Apr�s le Vatican et l'Otan, le Canada : l'Arm�e rouge, rebaptis�e �Arm�e sovi�tique� en 1946, n'existe plus depuis 65 ans, mais son ensemble de danses et de chants poursuit sa marche victorieuse en musique. Ancienne vitrine culturelle de la puissance militaire sovi�tique, l'ensemble Alexandrov a gard� quasiment le m�me r�pertoire avec les morceaux immortels Kalinka et Katioucha, les danses des matelots, des Cosaques et des sabreurs g�orgiens. Du coup, pour une partie de l'audience, les nostalgiques, il offre aujourd'hui un voyage dans le temps. �Je ne le nie pas, j'ai trembl� quand ils ont chant� Sur la longue route�, dit Anna, une Russe quadrag�naire �migr�e au Canada il y a quinze ans. �Ce sont les airs de notre enfance, de notre jeunesse�, explique sa s�ur Svetlana, venue �couter ce ch�ur qui s'est produit en ao�t et septembre � guichets ferm�s de Qu�bec � Toronto en passant par Montr�al. Mais selon le directeur du ch�ur, Leonid Malev, les �migr�s russophones ne sont qu'une petite minorit� parmi ses spectateurs, �peut-�tre 8 ou 10%�. Les artistes en uniforme aux voix puissantes ont d'ailleurs des m�thodes �prouv�es pour s�duire le public 100% �tranger. D'abord, ils chantent l'hymne national du pays o� ils se produisent, avant l'hymne russe. Puis ils ajoutent � leur r�pertoire un ou deux chants populaires ou militaires locaux. �Nous l'avons fait m�me en Chine, o� notre soliste a chant� en chinois devant les dirigeants du pays�, dit le colonel Malev. Ainsi, au Qu�bec, les Russes ont entonn� Un peu plus loin, un peu plus haut de Jean-Pierre Ferland et Tout le monde est malheureux de Gilles Vigneault. Emotion du public garantie, m�me s'il n'est pas toujours facile de comprendre toutes les paroles. L'adaptation au monde nouveau, o� la Russie n'est plus une superpuissance militaire, n'a pas �t� difficile : il s'agit toujours de repr�senter la culture russe. La visite au Vatican, chez le pape Jean Paul II, en 2004, n'en a pas moins marqu� les esprits. C'est le souvenir que les artistes �voquent spontan�ment pour dire ce qui a chang� pour eux depuis la chute du mur de Berlin, avant, par exemple, leur prestation au QG de l'Otan en Belgique, en 2007. �On a commenc� les entretiens avec les Italiens sans trop y croire. Puis, quand une invitation officielle du Vatican est arriv�e � Moscou, c'est devenu une affaire d'Etat�, se souvient Malev. �Une r�union a �t� organis�e, entre la pr�sidence, les Affaires �trang�res, la D�fense et le Patriarcat orthodoxe, et finalement on a eu le feu vert.� Apr�s le concert, Jean-Paul II, d�j� affaibli par la maladie, a dit au colonel �Bravo Rossia�, ce que ce dernier se rappelle comme le plus pr�cieux compliment. Par ailleurs, l'av�nement du capitalisme a eu pour effet l'apparition d'une concurrence l� o� on s'y attendait le moins : au sein du minist�re russe de l'Int�rieur. Cette administration puissante poss�de son propre ch�ur, fond� en 1973, de bon niveau et avec un r�pertoire comparable. Mais, lorsqu'il a fait une tourn�e en France en 2010, cet ensemble a fait sa publicit� en se pr�sentant comme �le ch�ur de l'Arm�e rouge�. Outr�s de voir leur identit� usurp�e, les militaires ont protest� vigoureusement, n'obtenant que des explications confuses et alambiqu�es. �On n'a pas voulu faire de proc�s, ce serait de mauvais go�t�, explique le colonel Malev. Mais l'affaire n'est pas finie, reconna�t-il, le ch�ur des troupes de l'Int�rieur pr�pare une nouvelle tourn�e en France l'ann�e prochaine, apparemment avec l'intention de se r�clamer � nouveau de la l�gendaire Arm�e rouge.