Par Ahmed Halli [email protected] On peut gagner des batailles gr�ce � la t�l�vision, comme on peut subir des d�faites cuisantes, � cause de la t�l�vision. On sait d�sormais que la cha�ne Al-Jazeera n'est pas une machine � perdre. Il suffit de faire attention aux d�clarations et aux engagements de son propri�taire, l'�mir du Qatar, en l'occurrence, pour s'en persuader. La cha�ne satellitaire et tentaculaire a des yeux partout et des oreilles partout et elle est devenue un vrai corps de bataille, notamment en Libye. Al-Jazeera, c'est �Sawt-Al-Arab�, la �Voix des Arabes�, avec beaucoup plus de moyens, notamment les cam�ras et la magie du direct et plus de libert�s pour les journalistes. Ceci, nonobstant la justesse ou la l�gitimit� des causes que la cha�ne qatarie soutient et �paule sur le th��tre des r�volutions arabes. Mais � vaincre sans p�ril, on triomphe sans gloire, et Al-Jazeera n'a vraiment aucun m�rite, hormis celui d'exister, dans ce r�le d'idole des foules arabes, �Maaboudat-Al-Djamahir�, pour emprunter encore au jargon r�volutionnaire d'antan. Car, en face d'Al- Jazeera, il n'y a pas d'adversaires, de concurrents, de rivaux, ou tout ce que vous voudrez, mais des m�dias lourds, tellement lourds qu'ils n'arrivent pas � mettre un pied devant l'autre. Les t�l�visions, les radios et les journaux dits gouvernementaux ou aux ordres ont renonc� avant m�me d'�baucher un simulacre de r�sistance � la �razzia� satellitaire qatarie. Non contents de lever les bras au ciel, en signe de reddition, les t�l�visions et autres organes officiels ont tout fait pour livrer � �l'ennemi� les professionnels les plus comp�tents, ce qui n'est pas forc�ment le cas de Khadidja Bengana, mais enfin� Pour mieux appr�cier le caract�re in�luctable, irr�m�diable de cette d�faite annonc�e de la communication autocratique, revoyez les images des �quatre cha�nes� de l'ENTV, ces derniers jours. Vendredi et samedi derniers notamment, l'Unique, l'orpheline, la pauvrette, la d�solante ENTV a encore fait des siennes. De Tlemcen � Alger, on a tent� de nous convaincre que nous avions le meilleur qui puisse exister dans les serres � pr�sidentiables. M�me ce pauvre Ben Bella a �t� sorti de la naphtaline, pour tenter de capter notre sympathie, � d�faut de notre adh�sion. Celui-l�, je le soup�onne de caresser un r�ve, assid�ment caress� du temps de sa longue d�tention : marcher le plus souvent possible derri�re le catafalque des ses plus vieux ennemis ! Et c'est tout le bien que nous lui souhaitons ! Toutefois, je dois avouer que je n'ai pas la patience, ni les aptitudes cardiovasculaires, pour suivre sans broncher ces images d'une autre plan�te. Aussi ai-je appel� � la rescousse notre confr�re du quotidien londonien Al- Quds, l'Alg�rien Tewfik Rebbahi. Pour ne pas donner l'impression qu'il s'occupe sp�cialement de l'ENTV, Tewfik Rebbahi a consacr� beaucoup de temps � d'autres cha�nes arabes mal en point. Il nous r�sume ces stations devant l'�cran par ce titre �loquent : �Les cha�nes satellitaires libyenne, syrienne, y�m�nite et leurs s�urs : des stations qui suffisent � d�cha�ner la col�re des peuples contre leurs gouvernants�. Voici comment il proc�de : �Je pers�v�re et je persiste toujours � supporter la vision des cha�nes satellitaires libyenne, y�m�nite, syrienne, alg�rienne et de leurs s�urs en ces jours exceptionnels. Ce qui est en soi une forme de combat, un �djihad� ! Je consomme tous les psychotropes et autres hallucinog�nes, distribu�s par la compagnie Al-Qa�da, sur les surplus de ses stocks en Libye.� Tewfik Rebbahi passe en revue ces cha�nes, en pleine d�b�cle, � commencer justement par la Libye : �Le docteur Youssef Chakir est toujours l�, seul contre tous. Cet homme ne ressent encore aucune fatigue ou lassitude, comme s'il me d�fiait personnellement. Chaque fois que je m'attends � ce qu'il fasse faux bond ou s'excuse, il m'appara�t avec son chapelet. A chaque instant o� je fais acte de fermet� et de r�sistance, dans l'espoir de voir quelque chose de diff�rent, il est l�. Il s'obstine, envers et contre tous, � faire irruption sur la lucarne libyenne et � l'occuper jusqu'� une heure avanc�e de la soir�e. Et chaque soir�e ressemble � celles qui l'ont pr�c�d�e, � l'exception de la couleur de la cravate qu'il porte. Chaque soir, le docteur Youssef Chakir nous revient avec une nouvelle cravate. Lorsque les phalanges de Kadhafi et de sa famille ont commenc� � reconqu�rir quelques villes et contr�es, il a d�clar� qu'il ach�terait une cravate neuve chaque fois qu'une agglom�ration tomberait aux mains des kadhafistes (�). Il n'y a vraiment rien de nouveau chez le docteur Chakir. Le lexique des insultes, des injures et de la diffamation est rest� le m�me, � cette seule exception : depuis que je regarde ses prestations, je ne l'ai pas entendu une seule fois s'attaquer au ministre des Affaires �trang�res dissident Moussa Koussa (�) Alors, qu'aucun autre dissident de moindre importance n'a �chapp� au feu nourri de Youssef Chakir, Moussa Koussa devrait avoir subi son lot d'injures, mais pour une raison ou pour une autre, Chakir n'a pas os�. Pourtant, dans ce lot, Moussa Koussa est consid�r�, sans aucune exag�ration, comme le tiroir � secrets, ou la "bo�te noire" du r�gime.� Quant � la Syrie, son cas ne diff�re pas beaucoup de la Libye. �Lorsque Tripoli a renonc� � la chanter l'antienne sur l'ennemi ext�rieur, Al-Qa�da et les terroristes, les cha�nes syriennes l'ont reprise. Sauf qu'avec la Syrie, la liste des ennemis est plus longue et ne n�cessite pas beaucoup d'efforts de recherche (�) Il semble que la marge de man�uvre est plus large chez les cha�nes syriennes en raison de la liste des ennemis, comme le montre la r�serve de "consultants" qu'utilise la t�l�vision syrienne. Ils sont en majorit� libanais et on a l'impression qu'ils connaissent mieux la Syrie que les Syriens eux-m�mes et qu'ils sont encore plus soucieux des int�r�ts du peuple syrien.� Du c�t� y�m�nite, note encore notre confr�re, la t�l�vision s'efforce en vain de colmater les br�ches, et son excellence le fr�re-pr�sident Ali Abdallah Salah ne lui facilite gu�re la t�che. � chaque discours, il d�truit encore un espace de communication. Au point qu'il ne reste plus que la d�mission du pr�sident pour que la t�l�vision y�m�nite puisse sauver la face. Revenant, enfin, sur les derni�res d�clarations d'Abdelaziz Belkhadem � la t�l�vision alg�rienne, Tewfik Rebbahi commente en particulier les affirmations du repr�sentant personnel de Bouteflika selon lesquelles 3 entreprises am�ricaines contr�leraient 36 m�dias. �Je ne sais pas si ce chiffre �norme est exact, mais en quoi ce monopole est-il diff�rent de celui d'un groupe qui dirige l'Alg�rie depuis 1962, et qui a mis la haute main sur une t�l�vision qui appartient � 35 millions de personnes (�) C'est donc pour cette raison que ce monsieur a d�cid� que le pluralisme m�diatique et audiovisuel en particulier ne convenait pas aux 35 millions d'Alg�riens. Ou alors que c'est un niveau trop �lev� pour eux, et qu'ils doivent se contenter d'une cha�ne de t�l�vision orpheline, indigente et vivant � une autre �poque�, souligne le journaliste. Un discours qui ne change gu�re de celui que tenaient les responsables du m�me FLN dans les ann�es soixante-dix : � savoir que le peuple �tait un grand enfant � qui toutes les v�rit�s n'�taient bonnes � dire qu'� doses hom�opathiques. Je crois savoir que c'est le m�me FLN qui dirige encore le pays, flanqu� de ses deux jumeaux monozygotes, le RND et le Hamas.