elle n'a pas le courage de montrer son vrai visage à son mari.» Ce ne sont pas des cas isolés. L'utilisation des filtres pour retoucher les photos sans grand effort a produit d'importants effets psychologiques. «Tout le monde cherche à avoir un nez fin et surtout une peau parfaite. Ce qui est, dans la plupart des cas, impossible», explique un expert des réseaux sociaux, Nacim B., gérant d'une agence de communication. «Pour les Algériennes, le diktat est encore plus important, car l'influence vient de plusieurs pays et l'exigence augmente de plus en plus. Et les moyens financiers ne suivent pas sur la réalité, ce qui provoque un véritable désastre psychologique.» Soumia, maquilleuse professionnelle, conseille les futures mariées et les jeunes femmes : «Les fonds de teint et crèmes épaisses bouchent les pores de la peau. Utilisez uniquement des fonds de teint non gras et conçus spécifiquement pour les peaux à tendance acnéique comme les BB crèmes ou les crèmes teintées anti-imperfections. Sachez qu'il existe des fonds de teint pour tous types de peaux (sèches, mixtes ou grasses). Mais avant, n'oubliez pas d'hydrater votre visage, car la base d'une belle peau, c'est avant tout l'hydratation. Certaines «poudres soleil», quant à elles, qui agissent plus sur le teint, peuvent favoriser les points noirs. Evitez aussi de superposer les couches de maquillage, afin de ne pas empêcher la peau de respirer naturellement. Avec l'acné, on oublie le contouring.» Face à cette véritable dictature de la peau parfaite, il y a de cela deux ans, un mouvement positif s'est emparé des réseaux sociaux. Il s'agit de la «body positive». De plus en plus de jeunes femmes influenceuses ont décidé de montrer leurs imperfections physiques, dont l'acné. Elles affichent ainsi leurs peaux naturelles et marquées par les points rouges, sans fards, ni filtres. Une tendance qui a permis de décomplexer, un tant soit peu, certaines jeunes filles. Ainsi, la magie des réseaux sociaux opère, mais différemment. Sarah Raymouche