Par Ahmed Halli [email protected] Heureusement ! Je ne peux aujourd�hui qu��tre soulag� de m��tre, ou d�avoir �t� tenu � l��cart des mondanit�s diplomatiques de la capitale. La derni�re r�ception � laquelle j�ai particip� remonte � 1991, si mes souvenirs sont bons, et c��tait � l�ambassade d�Italie, une ambassade politiquement correcte. Ma derni�re pr�sence � la r�ception de l�ambassade de France remonte � la m�me ann�e, bien que je sois �tiquet� �Hizb- Fran�a�. S�agissant des Etats- Unis, actuellement objet principal de notre amour-haine, je n�ai jamais encore foul� la pelouse de leur ambassade qui est splendide, para�t-il. Quant aux r�ceptions officielles alg�riennes, � Alger ou � Paris, il y a bien longtemps que je n�ai pas re�u un carton d�invitation, pour des raisons que je n�ignore pas. Je me f�licite donc de n�avoir pas eu � m��pancher dans les jardins ou les salons des grandes ambassades. Du reste, ceux qui veillaient � notre bonne sant� morale et patriotique nous ont toujours mis en garde contre la fr�quentation trop assidue des �trangers. Les pays �taient class�s selon leurs capacit�s de nuisance suppos�es. Il fallait surtout se m�fier des Fran�ais et des Am�ricains, ainsi que des Anglais, et �viter les Russes, nos alli�s du moment. Ces gens-l� n��taient pas dangereux � cause de leurs penchants prononc�s pour les boissons alcoolis�es, mais parce qu�ils nous faisaient boire. Et nous, les Alg�riens, nous avons tendance � nous confier, � nous r�pandre, lorsque nous consommons des boissons interdites. Je parle des Alg�riens normaux, qui n�exercent aucun commandement et n�occupent aucun poste �lev� susceptible d�int�resser l�ennemi potentiel. D�ailleurs, cette cat�gorie-l�, ministres, hauts grad�s et autres, pouvait fr�quenter les ambassades sans crainte de se perdre. Ils n��taient pas sujets aux tentations et enclins aux confidences en �tat d�ivresse. Nos ministres ne buvaient jamais, ni hier et encore moins aujourd�hui. Ils avaient seulement une dr�le de mani�re d�entourer leur verre ou leur coupe d�une serviette afin que l�observateur occasionnel ou appoint� ne distingue pas le contenu. Il �tait important d�j� que les services �trangers ne sachent pas quelles �taient les pr�f�rences de nos hauts cadres en mati�re de boissons licites. Et Dieu merci, gr�ce � cette discipline et � cette vigilance, nous poss�dons aujourd�hui des ministres et des grands commis de l�Etat vertueux et comp�tents. A une ou deux exceptions pr�s, ils s�acquittent avec assiduit� de leurs obligations religieuses, en toutes saisons, et ils ont tous effectu� le p�lerinage � La Mecque. Modestes, ils ne revendiquent pas le titre de �Hadj�, par ailleurs trop usit� et attribu� au tout-venant. Regardez les derni�res r�v�lations de Wikileaks : aucun membre de notre auguste gouvernement d�hier et d�aujourd�hui ne s�est rendu coupable de confidences chez les �Amerloques�. Qui retrouve-t-on dans les derni�res livraisons de l�entreprise Assange ? Des journalistes, des opposants organiques, �lectrons libres ou spontan�s, mais pas de ministres, ou � la rigueur un s�nateur ou deux de la coterie, qu�on ne retrouvera pas au prochain renouvellement. Les Am�ricains, ce sont les rois de l�espionnage, du renseignement et de l�intox, mais il ne faut jamais les prendre pour confidents, surtout lorsque vous pr�tendez vous opposer au syst�me qu�ils parrainent. Les Am�ricains font comme le serviteur du roi Midas. Ce dernier avait offens� l�un des dieux de l�Olympe, qui l�avait puni en l�affublant d�oreilles d��ne, que le malheureux dissimulait sous un bonnet. Le serviteur de Midas ayant d�couvert la malformation et craignant des repr�sailles, ne pouvait garder le secret. Il creusa donc un trou dans le sol et y lan�a cette phrase : �Le roi Midas a des oreilles d��ne�, il s�empressa ensuite de reboucher le trou. Quelque temps apr�s, une multitude de roseaux poussa sur les lieux, et au moindre souffle d�air, on entendait la r�v�lation fatidique : �Le roi Midas a des oreilles d��ne.� C�est ce que fait M. Assange avec Wikileaks, c�est entretenir et exploiter les plantations de roseaux, qui ont pouss� dans les jardins des ambassades am�ricaines. Il y a juste un d�tail qu�il faudra rectifier : les bonnets d��ne ne sont pas l�apanage des seuls opposants, dont le principal d�faut est de vouloir s�emparer du couvre-chef seulement. Au pays des ventes concomitantes, o� on vous oblige � acheter la laitue avec la tortue qui doit la manger, les oreilles d��ne vont avec le bonnet phrygien. Le quotidien londonien Al-Quds est revenu dans son �dition du week-end sur le sujet en notant que les documents de Wikileaks �g�naient beaucoup plus l�opposition que le pouvoir, en attendant le reste�. Le correspondant du journal rel�ve, par exemple, que les notes rapportant les propos des membres du gouvernement, notamment sur la crise du Sahara occidental, sont conformes � ce que l�on sait d�j�, � quelques d�tails pr�s insignifiants. Il n�y a donc pas de grosses surprises, ni de r�v�lations extraordinaires, susceptibles d�irriter ou de mettre en cause. En revanche, il y a des informations qui sont prises tr�s au s�rieux et qui donnent m�me lieu � des enqu�tes, comme celle concernant la fortune personnelle du Soudanais Omar El-Bechir. Ce dernier poss�derait un compte bancaire, g�r� par la firme britannique Loyds et s��levant � 9 milliards de dollars. Cet argent aurait �t� d�tourn� des recettes per�ues par le Soudan avec l�exportation de sa production p�troli�re. Le procureur du tribunal p�nal international de La Haye a confirm� qu�une enqu�te �tait en cours au sujet de ce compte. Il a pr�cis�, cependant, qu�il n��tait pas encore question d�accuser El-Bechir de d�tournement, en plus des accusations de g�nocide. Le TPI n�avait aussi aucune certitude que cet argent �tait d�pos� aupr�s de banques britanniques. �Nous savons que la Loyds g�re les avoirs du gouvernement soudanais, mais nous ne savons pas s�il existe un compte personnel au nom de Omar El-Bechir�, a soulign� le procureur. De son c�t�, un porte-parole du gouvernement soudanais a oppos� un d�menti aux informations concernant la fortune personnelle. Avec une ironie douteuse, il a sugg�r� au procureur du TPI de �garder pour lui� l�argent qu�il d�couvrirait �ventuellement sur un compte personnel au nom du pr�sident soudanais. Ce n�est toutefois pas la seule casserole que tra�ne Omar El-Bechir, c�est toute une batterie dont le cliquetis r�sonne aux quatre coins de l�univers. Gr�ce � You-Tube, les internautes du monde entier peuvent contempler les horreurs commises par le r�gime du dictateur. Une vid�o montre une jeune femme m�thodiquement fouett�e dans la cour d�un poste de police, parce qu�elle avait os� porter un pantalon. En juillet 2009, une journaliste, Loubna Abdelaziz, avait �t� condamn�e � une peine de quarante coups de fouet pour le port d�un pantalon. La peine n�avait pas �t� ex�cut�e, parce que la journaliste avait pris l�initiative de m�diatiser son proc�s, suscitant ainsi un �lan de solidarit� internationale. Il serait int�ressant de conna�tre sa r�action � cette vid�o montrant le supplice d�une Soudanaise inconnue. Au fait, puisque nous voil� r�concili�s avec l�Egypte, gr�ce � l�accolade Raouraroua-Zaher, nous n�avons plus aucune raison de m�nager Omar El-Bechir. Oum- Durman, c�est si loin !