L�association culturelle Safia Ketou a comm�mor� le 106e anniversaire de la disparition tragique d�Isabelle Eberhardt, d�c�d�e, rappelons-le, dans les crues de l�oued Sefra, le 21 octobre 1904. De ce fait, un programme tr�s riche a �t� concoct� par les membres de l�association au centre culturel de A�n-Sefra, o� une conf�rence-d�bat a �t� anim�e par le journaliste Brahim Henine, sous le th�me �L��nigme Isabelle�, suivie de la projection d�un film sur Isabelle tourn� dans son ensemble en Tunisie. Plusieurs intervenants ont pris part au d�bat, notamment M. Beghdadi Boutkhil, qui a �crit des po�mes sur Isabelle, ou encore M. Amieur Boudaoud, qui a fait une critique sur le film en question, publi�e � travers la presse, et bien d�autres � l�exemple de M. Chami Med Habib, et Grari Abdelkader, connus pour leurs recherches sur cette journaliste et romanci�re. Isabelle Wilhemine Marie Eberhardt est n�e le 17 f�vrier 1877 � Gen�ve. D�origine russe, sa m�re Natalia, aristocrate de St- P�tersbourg, �tait veuve d�un g�n�ral tsariste qui s�installa en Suisse en 1871. Certains auteurs lui donnent comme v�ritable p�re Alexandre Nicolavitch Trofimovsky. A 20 ans, elle apprit 5 langues (le fran�ais, l�allemand, le turc, l�arm�nien, l�anglais, l�arabe et le russe). Est-ce qu�elle a 20 ans d��criture ou l��ge de 20 ans ? s�est-on interrog� en ce moment sur sa plume. Apr�s qu�elles ont quitt� la Suisse pour l�Alg�rie, premi�re destination d�Isabelle et de sa m�re Natalia, c��tait B�ne (Annaba) qui les accueillit. Sa m�re, apr�s sa reconversion � l�islam, s�appelait Fatima M�noubia (enterr�e au cimeti�re musulman de Annaba). En 1900, Isabelle s�installa � Oued-Souf, adh�ra � la zaouia soufia, et se maria avec Slimane Ehni, selon les coutumes musulmanes. En 1901, elle fut bless�e � coups de sabre � B�hima (El-Oued) ; au proc�s, elle cr�a un scandale en sollicitant l�indulgence pour son agresseur. Elle fut alors expuls�e du territoire alg�rien et s�en alla � Marseille. L�acad�micienne Edmonde Charle- Roux, dans l�un de ses �crits, d�crit cet acte comme le premier attentat int�griste de l�histoire contemporaine. En 1902, elle est de retour en Alg�rie, pr�cis�ment � T�n�s o� son mari deviendrait fonctionnaire. En septembre 1903, elle vint dans la r�gion en tant que reporter d� El-Akhbar et de la D�p�che alg�rienne, quelques jours seulement avant que Lyautey ne devienne g�n�ral de la subdivision militaire du territoire de A�n-Sefra. Appel� commun�ment Si-Mahmoud, Mahmouda, ou Mahmoud Sa�di, pour son uniforme masculin en cavalier arabe, elle est un de ces personnages � la fois universels et uniques. Isabelle, dont les sujets de curiosit�, les motivations, tout dans son comportement �tait jug� repr�hensible, revendiqua seulement la libert� de se convertir � l�islam, d�aimer un peuple et un pays � l�Alg�rie � un pays qui n��tait pas le sien, d�y vivre fi�rement en d�racin�e, tout en cherchant une int�gration � premi�re vue interdite. La libert� de prendre ses distances vis-�-vis de la soci�t� coloniale, c��tait braver l�opinion et en subir les cons�quences, c��tait aller jusqu�au bout de soi-m�me en provoquant haines et suspicions, c��tait aimer le d�sert et en mourir. L��nigme Isabelle, dont le mode de vie, les amiti�s et les habits masculins avaient �tonn� plus d�un sur les rives du lac L�man, �tonna bien davantage les Fran�ais d�Alg�rie, qui l�observ�rent avec m�fiance. Par sa plume pr�cise et acerbe, elle s�est insurg�e contre les comportements inhumains des troupes coloniales et d�nonc� leurs agissements en sa qualit� de romanci�re et de reporter aux journaux Al-Akhbar et la D�p�che alg�rienne. Isabelle ne racontait de l�Alg�rie �rien de ce qui aurait pu plaire au colonialisme�. Elle aurait pu avoir acc�s au monde secret des femmes : les bains, l�intimit� familiale, les costumes chatoyants, les heures de farniente, le myst�re des harems, les billets doux, etc. Isabelle avait les yeux ailleurs. Son regard n�allait se poser ni sur l�Orient des richesses ni sur celui des mirages, il n�allait qu�� l�Orient des r�alit�s quotidiennes, aux faits et gestes des plus humbles. ��Ceux qui n�ont rien et � qui on refuse jusqu�� la tranquillit� de ce rien�. Isabelle demeurait une �me en peine, en peine de libert�... Comme elle le d�crit ci-apr�s dans un extrait du d�sir d�Orient : �� Je travaille � noter mes impressions du Sud, mes �garements et mes inventaires, sans savoir si des pages �crites si loin du monde int�resseront jamais personne. N�est-ce pas la terre qui fait les peuples ? Que sera l�empire europ�en d�Afrique dans quelques si�cles, quand le soleil aura accompli dans le sang des races nouvelles ? A quel moment nos races du nord pourront-elles se dire indig�nes comme les Kabyles roux et les Ksouriennes aux yeux p�les ? Ce sont l� des questions qui me pr�occupent souvent� �, disait-elle. Isabelle fait partie du patrimoine culturel et touristique de A�n-Sefra. D�ailleurs, elle d�crit et �crit : �t� 1904 : �J�ai quitt� A�n-Sefra l�an dernier aux premiers souffles de l�hiver. Elle �tait transie de froid, et de grands vents glapissants la balayaient courbant la nudit� fr�le des arbres. Je la revois aujourd�hui tout autre. Maintenant que j�y vis, en un petit logis provisoire, je commence � l�aimer. D�ailleurs, je ne la quitterai plus pour un maussade retour vers le Tell banalis�, et cela suffit pour que je la regarde avec d�autres yeux : ce ne sera que pour descendre plus loin que j�irai l�-bas, o� dorment les hamada sous l��ternel soleil�� �crit Isabelle. Notons que deux tabous ont �t� cass�s, le premier sur la reconnaissance d�Isabelle, et le second sur l�islamit� d�Isabelle. Le pr�sident Abdelaziz Bouteflika a, � deux reprises, cit� Isabelle dans ses discours, notamment aux Emirats, o� se tenait le forum �D�sert du Monde�, alors que le pr�sident du HCI, Cheikh Bouamrane, a tenu une conf�rence sur l�islamit� d�Isabelle lors de la comm�moration du centenaire de sa mort organis�e � A�n-Sefra (2004). Rappelons, enfin, que plusieurs cin�astes et �crivains continuent � marcher sur les traces d�Isabelle � la recherche des in�dits. L��crivaine Edmonde Charles-Roux, membre de l�acad�mie de Goncourt, a consacr� � Isabelle une volumineuse biographie, dont le dernier livre Isabelle du d�sert compte 1 108 pages. Alors que le cin�aste Ali Akika a proc�d� � la r�alisation d�un documentaire de 59 mn intitul� La fi�vre de l�errance. Isabelle Eberhardt meurt � l��ge de 27 ans, lors de la crue subite et catastrophique de l�oued Sefra, le 21 octobre 1904. Elle repose au cimeti�re musulman Sidi-Boudjema� � A�n-Sefra sur cette terre d�Alg�rie qu�elle a tant ch�rie.