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TLEMCEN 2011 : CAPITALE DE LA CULTURE ISLAMIQUE
La deuxi�me mort de l��mir Abdelkader
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 02 - 2011


Par M�hand Kasmi
�... En me voyant, Tlemcen m�a ouvert les bras. J�enlevai le voile qui couvrait son visage et je palpitai de bonheur. Ses joues �taient rouges comme un charbon ardent. L�ennemi m�me en s�en s�parant a d� verser des larmes am�res. Tlemcen a eu des ma�tres, mais elle ne leur a montr� qu�indiff�rence. Elle baissait ses longs cils en d�tournant la t�te. A moi, elle a souri et m�a rendu le plus heureux des rois !� L��mir Abdelkader
Pouvions-nous trouver plus �loquente et aussi s�ductrice r�v�rence que cette belle ode litt�raire du genre courtois si cher � la po�sie arabe et aux zadjal et mouachahate andalous, compos�e dans le feu du champ de bataille par l��mir Abdelkader El Djaza�ri, l�Alg�rien le plus c�l�bre dans le monde arabe et musulman, pour saluer l�intronisation et l��l�vation de Tlemcen au rang si envi� de capitale politico-symbolique de la culture islamique pour l�ann�e 2011.
L��mir Abdelkader, le dernier roi de Tlemcen
L��mir Abdelkader, ce preux chevalier de la plume et de l��p�e, �crivit ces vers lib�rant un souffle �pique imp�tueux, au lendemain de son entr�e victorieuse dans Tlemcen en 1836, apr�s avoir inflig� une cinglante et retentissante d�faite aux troupes du g�n�ral Clauzel, rejet�es et enferr�es hors des remparts de la ville. L�attachement quas-mystique du g�nial pr�curseur de l�Etat alg�rien moderne � la capitale imp�riale des Zianides, fond�e par �Dadda�Yaghmoracen Ben Ziane � la fin du XIIe si�cle, renvoie en r�alit� � l��paisseur culturelle si particuli�re de cette vieille cit� maghr�bine, la seule en Alg�rie � avoir su cultiver avec plus ou moins de bonheur sur ses riches et nourriciers coteaux, l�unit� de son destin islamique universel avec la diversit� et la richesse de son substrat culturel berb�re z�n�te local, bien de chez nous. Un sort riv� et scell� d�s l�origine entre ses majestueuses et alti�res hautes terres et ses fi�res et protectrices montagnes qui surent � chaque moment de doute, convertir les humeurs et convulsions de l�histoire tumultueuse du lieu, en creusets fertiles et berceaux de multiples et heureux accouchements. En sachant materner ces miraculeux accomplissements de l�histoire, f�cond�s par les apports imp�tueux des autoroutes Estouest et Nord-Sud qui ont avant l�heure irrigu� sans discontinuit� son site, Tlemcen a pu ainsi devenir, jour apr�s jour, l�un de ses plus prolifiques croisements.
Tlemcen, haute terre de r�sistance
Venant du plus c�l�bre r�sistant que l�Alg�rie ait eu � conna�tre, cette d�claration d�amour ne pouvait tout naturellement �tre que patriotique au premier chef. L��vocation par l�Emir du refus de Tlemcen d�abdiquer devant les nombreux ma�tres passagers qui mirent pied � terre devant ses puissants remparts pour tenter de la s�duire, est un signe de la vibrante et distingu�e gratitude de l�intr�pide chef militaire � l�hom�rique et mill�naire r�sistance de toutes les cit�s qui se sont succ�d� sur le site g�ographique actuel de Tlemcen. D�Agadir, fond�e par Abou Qora El Ifreni, � Tlemcen qui refusa de capituler devant le si�ge f�roce impos� pendant de longues et dures ann�es par les fr�res ennemis de l�Ouest (les M�rinides de F�s), en passant par Tagrart dont la premi�re pierre a �t� pos�e par Youcef Ibn Tachefine, premier roi de la dynastie des Mourabitoune, la culture de r�sistance aux passagers d�un jour constitue incontestablement le legs le plus pr�cieux que se sont transmis, pour toujours, les dynasties berb�ro-musulmanes qui se succ�d�rent historiquement sur ce site strat�gique g�t� par une g�ographie d�exception. L�ing�nieuse architecture sous forme de citadelle de contr�le des mouvements suspects de l�histoire du site originel d�Agadir (fortin en berb�re) s�est certainement conjugu�e avec bonheur au retranchement spirituel et mystique du ribat de Tagrart (noyau en berb�re), pour forger la foi et l��lan initiaux n�cessaires aux diff�rents ma�tres de Tlemcen pour modeler et fa�onner pour toujours une cit� dont l�itin�raire l�gendaire � plus d�un titre a eu � balancer � parfois tangu� � entre deux mondes, deux Etats, deux directions possibles�.
Tlem-sin ou l��entre-deux mondes� possible
Cet �entre-deux� g�ographique et historique n�a pourtant jamais fait perdre � notre cit� le sens du vrai nord de sa boussole spirituelle, � savoir une propension irr�pressible et inoxydable � produire un islam �tranquille� o� la joie de vivre dans ce bas-monde s�est toujours harmonieusement conjugu�e avec la douillette qu�te du salut de l��me dans l�Autre. Pour Ibn Khaldoun, le premier atout dont s�est historiquement dot�e la capitale des Zianides demeure incontestablement son positionnement g�ostrat�gique pr�coce par rapport aux routes vitales du nord et au sud. Son nom actuel qui apparut pour la premi�re fois sous la plume du c�l�bre chroniqueur Tabari au Xe si�cle, signifierait selon notre illustre historien : Tlem : r�unit en arabe et sin : deux en berb�re. Pour notre distingu� historien, les deux parties que rassemblait � cette �poque d�j� Tlem-sin devenue par corruption s�mantique Tlemcen, seraient au nord l�Andalousie et au sud �Bled Essoudan�, c�est-�-dire l�Afrique actuelle. Sans commettre le sacril�ge de contredire notre �minente personnalit� scientifique universelle, nous soutiendrions modestement que Tlemcen a, depuis ces temps de l�accouchement originel, r�ussi le challenge d�assumer l�enrichissement et surtout le f�cond brassage de la palette initiale de ses points cardinaux possibles, en l��largissant � d�autres vocations dichotomiques a priori inconciliables : Agadir/Tagrart, est/ouest, berb�rophones/ arabophones, urbain/rural, mer/terre, islam /juda�sme et surtout terre et... ciel. Aujourd�hui encore, notre capitale imp�riale continue invariablement de nous �tonner en nous proposant des rendez-vous porteurs de promesses futures � g�om�trie et surtout � g�ographie variables, mais plan�taires cette fois-ci ! La nouvelle rencontre historique que proposent ses murs si hospitaliers aujourd�hui et tout le long de cette ann�e 2011 est d�abord et a priori celle d�une Alg�rie convalescente, impatiente de raboter les nombreuses asp�rit�s et rudesses qui retardent ind�finiment son insertion dans le seul espace qui sied � sa dimension humaine, politique et culturelle de pays continent : l�universalit�.
Tlemcen entre rois-po�tes et princes de la po�sie
Mais la pieuse prosternation de l�Emir devant le charme incomparable et singulier/pluriel de Tlemcen est aussi et avant tout un hommage culturel du plus bel envol lyrique. En utilisant le style de l�amour courtois si cher aux princes de la capitale du hawzi que furent les Ben M�sa�b, Ben Sahla p�re et fils et autres Ben Triki, l�Emir, immense chevalier de la rime s�il en est, a voulu �taler sa fine connaissance de l�identit� culturelle de la capitale des Zianides. La preuve : il dialogue � un si�cle de distance avec le po�te tlemc�nien f�tiche le plus connu de cette �poque, Ben M�sa�b, qui proph�tisait dans une qassida que :
Les rois appr�ciaient et savouraient sa rencontre (Tlemcen) Honni sera celui d�entre eux dont elle d�daignera la main
Telle est la vraie raison de l�empressement de notre Emir national � s�autoproclamer roi pour mieux savourer l�abdication consentante de Tlemcen devant lui, son sauveur d�un jour. L�autre r�f�rence litt�raire que semble avoir appr�ci�e et convoqu�e le fin lettr� Abdelkader est celle contenue dans ces vers du sultan po�te Abou Hamou II, qui, se languissant � la fin du XIVe si�cle de l��loignement de Tlemcen au cours de l�une de ses nombreuses et longues campagnes militaires hors du Mechouar, jura fid�lit� �ternelle � sa capitale symboliquement convertie pour les besoins de ses cogitations litt�raires en une esp�ce de P�n�lope maghr�bine attendant patiemment son Ulysse :
Nul autre charme que le v�tre ne me distrait Et d�attachement � d�autres, point de seconde
D�cid�ment, Tlemcen, alti�re, fi�re et raffin�e aime les princes, particuli�rement ceux d�entre eux comme l�Emir et Abou Hamou II qui savent cultiver la beaut� des choses. C�est la raison qui l�amena � se pr�cipiter, toute pudeur bue, dans les bras de l�Emir. Malheureusement, elle n�eut pas le temps en cette fin de XIXe si�cle, si peu favorable aux c�l�brations et effusions autres que militaires, de convoler en justes et durables noces avec son prince charmant, que l�ennemi �tait d�j� aux portes de Bab El Qarmadine. Pour se consoler, l�Emir dut, comme le font les po�tes, les vrais, s�exiler pour son coup de foudre �oudri� d�un jour... pour la personnification symbolique de son premier amou : l�Alg�rie.
L��mir Abdelkader et Tlemcen : le rayonnement patriotique multiculturel d�un homme et d�une cit� aux destins crois�s
Le consentement de Tlemcen d�avoir pour dernier roi le chevalier de l�ordre des Hach�mites n�est pourtant pas fortuit. De nombreux traits communs unissent effectivement le roi Abdelkader � la reine Tlemcen. Tlemcen avant l�Emir fut tour � tour berb�re, sofrite, kharidjite, almoravide, almohade, zianide, grenadine, s�villane, m�rinide, hafside, lieu de p�lerinage juda�que, puis plus tard ottomane, espagnole, marocaine, fran�aise avant de reconqu�rir de haute lutte son alg�rianit� d�ni�e et usurp�e. L��mir Abdelkader El Djaza�ri r�ussit le pari insens� � son �poque marqu�e par l�effet rouleau compresseur de la tyrannie coloniale, d��tre en m�me temps hach�mite, b�douin, soufi, strat�ge militaire, cavalier �m�rite, puis successivement homme d�Etat, prisonnier c�l�bre, chevalier de la plume, fin diplomate et semble-t-il m�me, selon certains,� franc-ma�on ! Le sultan Yaghmoracen Ben Zian, fondateur de la dynastie zianide, fra�chement citadinis� et toujours nostalgique de la kha�ma de ses anc�tres z�n�tes berb�res qui nomadisaient sur les hauts-plateaux du Sud-Ouest alg�rien, n�avait que m�pris pour les obs�quieuses et serviles recommandations faussement polic�es de ses courtisans qui l�exhortaient � sculpter pour la post�rit� son nom sur les minarets des nombreuses mosqu�es qu�il b�tit au cours de son long r�gne de plus de 50 ans. En bon croyant bien de chez nous, il r�pondait invariablement dans la seule langue qu�il connaissait, le berb�re : �Issen Rabbi� (Dieu Lui le sait). L�Emir, converti tardivement aux d�lices de la vie citadine damasc�ne, l�une des plus syncr�tiques du monde, fera autant sinon mieux. Il saura garder jusqu�� la fin de ses jours intacte sa nostalgie pour la demeure �en poils�, qu�il immortalisa par la plume, dans ce qui est consid�r� aujourd�hui encore dans la litt�rature arabe comme le plus beau joyau litt�raire d��loge de la vie b�douine. �Dadda Yaghmoracen�, comme l�appelaient affectueusement ses sujets, avait, avant l�Emir, une garde chr�tienne qui lui fut d�une fid�lit� � toute �preuve. L�Emir r�ussit quant � lui avec sa garde bien alg�rienne � sauver dans son spartiate exil syrien des chr�tiens libanais pourchass�s par les coreligionnaires turcs de l�Emir, paradoxalement ses implacables ennemis politiques. Tlemcen avant l�Emir et d�s 1393 d�j�, avait su ouvrir ses portes aux juifs andalous qui venaient de subir les rigueurs des lois inquisitoriales de leurs cousins chr�tiens de Tol�de. Ce statut sp�cial qu�avait r�ussi � obtenir la tr�s vieille communaut� juive de la ville, jusque-l� confin�e hors des remparts protecteurs de la cit� zianide, l�avait �t� gr�ce aux comp�tences m�dicales av�r�es et autres dons miraculeux du Rabb Ephra�m Enkaoua, un brillant scientifique et philosophe juif qui r�ussit � gu�rir la fille du sultan zianide Abou Tachefine. Son tombeau � Tlemcen fut � l�origine de l�appellation juive s�farade de Tlemcen : �La J�rusalem du Maghreb�.
Sidi El Haloui et Sidi Boumediene : aventures et accomplissements mystiques
Tlemcen, ce sont aussi des aventures humaines � rebondissements aussi incroyables que celle de Sidi El Haloui. De son vrai nom Abou Abdallah Ecchoudy, cet ancien cadi de S�ville, arriv� � Tlemcen en 1266, d�cida de distribuer ses biens aux pauvres et d�abandonner subitement ses fonctions, pour devenir marchand de� bonbons et de friandises ! Tout simplement ! Rep�r� par le prince Abou Ziane Mohammed, il fut promu au rang de pr�cepteur de ses enfants, avant d��tre la malheureuse victime d�une cabale au terme de laquelle il fut d�capit� et sa t�te jet�e en p�ture� aux chiens ! Apr�s sa mort, le sultan le r�habilita et pendant l�occupation m�rinide de la ville, un deuxi�me sultan, Abou Inane, vainqueur du premier, lui fit �riger sur son mausol�e l�une des plus ravissantes mosqu�es de la ville, encore visible � ce jour ! Tlemcen l�almohade de la fin du XIIe si�cle avait, comme nous venons de le rappeler, tous les attributs d�une capitale cosmopolite, industrieuse, tol�rante. Il luit manquait le statut tant envi� � l��poque de capitale mystique. Ce fut la ville jumelle et rivale de l�est, Beja�a, fra�chement d�chue par ces m�mes Almohades de son prestigieux statut de capitale Hammadite, qui lui offrit ce cadeau inesp�r�. Gracieusement et par un autre curieux hasard du destin ! En effet, c�est cette bonne fortune p�riodique de Tlemcen qui lui fit d�barquer devant ses faubourgs par une nuit sans lune l�illustrissime saint des saints maghr�bins, le Ghouth Sidi Boumediene en provenance de B�ja�a o� il �tait enseignant, ville o�, selon les historiens, il souhaitait finir ses jours. Mais les intrigues des courtisans du sultan almohade de Marrakech qui souffraient de voir la popularit� au Maghreb de ce dernier monter en puissance, en d�cid�rent autrement et finirent par convaincre le sultan de le convoquer pour qu�il s�explique devant ce dernier sur ses th�ories mystiques �sot�riques d�avant-garde. Ses amis, adeptes et �l�ves de B�ja�a, fort inquiets pour lui, tent�rent vainement de dissuader le ma�tre de faire ce long et risqu� voyage, alors qu�il �tait d�j� fort vieux. Rien n�y fit. Avant son d�part de sa ville de r�sidence, il les rassura : �Je ne verrai pas le sultan !� Il eut raison. Arriv� � hauteur du ribat d�El Eubad, fi�vreux, il l�cha : �C�est l� o� je souhaiterais dormir, pour l��ternit�.� Sage r�solution du saint qui rencontra son destin aux portes de Tlemcen dont il devint ainsi le tr�s respect� saint tut�laire. Les courtisans du sultan de Marrakech auraient pu lui r�server le triste sort que la cour abdelouadide r�serva plus tard � Sidi El Haloui. C�est ce que �rattrap�rent� � titre posthume huit si�cles plus tard, au milieu des ann�es 1990, des criminels illumin�s d�un autre �ge, en mettant le feu � son magnifique mausol�e, de l�avis de tous les sp�cialistes, le plus beau du Maghreb.
Les atours intacts de la Perle du Maghreb et de Grenade africaine
En ce d�but de deuxi�me d�cennie du troisi�me mill�naire qui voit le c�ur du monde qui a vu na�tre l�Islam s�embraser pour les valeurs de lib�ration humaines dont il a �t� porteur � ses origines avant d��tre instrumentalis� � des fins despotiques par les derniers proconsuls et autres pharaons qui ont recolonis� leurs peuples, des villes comme Tlemcen que le destin a plac�es aux rares carrefours humainement f�conds de la vraie g�ographie et de la saine histoire, peuvent �tre une chance pour la ville, l�Alg�rie, l�Islam et pourquoi pas l�Humanit� dont l�islam reste plus que jamais une composante essentielle. Avec pr�s de 70% du patrimoine du mat�riel islamique d�Alg�rie, Tlemcen n�a pas ou plus de concurrent de taille devant lequel elle culpabiliserait d�exhiber sa couronne de capitale. B�ja�a, l�unique cit� qui pouvait soutenir la comparaison au plan de son �paisseur multiculturelle, a vu son patrimoine architectural mat�riel islamique enti�rement d�vast� par les soldats marins de Pedro de Navarro en 1510, date de l�occupation de la ville par les Espagnols. Tobna, Tihert, Achir� sont depuis longtemps carr�ment ray�es de la carte. Constantine et Alger sont trop marqu�es par leurs empreintes ottomanes. Que reste-t- il ? Surtout pas les non-villes sans �me d�aujourd�hui ! Ailleurs, dans le monde musulman, seules F�s et Marrakech peuvent rivaliser d�interculturalit� avec Tlemcen. Mais elles ont le regard trop tourn� vers le Nord. Marrakech continue d�amuser son monde avec les charmeurs de serpents de Sahat El Fna et fait son cin�ma en offrant des riads andalous r�nov�s aux d�cadentes c�l�brit�s occidentales, qui peuplent de leurs ombres culturellement nocives les nuits pass�es entre �ph�bes et courtisanes de ses rouges palmeraies. F�s El Bali, class�e patrimoine de l�humanit�, jalouse d�j� Marrakech et lui embo�te le pas sur les voies sans gloire durable d�un pass� sans avenir. Dans le monde, Baghdad est pour le moment encore sous occupation am�ricaine. Le Caire ploie sous le poids des surcharges d�mographiques de ses quartiers et r�ve de redevenir la capitale de nouveau d��Oum Eddounia� avec les r�cents accouchements si f�conds de �Maydan Ettahrir�. Beyrouth continue, quant � elle, de faire r�guli�rement le compte de ses seules r�alisations prolifiques : les gouvernements faits et d�faits et les �tablissements de nuit pour monarques du Golfe en mal de sommeil.
Les noces mal�fiques rat�es de Tlemcen avec un Seif El Islam devenu �Seif el Idjram�
Quand la ministre de la Culture Khalida Toumi proc�da le 27 septembre 2009 au lancement des pr�paratifs de �Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011�, elle �tait loin de s�imaginer que l�ombre furtive mal�fique d�un visiteur de marque l�avait pr�c�d�e six mois plus t�t dans la capitale des Zianides. Il s�agit ni plus ni moins que du rejeton du dictateur sanguinaire libyen Mouammar Kadhafi, connu aujourd�hui de toute la plan�te : Seif El Islam. Accueilli comme un chef d�Etat par Belkhadem en personne repr�sentant personnel du pr�sident de la R�publique, la raison de son s�jour � Tlemcen fut frapp�e du secret d�Etat le plus opaque. A la fin du mois de janvier 2010, revoil� Seif El Islam ! M�me d�ploiement f�brile de la nation et de ses repr�sentants au bas du tapis rouge d�ploy�. Cette fois, c�est le deuxi�me personnage de la nation, Bensalah himself qui attend patiemment pendant plus de dix heures pour voir d�boucher le jet priv� en provenance de Gen�ve de l�enfant g�t� venu �se payer� officiellement une partie de chasse au mouflon dans la r�serve cyn�g�tique du Moutas, pr�s de la capitale zianide. Officieusement, par contre, l�inqui�tude s�installe. Que vient faire ce personnage froid, hautain dans la chaude et si hospitali�re Tlemcen. Des fuites organis�es parlent de projets des mille et une nuits en raison de l�attirance de plus en plus forte qu�exerce Tlemcen sur ce personnage t�n�breux mais immens�ment riche. La vox populi rectifie, sarcastique : le seul projet est celui d�un mariage avec une belle Tlemc�nienne. Le gardien mill�naire des secrets des lieux, proche de Dieu, le Ghout Sidi Boumediene, rentre en transe. Il �vente le complot et d�joue le projet diabolique de �Seif el Idjram�. Il s�agit tout simplement du crime de l�se-majest� le plus abject � l�endroit des valeurs patriotiques alg�riennes les plus sacr�es jamais envisag� : l�assassinat par �seif� de l��mir Abdelkader El Djaza�ri, le dernier roi de Tlemcen, par un faux prince libyen contemporain, introduit par effraction r�publicaine dans la chambre nuptiale de la cit� zianide. Pour conjurer le mauvais sort, le Ghout recourt aux grands moyens en d�clamant et r�p�tant � tue-t�te la terrible proph�tie du po�te Ben Msa�b :
Les rois appr�ciaient et savouraient sa rencontre (Tlemcen) Honni sera celui d�entre eux dont elle d�daignera la main
C�est ainsi que Tlemcen, terre �ternelle d�Islam, refusa les avances all�chantes d�un sanguinaire � la virilit� douteuse. Moins d�une ann�e plus tard, aujourd�hui, la mal�diction re�ue de Sidi Boumediene se r�alise pleinement : m�me le Se�f n�op�re plus, il a �t� d�nud� devant les cam�ras de la plan�te et son impuissance exhib�e aux yeux du monde entier.
La mal�diction de Sidi Boumediene
Mais la mal�diction de Sidi Boumediene n�a pas touch� que Seif El Islam Kadhafi. Elle a frapp� le c�ur m�me de l�organisation de la manifestation �Temcen 2011, capitale de la culture islamique�. C�est ainsi que le jour de l�inauguration officielle de la phase nationale (sic) du programme international de cette derni�re, jour de Mawlid Nabaoui pourtant, le ministre des Affaires religieuses a �t� somm� par Sidi Boumediene de prendre le chemin inverse de celui qu�il eut � emprunter il y a plus de huit si�cles en lui faisant programmer les festivit�s nationales du Mouloud � B�ja�a. Bouabdellah Ghoulamallah secr�tement �brief� par le ma�tre soufi a consenti, lui qui ne cesse de d�noncer le pros�lytisme chr�tien en Kabylie, � aller y �couter religieusement le c�ur des Khouans de la confr�rie Alaouia perch�e sur les hautes terres de la Soummam, plut�t que d�avoir � supporter l�irruption sur la sc�ne du Palais de la culture Abdelkader-Alloula de sa coll�gue au gouvernement Khalida Toumi chanter avec c�ur �Zad Ennabi oua frahna bih� du regrett� Abderahmane Aziz. Le wali de Tlemcen, fan inv�t�r� jusqu�� la mani�re de croiser le burnous, d�un autre Boumediene nomm� Houari, fut d�clar� aux abonn�s absents � une c�r�monie devenue ridiculement nationale faute d��tre internationale en raison des retards de livraison des infrastructures de la manifestation, dont il est cens� �tre, selon la loi, le scrupuleux et attitr� comptable devant la nation, l�Etat et� les Tlemc�niens. Des installations dont le co�t r�el a refus� d��tre livr� par la ministre, qui s�est content�e devant la presse d�une litote statistique en trompe-l��il sur les co�ts r�els : moins de 0,76 du budget g�n�ral du gouvernement ! Quel budget ? Nous n�en saurons rien. Pour la transparence, celui du fonctionnement de 2011 aligne des z�ros et des chiffres � �tourdir ceux d�entre vous qui seraient tent�s de prendre leur calculette : 343 430 663 400 000 centimes ! Face � ce spectacle d�un autre �ge, la demi-douzaine de ministres originaires de Tlemcen n�en finissent pas de d�guster les croustillantes anecdotes sur les d�boires de leur coll�gue de la culture un jour de naissance du Proph�te de l�Islam en terre tlemc�nienne. Dans la presse chiffonni�re arabophone, la premi�re activit� scientifique s�rieuse programm�e en cette fin f�vrier, un colloque sur l�histoire mill�naire de Tlemcen, est d�j� point�e du doigt accusateur comme un hommage aux seuls juifs de la ville. De toutes les autres conf�rences programm�es, on ne soufflera pas mot !
Une histoire de bronze et de bo�te de vitesses
Piti� Ben Msa�b, tu demeures encore et pour longtemps notre unique rep�re et recours sur ces hautes terres tlemc�niennes si vertigineuses, aujourd�hui ! Tu avais bien raison ! A la fin du XVIIIe si�cle d�j�, tu d�peignais ainsi ta ch�re ville livr�e au diktat des pr�dateurs ottomans de tous bords :
Aujourd�hui Tlemcen est livr�e � elle-m�me
Ni main franche, ni pied valide, ni wali
Reni�e, elle l�est par ses hommes de haute vertu
M�me l�inauguration prochaine de la phase internationale de la manifestation �Tlemcen 2011, capitale de la culture islamique� ne pourra nullement att�nuer les rigueurs de la mal�diction de Sidi Boumediene sur tous les visiteurs de la ville en cette ann�e de printemps des peuples. Elle se d�roulera encore une fois selon les usages protocolaires bien de chez nous, si magistralement d�crits et d�clin�s dans le roman posthume qui vient de para�tre aux �ditions Arak par le regrett� Mohamed Dorban, ce brillant journaliste, caricaturiste et chroniqueur au Soir d�Alg�rie qui a p�ri dans l�attentat � la voiture pi�g�e contre la Maison de la presse en 1996 : �Ils se rabattirent sur de la vulgaire huile de moteur usag�e si bien que quand sonna l�heure des c�r�monies, l�antique h�ros, sous les oriflammes aux couleurs du pays, brillait de tous ses reliefs et exhalait une �pouvantable odeur d�huile de vidange devant laquelle le thym et le romarin battaient en retraite et c�est ainsi que la d�l�gation partit sans savoir si elle avait inaugur� une statue de bronze ou une bo�te de vitesses.�


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