Par Hakim Arabdiou La la�cit� est souvent confondue avec la s�cularisation. Ce sont pourtant deux processus diff�rents. Bien que se recoupant, convergeant et se nourrissant mutuellement, ils diff�rent n�anmoins partiellement, tant par leurs objets et leurs champs d�expression, que par leurs modalit�s d�application. On le sait, la la�cit� est avant tout un ordre juridique ou institutionnel de s�paration entre les Eglises et l�Etat. Toutefois, son objet concerne aussi les particularismes ethniques, linguistiques� ainsi que l�ath�isme. La r�f�rence aux seules religions dans la d�finition de cet ordre juridique s�explique par des causes historiques : en Europe, l�Eglise fut de loin le plus s�r moyen d�oppression des consciences et parfois des corps (l�Inquisition). C�est pourquoi, dans un Etat la�que, ce sont les lois civiles qui sont en vigueur dans la sph�re publique. Pour autant, le citoyen ne cesse pas n�cessairement d��tre croyant d�une quelconque religion, dans la sph�re priv�e. Quant � la s�cularisation, qui a pour synonyme la d�confessionnalisation, son objet consiste en la disparition progressive et d�finitive des religions de la vie des hommes. Son champ d�application s��tend aussi bien � la sph�re publique, avant tout par la substitution de lois civiles aux lois religieuses, qu�� la sph�re priv�e. Dans cette derni�re sph�re, et contrairement � la la�cit�, la s�cularisation consiste l� aussi en un processus d��volution des consciences et des soci�t�s humaines, ainsi que des Etats, s��tendant sur des si�cles, comme ce fut le cas des soci�t�s europ�ennes, o� le ph�nom�ne s�est enclench� avec la Renaissance, il y a quelque six si�cles, et s�est acc�l�r� depuis le XVIIIe si�cle, avec la r�volution industrielle et l�av�nement de la philosophie des Lumi�res. De m�me qu�elle peut prendre des formes et des rythmes diff�rents, voire contradictoires. Ainsi, des raisons historiques, socio�conomiques et culturelles, l�ampleur et l�intensit� des luttes politiques, sociales et f�ministes, ainsi que leurs impacts sur les consciences font qu�elle soit par exemple assez avanc�es chez telles couches sociales (g�n�ralement, les couches moyennes) et/ou dans tel pan du droit �tatique, tout en coexistant pendant plusieurs d�cennies ou g�n�rations avec les pratiques cultuelles, et les pratiques sociales, d�inspiration religieuse. N�anmoins, les individus, les peuples et les Etats cesseront alors peu � peu de s�inspirer des religions dans leurs pratiques sociales, puis celui d�exercer leurs cultes, et finiront par perdre la foi. En Occident, berceau et vecteur de la s�cularisation et de la modernit�, la d�confessionnalisation a entra�n� historiquement l��mancipation de plusieurs domaines, en l�occurrence la science, la philosophie, le droit, les arts, une bonne partie de la morale, avec les libert�s sexuelles, d�avortement et du libre choix de procr�ation, de notables progr�s en mati�re d��galit� entre les hommes et les femmes, m�me s�il reste beaucoup � faire. Une �tude prospective r�alis�e en 2000 sur l��tat de la France nous apprend l�extinction, d�ici � trente ans, du personnel eccl�siastique dans ce pays, faute de vocation. Cette crise de la vocation a d�ores et d�j� commenc� � atteindre aussi le juda�sme fran�ais. Elle ne manquera pas d�atteindre �galement l�islam en France, en Occident et dans les pays musulmans, d�ici � quelques g�n�rations seulement. Plus g�n�ralement, la d�confessionnalisation des Etats et des populations est appel�e, dans les d�cennies et g�n�rations � venir, � se muer en ph�nom�ne plan�taire, de plus en plus visible, m�me dans des pays o� le poids des religions est encore �touffant, �crasant, comme dans les pays du golfe arabo-persique, l�Iran, le Pakistan� par exemple. Ceci en d�pit du regain des int�grismes, notamment musulman, que ses tenants nomment sahwa islamique (autre mystification politico-id�ologique, car laissant croire � une innocente ferveur religieuse), et de leurs alter ego, en Europe, les partis populistes, version soft de l�extr�me droite (soft et trompeuse, comme l�expression d�islamistes mod�r�s). Pour ce qui est de la perte de terrain amorc�e de cette confession, ce ne sont pas les la�ques, les agnostiques et les ath�es des pays musulmans ou originaires de ces pays qui en sont les plus conscients, mais les id�ologues islamistes qui le sont. Ces petits soldats, aux consciences ali�n�es au service d�une fraction des capitalistes musulmans, tentent (vainement) de s�en pr�munir en voulant �islamiser la modernit� (islamisation fond�e sur la chari�ar�actionnaire), notamment par la cr�ation d�une �science islamique�. Ils ont, entre autres, ouvert � cet effet, en 1981, en Am�rique du Nord, l�International Institute of Islamic Thought.