Ce ne sont ni les historiens de renom, ni les associations ni encore moins de grandes personnalit�s politiques qui ont manqu� pour demander inlassablement chaque ann�e �la reconnaissance officielle du crime commis par l�Etat fran�ais les 17 et 18 octobre 1961�. Un �ni�me appel collectif cette ann�e, des regroupements et manifestations nombreuses. Sauf que cette ann�e, cette comm�moration va se d�rouler dans une conjoncture tr�s particuli�re : une pol�mique sans fin sur le film Hors-la-loi ; un travestissement de l�histoire et une appropriation par le pouvoir de Sarkozy du discours de l�extr�me droite et des nostalgiques de l�Alg�rie fran�aise et, comble de la provocation, l�inauguration en grande pompe, mardi 19 (au surlendemain de la comm�moration des massacres) de la �Fondation pour la m�moire de la guerre d�Alg�rie� en application de la loi de f�vrier 2005 sur les �aspects positifs de la colonisation�. De notre bureau de Paris, Khedidja Baba-Ahmed Des fleurs jet�es dans la Seine en m�moire de ceux qui y ont �t� jet�s il y a de cela pr�s de cinquante ans ; des discours et t�moignages de personnalit�s ; des historiens connus pour le travail colossal qu�ils effectuent et leur pugnacit� � aller de l�avant malgr� le silence qui leur fait �cho et l�autisme qui caract�rise ceux qu�ils interpellent, et qui continuent � garder l�omerta sur ce pan de l�histoire coloniale fran�aise : c�est tout cela les comm�morations en France des massacres du 17 Octobre auxquelles viennent t�moigner chaque ann�e de nombreux rescap�s alg�riens qui ont v�cu ces terribles �v�nements mais qui sont de moins en moins nombreux � venir, la mort ayant, entre-temps, fauch� beaucoup d�entre eux. Cette ann�e, c�est plut�t la liste de ceux qui appellent aux rassemblements qui s�est �toff�e. Les dizaines d�associations, d�organisations et de partis politiques qui ont sign� l�appel rappellent ce que fut cette nuit d�horreur et de massacres et interpellent le pouvoir fran�ais. C�est d�un �crime d�Etat� dont parlent les signataires. Pour rappel, quelques mois avant Octobre 1961, le FLN avait d�cid� d�exporter le conflit alg�rien sur le territoire fran�ais pour mettre la pression sur la d�l�gation fran�aise lors des n�gociations. La f�d�ration de France du FLN avait pour consigne de mobiliser ses membres pour faire conna�tre la r�volution aux fran�ais de �m�tropole �, leur faire d�couvrir le visage d�un syst�me colonial. La f�d�ration FLN de France s�est fortement renforc�e aupr�s des Alg�riens en France. Il fallait, pour le pouvoir colonial fran�ais qui constatait l�influence grandissante du FLN en France, d�manteler cette organisation et tout son r�seau. Maurice Papon, pr�fet de police de la Seine, d�cr�te alors un couvre-feu discriminatoire. Le soir du 17 Octobre 1961, � partir de 20h, de tr�s nombreux alg�riens sortent, en rangs organis�s, manifester pacifiquement (aucune arme chez les manifestants) contre les mesures racistes prises � leur encontre et sensibiliser les fran�ais de France sur ce qui se d�roulait en Alg�rie en leurs noms. La r�pression a �t� f�roce : bain de sang, assassinats collectifs de plusieurs centaines de personnes, dont beaucoup jet�es dans la Seine et certaines durement bless�es ; tortures dans les locaux de camps am�nag�s dans les infrastructures d�Etat (pr�fecture, Palais des sports, commissariats�). A. Far�s, juriste et politologue, �voque d�ailleurs � cet effet ce qu�en disait dans la revue Temps modernes l��crivain Paul Sartre, r�volt� par ce massacre : �Les juifs parqu�s au Vel d�Hiv sous l�occupation nazie �taient trait�s avec moins de sauvagerie par la police allemande que ne le furent au Palais de sports, par la police gaulliste, les Alg�riens�. Apr�s quelques jours et des protestations de certains Fran�ais qui n�en revenaient pas de ce traitement, ces Alg�riens, dans un piteux �tat, furent renvoy�s en Alg�rie o� ils ont �t� pris en charge (on imagine comment) par les paras du g�n�ral Massu et du colonel Bigeard. Pour rappel encore, tous ces massacres se sont d�roul�s sous l�autorit� d�un Etat dont le pr�sident �tait de Gaulle, assist� de Michel Debr�, Premier ministre, et Christian Fouchet, ministre de l�Int�rieur. Au m�pris de tout, les pouvoirs fran�ais, de gauche comme de droite, poursuivent le mensonge en niant l��vidence, et ce, malgr� les r�sultat d�enqu�tes, de t�moignages de survivants des massacres et de policiers repentis encore vivants, de documents d�archives (pas tous encore autoris�s d�acc�s). Alors que tous ces travaux concluent au massacre de centaines d�Alg�riens assassin�s ou bless�s, le bilan officiel fait mention de 3 morts, dont un par crise cardiaque ! Cesser le mensonge sur ce qui constitue un crime d�Etat, c�est ce que demandent les manifestants qui comm�morent aujourd�hui ce massacre et qui soulignent que �la France, 49 ans apr�s, n�a toujours pas reconnu sa responsabilit� dans les guerres coloniales qu�elle a men�es� et qu�il est temps de le faire et d�assumer son histoire. La libert� effective d�acc�s aux archives pour tous, historiens et citoyens, constitue le deuxi�me volet de cet appel. Il faut savoir, en effet, que la loi sur les archives, vot�e en 2008, fixe des d�lais de consultation aux dossiers judiciaires et de ce fait �retardera en particulier les recherches sur l�organisation criminelle de l�OAS�. Les signataires de l�appel consid�rent que �la recherche de la v�rit� s�impose pour cette p�riode sombre de notre histoire comme elle s�est impos�e pour la collaboration vichyste avec l�Allemagne nazie�. Ce n�est qu�� ce prix-l�, disent-ils, �que pourra dispara�tre la s�quelle la plus grave de la guerre d�Alg�rie, � savoir le racisme dont sont victimes aujourd�hui nombre de citoyens ou de ressortissants d�origine maghr�bine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences polici�res parfois meurtri�res�. En guise de r�ponse � leur demande de �d�veloppement de la recherche historique sur ces questions dans un cadre franco-alg�rien et international�, le pouvoir vient de donner une r�ponse, qui, si elle n�est pas tout � fait inattendue dans un climat hexagonal fait de racisme d�Etat et de rejet de l�autre, n�en est pas moins proprement scandaleuse. Le secr�taire d�Etat � la d�fense, dans un communiqu� qu�il a fait parvenir � la presse, informe de �l�installation aux Invalides, mardi 19 octobre, de la fondation pour la m�moire de la guerre d�Alg�rie, des combats du Maroc et de la Tunisie, pr�vue par l�article 3 de la loi du 23 f�vrier 2005�. Sachant que cette loi avait pour fondement la glorification des bienfaits de la colonisation, peut-on, d�s lors, donner du cr�dit aux propos de Hubert Falco, secr�taire d�Etat � la d�fense et aux anciens combattants qui pr�sente, dans son communiqu�, la fondation qu�il s�appr�te � installer comme devant �tre �au service de l�histoire�. Peu de cr�dit et pour plusieurs raisons : une fondation inspir�e de la loi du 23 f�vrier ; le Conseil d�administration et le Conseil scientifique qui seront install�s mardi seraient, avons-nous appris, constitu�s essentiellement de militaires (g�n�raux ayant combattu en Alg�rie) et d�associations d�anciens combattants ; un refus cat�gorique des historiens qui se sont investis dans l��criture de l�histoire coloniale (Gilbert Meynier, Benjamin Stora, Jean-Pierre Rioux�) d�int�grer cette fondation. Et comme le d�clarait en septembre � T�l�rama, l�un d�entre eux, Jean-Charles Jauffret, historien sp�cialiste de l�histoire militaire coloniale, �avec la fondation pour la m�moire de la guerre d�Alg�rie on va fortifier les ultras. En ligne de mire, il y a �videmment l��lection pr�sidentielle de 2012�. C�est peu dire que cette fondation est loin de permettre d��crire objectivement l�histoire et encore plus loin encore de concourir � l�apaisement des relations avec Alger. K. B.-A. �Des organisations kabyles pour comm�morer le 17 Octobre� Le Mouvement pour l�autonomie de la Kabylie (MAK) a �mis un appel pour �un rassemblement le dimanche 17 octobre. Si ce rassemblement se fait � Saint-Michel, il n�a cependant lieu ni au m�me moment ni au m�me endroit que celui auquel appelle une multitude d�associations. Jusque-l�, rien de bien anormal : le MAK est en droit de ne pas se joindre aux autres manifestants. Toutefois, ce qui interroge, c�est la suite de l�appel, se rassembler pour : �Rendre hommage aux morts du 17 Octobre 1961, majoritairement kabyles, victimes de la r�pression de Maurice Papon.� Et dans un autre texte sur cette comm�moration, il y a ceci : �Les victimes de l��poque se voient arabis�es � titre posthume.� Sans autres commentaires, c�est inutile ! Quelques comm�morations � Paris et en Province Deux rassemblements aujourd�hui � Paris au Pont Saint-Michel, l� o� tant de victimes furent jet�es � la Seine il y a 49 ans : le premier se tiendra � 11h15 au Pont Saint-Michel, organis� par Bertrand Delano� et auquel prendront part l�ambassadeur d�Alg�rie en France et ceux de Jordanie, de Palestine, de la Mission de la Ligue arabe � Paris, de Syrie, des ambassadeurs d�Egypte et de Tunisie aupr�s de l�Unesco. Le deuxi�me se d�roulera � 17 h, toujours au Pont Saint-Michel. Organis� par une multitude d�associations, de partis et de syndicats, dont 17 Octobre contre l�oubli, Agir contre le colonialisme aujourd�hui, association des amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons ; Au nom de la m�moire ; Ligue des droits de l�Homme, MRAP, Association des familles et des prisonniers et disparus sahraouis, PCF, NPA, Parti de gauche� et de nombreux autres signataires de l�appel. Au Centre culturel alg�rien : le Centre culturel alg�rien a organis� jeudi 14 octobre une projection du film Dissimulation d�un massacre de Daniel Kupferstein suivie d�un d�bat avec Jean-Luc Einaudi et en pr�sence du directeur du Centre, Yasmina Khadra. Le film, extr�mement document�, avec beaucoup de t�moignages et d�images exclusives d��poque, a emport� l�adh�sion de tous les participants. Une int�ressante exposition de photos de la manifestation du 17 Octobre, d�articles et de documents historiques a permis aux visiteurs du Centre de d�couvrir, en quelques panneaux, l�horreur du massacre. Rassemblement au Pont de la Guilloti�re et berges du Rh�ne, Lyon : organis� par le Collectif lyonnais du 17 Octobre 1961, Agir ensemble pour les droits de l�Homme, Association pour la promotion de la culture alg�rienne, Maison des passages�. Ville de Bobigny : la comm�moration du 17 Octobre dans cette ville des Hauts-de-Seine prend diverses expressions : conf�rences-d�bats, projection de films documentaires sur l��v�nement�