Par le Dr. Abderrahim Zemmouri(*) Les élections locales pour le renouvellement des Assemblées communales et wilayales occupent, depuis toujours, une place spécifique dans la vie politique nationale vu leurs caractéristiques de proximité et d'instantanéité. Ainsi, d'un point de vue populaire, ce sont les seules élections où il est concevable de prétendre au changement rapide et concret, et surtout, ce sont les élections où le citoyen sent relativement le poids et la valeur de sa voix. Pour ceci, les campagnes électorales locales se caractérisent par une multitude de formes de mobilisation partisane, mais surtout de mobilisation populaire accompagnant les diverses listes et, parfois, des candidats isolés dans ces listes créant ainsi de réels espaces d'échange, de discussion et d'exercice du politique dans ses plus simples sens et sans interruption tout au long de la phase de campagne électorale, voire même après le scrutin dans le cas où des alliances s'avèreraient nécessaires pour procéder à l'élection du nouveau maire ou président de l'Assemblée populaire wilayale. Ainsi, ce sont des moments d'engagement réitératif et de dévouement pour les militants et de grandes frustrations et attentes pour les sympathisants. En tout cas, les flux informationnels s'accentuent et ce sont des moments opportuns pour la parution de fausses informations, d'hoax et, surtout, de polémiques. La naissance des polémiques est un fait complexe du moment où elle s'opère pour une ou plusieurs finalités sans pouvoir réellement retracer sa genèse et son évolution, mais surtout les canaux informationnels et communicationnels qui servent à sa diffusion et amplification. Dans ce sens, Christian Plantin constatait que «débat», «polémique» et «controverse» étaient couramment employés dans la presse comme synonymes au sein d'un même article, néanmoins, fût-elle réduite, c'est bien la présence d'arguments et même d'un certain type d'arguments relevant d'une «grammaire » de la vie publique, qui distingue le débat d'autres formes de dialogue non agonistiques comme la simple conversation. Donc, un observateur aguerri ferait facilement la distinction et le tri des contenus reçus dans le cadre de la campagne électorale. Mais les masses populaires sont sujettes à l'erreur, puisque les reformulations du discours et l'usage du langage émotionnel et subjectif finirait par avoir raison des arguments concrets et conduirait directement à l'instrumentalisation des masses populaire par les acteurs maniant au mieux la diffusion des polémiques contre ses adversaires dans une logique réactionnaire et simpliste, celle de diviser l'avis des électeurs et de discréditer les adversaires. La polémique a principalement pour cause un affrontement dû à des divergences permanentes relatives à une question. Ces divergences sont déterminées par des opinions, des prises de position politiques, idéologiques ou autres. En ce sens, le discours polémique fait partie des discours antagonistes à forte composante réfutative. Toutefois, la permanence de la confrontation et la composante réfutative ne suffisent pas à définir un discours comme étant polémique. La polémique se distingue des autres discours ou des autres interactions antagonistes par une visée pragmatique et un cadre participatif particuliers. En effet, dans ce type d'interactions, nous avons, d'un côté, les deux protagonistes : le proposant et l'opposant qui expriment des opinions qui n'acceptent pas de concession, et de l'autre côté, le tiers qui est représenté par le public, le spectateur, l'auditeur... et qui est la principale personne à convaincre. A partir de là, les participants vont user de tous les procédés linguistiques et argumentatifs dont ils disposent, dans le but de convaincre l'auditoire de la non-validité de l'argumentation de l'interlocuteur afin de le disqualifier, voire le discréditer. Cet effet perlocutoire attaché au discours polémique (discréditer l'interlocuteur et susciter l'adhésion du public) constitue un terrain propice à la manifestation de l'impolitesse linguistique en tant que transgression des règles de politesse, et là, c'est l'un des premiers dangers de ce procédé dans le cas des campagnes électorales locales, puisque, une fois arrivées à termes, les électionslaissent des séquelles sur le plan social, des malentendus, des séparations, des conflits entre familles, quartiers... Cette situation conflictuelle plongera l'Assemblée dans la divergence, ce qui ne va pas de pair avec les intérêts du développement social et économique attendu. De plus, ça conduit, assez souvent, à l'antagonisme entre les divers acteurs sociaux tels que les comités de quartier, les associations locales, les cercles d'influence locaux et l'Assemblée élue, ce qui ne peut mener qu'à un cercle vicieux de luttes vaines basées sur la subjectivité. Ainsi, nous dirons qu'il est plus que recommandé aux activistes et militants politiques locaux de veiller à analyser les discours électoraux et d'y déceler les contenus faussés, l'infox et les arguments infondés afin de pouvoir prévoir «les attaques par polémiques» et de savoir s'en défendre, mais, surtout, afin de pouvoir sommer les sympathisants à rester focalisés sur les objectifs nobles travaillant l'intérêt général. A. Z. [email protected] (*) Doctorant en sociologie de la santé. Membre du laboratoire de recherche LASSU (Société, Santé et Urbanité). Université Abderrahmane-Mira, Béjaïa.