�La pr�paration de mon prochain album s�apparente � un v�ritable parcours du combattant. Sinc�rement, je ne sais pas o� pareille entreprise va me mener, mais, malgr� les difficult�s, je tiens � r�aliser un travail de pro.� C�est un R�da Doumaz d�sabus�, r�volt� mais surtout d�termin� � aller jusqu�au bout (la sortie de son nouvel album) qui nous tient ses propos. Nous l�avons rencontr� apr�s une s�ance d�enregistrement, pour discuter de son produit en chantier. Il nous parle aussi de la musique cha�bi actuelle, sur laquelle il porte un regard critique. Avec R�da Doumaz, le d�bat ne peut �tre que passionn�, constructif. Car, non seulement il fait figure d�ancien, apr�s plus de trente ann�es de carri�re, mais il est aussi l�un des rares �intellectuels � de la sc�ne artistique cha�bi avec son dipl�me d��tudes sup�rieures. C�est bien lui, d�ailleurs, qui avait lanc�, en 1989, le concept �new cha�bi� (que beaucoup avaient par la suite mal interpr�t� et transform� en �n�o cha�bi�, regrette-t-il). Mais revenons � ce prochain album, le sixi�me de sa longue carri�re. R�da Doumaz nous apprend qu�il le pr�pare depuis trois ans et qu�il le sortira tr�s bient�t, pr�cis�ment fin octobre ou � la mi-novembre de cette ann�e. �L�album, pr�cise-t-il, contient neuf tr�s belles surprises. Parmi les 9 chansons, je n�ai pas encore choisi le titre-phare. Il sera l�expression de la somme de toutes mes connaissances musicales et des textes. J�estime que ce travail contribuera � porter u peu plus le cha�bi vers la world music.� Apr�s le �new cha�bi�, R�da Doumaz n�a donc pas peur de secouer le conservatisme ambiant, quitte � provoquer une nouvelle pol�mique. Il explique son propos : �J�entends par l� le cha�bi qui �mane de la tradition orale, avec un verbe typiquement alg�rien et une nouvelle fa�on de chanter le texte. Du moins, il y aura la petite touche personnelle de R�da Doumaz � ce niveau-l�, notamment avec une distribution musicale nouvelle et des arrangements nouveaux.� Le r�sultat, selon R�da Doumaz, c�est qu��on reconna�tra l� mon alg�rianit�, ma berb�rit�, ma maghr�binit�, ma m�diterran�it� �. D�o� cette r�f�rence � la world music (un artiste pr�sent � l�entretien nous dit qu�il faudrait peut-�tre parler, ici, de �cha�bi ethnique�). �Nous avons travaill� sans rel�che, moi et Mohamed Guechoud qui s�est occup� de la composition musicale. Pour ma part, j�ai �crit la plupart des textes, dont seulement deux sont du patrimoine et pour lesquels j�ai recompos� la musique. J�ai aussi repris un texte d�El-Anka qu�il a chant� en 1936 et que j�ai titr� Hila ou h�bel. Comme bonus, j�ai m�me traduit Besame mucho, une c�l�bre chanson espagnole interpr�t�e dans toutes les langues sauf en Alg�rie. A part �a, les autres chansons de cet album sont intitul�es Chari dala, Essad ou l�djfa, Djaza�ri� Il s�agit ici d�un travail de professionnel, tr�s exigeant et de longue haleine, mais je dois aller jusqu�au bout�, nous explique R�da Doumaz. Oui, aller au bout de l�effort. �Quitte � �diter cet album � compte d�auteur�, ajoute-t-il. Une alternative � laquelle il r�fl�chit, ayant �t� �chaud� par les conditions dans lesquelles avait �t� �dit� et diffus� son cinqui�me album, il y a trois ans. �Il avait �t� tr�s mal distribu�, gr�ce � l�amabilit� et au professionnalisme de Belda Diffusion�, nous dit-il pince-sans-rire. Mais �diter un album � compte d�auteur revient excessivement cher. �Cela tourne autour de 200 000 DA les 3 000 exemplaires, avec un petit livret pour chaque CD plus les affiches�, pr�cise R�da Doumaz. Il dit refuser le diktat des �diteurs et leur attitude m�prisante pour le cha�bi : �Je ne veux pas qu�mander quoi que ce soit aupr�s des �diteurs, surtout qu�ils ont d�cr�t� que le cha�bi �a ne marche pas en Alg�rie, que le march� n�est pas rentable !� Bien s�r, pour s�en sortir, le chanteur cha�bi opte le plus souvent pour la solution de facilit�. Une m�thode que d�nonce �nergiquement R�da Doumaz. �C�est malhonn�te, fait-il remarquer. Car la solution de facilit� qui s�offre, de nos jours, consiste � enregistrer un album en seulement trois jours et avec un orchestre r�duit � sa plus simple expression.� De la sorte, le chanteur cha�bi arrive � retomber sur ses pattes, le prix de revient �tant moindre mais au d�triment de la qualit�. �En g�n�ral, nous dit R�da Doumaz, les studios d�enregistrement louent leur prestation � raison de 10 000 DA par jour. Le musicien, lui, a droit � 5 000 DA... Apr�s avoir bricol� pareil produit, le chanteur se retrouve � la merci du produit, le chanteur se retrouve � la merci de l��diteur. Et vogue la gal�re ! Personnellement, je refuse la malhonn�tet�. Je suis en studio depuis le mois de f�vrier dernier et, croyez-moi, cela me revient tr�s tr�s cher.� Bien s�r, de telles pratiques (le bricolage des uns, l�option mercantile des autres) n'honorent pas leurs auteurs, mais la tendance est � la d�mission et � la m�diocrit�, h�las ! Le jugement de R�da Doumaz est, � cet �gard, sans appel. �Le cha�bi, dit-il, vit aujourd�hui des moments tr�s difficiles. Il est dans un �tat de mortification. Le cha�bi est meurtri par l�ignorance des gens m�mes qui le pratiquent. Un chanteur cha�bi, ce n�est pas un animateur de soir�es, de f�tes. Il ne s�agit pas d�avoir une voix seulement pour pr�tendre faire du cha�bi...� Et de rappeler � tous ceux qui l�ont oubli�, que �le cha�bi est avant tout un art. Il est le miroir de la soci�t� alg�rienne. Tax� de �subversif � depuis des lustres, car profond�ment populaire, ses textes sont porteurs de messages revendicatifs. Il v�hicule aussi des messages d�amiti� et incite � aimer le beau�. R�da Doumaz d�nonce dans le m�me ordre d�id�es �les gens qui gesticulent autour du cha�bi et de sa promotion, mais qui, en r�alit�, ne font que r�p�ter une situation d�j� v�cue dans les ann�es 1970 et qui visait � �touffer cette musique populaire. Mais alors, pourquoi institutionnaliser le cha�bi, qui a maintenant son festival ? �A mon avis, r�pond R�da Doumaz, il est bien que le cha�bi soit reconnu. C�est un grand acquis qu�il ait son festival national. N�anmoins, la d�marche et l�organisation sont � revoir de fond en comble. Cela va du commissaire du festival au drabki, en passant par le jury qui doit �tre compos� de sp�cialistes dans le domaine et de gens du m�tier.� Pour lui, maintenir une telle fa�on de travailler encourage plut�t le tbaghbigh (dans le sens o� les chanteurs sont devenus des psittacid�s, en quelque sorte des perroquets). En plus du ph�nom�ne des reprises (dont des interpr�tes abusent au risque de d�naturer compl�tement le cha�bi), les partisans du moindre effort ont tout mis� sur les voix � l�occasion des festivals. R�da Doumaz estime que cela se fait au d�triment des musiciens du cha�bi. �Pourtant, souligne-t-il, il y a �norm�ment de jeunes talents qui ne demandent qu�� s�exprimer, qu�ils soient chanteurs ou musiciens. Malheureusement, ils sont ignor�s. Par exemple, ces jeunes musiciens sont meilleurs que ceux qui se produisent dans les orchestrespilotes. Mais voil�, on pr�f�re faire du social alors que, dans le domaine de l�art, le social ne devrait pas exister ! Cela explique aussi la ru�e de beaucoup de ces jeunes marginalis�s vers le gnaoui. Forc�ment, on surfe ici sur la confusion, on donne � consommer de l�exotisme � quatre sous.� Tous ces �l�ments (et d�autres) font que le cha�bi n�arrive pas � se ressourcer v�ritablement, � se r�g�n�rer pour retrouver sa vitalit� d�antan. R�da Doumaz estime que l�environnement hostile, ali�nant, y est, certes, pour beaucoup dans cet �tat des choses. Mais pas que cela, car selon lui, le niveau d�instruction joue �galement un r�le pr�pond�rant dans le d�veloppement d�un tel marasme (le niveau de ceux qui font le cha�bi). �Malgr� tous les al�as, le cha�bi ne mourra jamais. Une musique populaire et qui vient des tripes est �ternelle�, rassure R�da Doumaz pour qui le cha�bi est, d�sormais, symbole des douze travaux d�Hercule.