La tenue d�un colloque sur Messali ne rel�ve jamais de l�anodin en Alg�rie et son organisation dans le sillage des manifestations de �Tlemcen, capitale de la culture islamique� vaut d��tre relev�e, ne serait-ce que par les questions qu�elle peut soulever. Il est sans doute utile de rappeler, notamment � l�intention des plus jeunes Alg�riens, � quel point le nom de Messali Hadj �tait proscrit dans son pays, il ne fut cit� dans les manuels scolaires alg�riens qu�une seule fois � en relation avec la cr�ation de l�Etoile nord-africaine � et dont la longue et complexe trajectoire militante fut longtemps et d�lib�r�ment confondue avec le seul MNA (Mouvement national alg�rien) clou� au pilori du patriotisme par l�histoire officielle alg�rienne. Penser qu�il y a � peine vingt ans, la T�l�vision nationale pouvait pr�senter dans son journal t�l�vis� de vingt heures une quasi-sc�ne de lynchage lors du congr�s de l�Organisation nationale des moudjahidine d�un malheureux participant qui avait commis le crime de citer le nom de Messali informe au moins que le rapport au pass�, y compris aux yeux de ceux qui ont encore le pouvoir d�assignation et de censure, pouvait supporter quelques �volutions. 1-L�aggiornamento m�moriel des ann�es quatre-vingt Ces �volutions, faut-il le noter, se sont engag�es, et parfois de mani�re spectaculaire, sous le r�gime du pr�sident Bendjedid avec la r�-inhumation des cendres de Krim Belkacem au carr� des martyrs d�El-Alia � l�occasion de la comm�moration du trenti�me anniversaire de Novembre 54 � cela fait, bien entendu, sans �gard aux conditions pour le moins troubles de la disparition de l�ancien n�gociateur d�Evian � et un an plus tard, en d�cembre 1985, par l�observance d�une minute de silence � la m�moire du pr�sident Abbas � l�ouverture solennelle du congr�s du FLN. C�est � cette m�me p�riode que le nom de Messali Hadj figurait, sans doute pour la premi�re fois, dans le cadre d�un entretien publi� dans R�volution africaine qui desserrait, aussi peu que ce soit, la chape de la censure et de la stigmatisation. Des mutations politiques et �conomiques viendront, par la suite, confirmer que la r��valuation du pass� � celui en particulier de la guerre d�Ind�pendance � avec la tenue des congr�s d���criture de l�histoire�, le retour dans l�espace public national de figures politiques longtemps occult�es, la r�alisation et la diffusion d�une s�rie remarqu�e sur �Les sources du 1er Novembre� � suivie d�un spectaculaire d�bat en direct avec des dirigeants historiques comme Mohamed Boudiaf ou A�t Ahmed � s�inscrivait bien dans une strat�gie de re-l�gitimation des nouvelles �quipes en charge des affaires publiques et de la volont� de mieux contr�ler les hypoth�ques du pass�. Il faut ainsi porter au compte de cette s�quence l��rection de l�universit� Ferhat- Abbas de S�tif � et corollairement des f�condes journ�es �Ferhat Abbas � qui remirent sur sc�ne la militance Udmiste �, celle aussi de l�universit� Mohamed- Khider de Biskra et il est remarquable que ce mouvement ait �t� poursuivi et amplifi� d�s le d�but du mandat de l�actuel chef de l�Etat. On pourra retenir, entre autres choses, � ce titre, l�attribution du nom de Abane Ramdane � l�a�roport de B�ja�a et celui de Messali Hadj � celui de Tlemcen, le plus notable restant le message de Abdelaziz Bouteflika aux organisateurs du colloque de Paris sur Messali et dont les termes avaient clairement vertu symbolique de lev�e des interdits frappant le premier porte-parole de l�Etoile nord-africaine. 2- La fin d�une amn�sie alg�rienne Cette r�surgence m�morielle constitue bien une datation dans l�histoire politique de l�Alg�rie ind�pendante qui reconfigure les filiations des l�gitimations par le pass� et il est tout autant notable qu�elle s��tablisse paradoxalement contre les principes d�unit� �de la nation, du territoire, socle du nationalisme par une assignation territoriale pour le moins ambigu�. Comment lire en effet l�assignation de Abane � la seule Soummam, de Ferhat Abbas aux seules r�gions de S�tif et de Jijel, de Mohamed Boudiaf �, M�sila, Khider � Biskra et enfin Messali � Tlemcen sans contrevenir au sens m�me de leur combat ? La publication des M�moiresde Messali Hadj par l�Anep � pr�fac�es, faut-il le souligner, par le chef de l�Etat � puis d�un ouvrage de t�moignage de compagnons de lutte parach�veront l�extinction du tabou auquel aura aussi contribu�, avec efficacit�, Djene�na Benkalfat, fille de Messali et gardienne vigilante de sa m�moire. Conna�t-on pour autant mieux son parcours politique et Messali Hadj a-t-il effectivement repris la place � �minente � qui est la sienne dans l�histoire du nationalisme alg�rien au regard notamment de la perception que s�en fait assez g�n�ralement l�opinion ? Sans doute pas pour une part importante des Alg�riens convaincus par l�histoire institutionnelle que Abdelhamid Ben Badis fut au �principe de la r�volution�. Il faut donc bien faire le constat que des fragments de v�rit�s historiques ne suffisent pas � d�construire et disqualifier des d�cennies de mensonges et de manipulations d��tat du pass� et ainsi en est-il de Messali Hadj comme d�autres acteurs du nationalisme et de la guerre d�Ind�pendance aujourd�hui vou�s � la m�connaissance ou � l�indiff�rence. Il devrait alors avoir lieu de se f�liciter de toute initiative � publication, cr�ation audiovisuelle, colloque � de nature � informer, instruire et en tout �tat de cause combattre l�ignorance et ses cons�quences et � cette aune un colloque consacr� � Messali Hadj ne pourrait �tre que bienvenu. 3- Au nom du lieu Celui qui s�ouvre � Tlemcen, ces 17 et 18 septembre, a assur�ment pour lui les gages de la pr�sence d�historiens faisant autorit�, et les contraintes inh�rentes au genre peuvent, au regard de l�observateur, para�tre bien moins lourdes que celles des conditions m�mes de son organisation. Qui peut contester � des acteurs de la soci�t� civile de Tlemcen � ou d�ailleurs � et encore moins � un laboratoire de recherches d�initier une rencontre sur tel ou tel acteur ou tel ou tel �v�nement de l�histoire politique de l�Alg�rie, et notamment sur Messali Hadj, et dans ce cas de figure pr�cis, est-ce bien le contexte de l�organisation de cette manifestation, l�ambigu�t� des charges symboliques qui l�entourent qui provoquent le malaise quand bien m�me f�t-elle distincte de la manifestation �Tlemcen, capitale de la culture islamique�. La connexion entre la trajectoire politique de Messali Hadj, objet du colloque et les ambitions de �Tlemcen, capitale de la culture islamique� pour ne pas �tre �vidente nourrira l��quivoque en raison m�me du choix du moment, et convoquer Messali � dont la figure est encore en attente d�une pleine r�inscription dans l�histoire alg�rienne � sur ce registre peut rajouter peu ou prou � la confusion notamment sur les relations du fondateur du PPA avec l�islam, ses institutions et ses divers repr�sentants. Le paradoxe serait alors frappant, puisque le discours du 2 ao�t 1936, au stade municipal d�Alger, qui fait fonction d�enseigne au colloque constituait d�abord une r�ponse publique aux acteurs du Congr�s musulman dont les oul�mas et le pr�sident Ben Badis �taient les animateurs aux c�t�s des �lus indig�nes du Dr Bendjelloul et du Parti communiste alg�rien. Au demeurant, s�il est acquis, pour les historiens du nationalisme, que le discours d�ao�t 1936 marque un tournant � particuli�rement dans le sens de l�enracinement en Alg�rie m�me des th�ses ind�pendantistes �, le parcours politique de Messali Hadj ne s�y r�duit pas pour autant. A bien y regarder, est-ce bien � outre l�opportunit� de financement � le lieu de naissance qui appara�t au principe de la rencontre et cela peut tout � fait poser de l�gitimes questions. Il �tait bien plus facile de se reconna�tre dans le colloque Messali emp�ch� � Batna en 2000/2001 que d�applaudir aujourd�hui � celui qui se pare objectivement des plus hautes protections de l�Etat � Tlemcen et le passage du purgatoire de la m�moire collective aux feux des rampes officielles pour signaler aussi des acc�l�rations de l�histoire, n�en demeure pas moins lourd d�ambigu�t�s. Le retour du refoul� Messali para�t bien s�accomplir, mais maintenant et � Tlemcen, plus sous des enseignes familiale et locale qu�explicitement politiques � quid ainsi du PPA ? � et s�il convient tout � fait de donner acte � Djene�na Benkalfat de la pugnacit� de son engagement en faveur de la d�fense de la m�moire de son p�re, y avait-il plus de clart� dans la d�fense du proscrit d�hier que dans celle du Messali destinataire des hommages d�aujourd�hui et qui n�en peut mais ? 4- Une privatisation de la m�moire messaliste ? Outre l�hommage annonc�, le colloque de Tlemcen consacrera-t-il, et de mani�re plus inattendue, l�inscription de la m�moire messaliste dans la logique de privatisation de l�histoire du nationalisme et de la guerre d�Ind�pendance qui est au principe de la gestion et du contr�le du pass� et dont l��rection d�une �famille r�volutionnaire � et d�ayants droit � fils de chouhada, fils d�anciens moudjahidine � est l�expression politique accr�dit�e ? C�est d�j� le cas d�autres proscrits � Abbas, Boudiaf notamment � dont la m�moire est g�r�e, dans l�espace public, par les descendances directes. Invit�e d�honneur du chef de l�Etat � l�inauguration officielle de �Tlemcen, capitale de la culture islamique� � les images de cette in�dite proximit� pouvaient � tout le moins surprendre sinon m�me choquer les survivants de l�ostracisme officiel �, pr�sidente d�honneur du colloque, la fille de Messali Hadj n�encourt-elle pas le risque � r�el � de noyer sous les honneurs de circonstances une cause qui, pour �tre aussi, � n�en pas douter, personnelle est moins celle de la famille Messali et de ses proches que celle du droit des Alg�riens � se r�approprier leur histoire, toute leur histoire ? L�histoire de Messali Hadj n�a pas commenc� un 2 ao�t 1936 qui se confond aussi avec la tragique guerre fratricide FLN/MNA dont le traumatisme p�se encore comme une insupportable hypoth�que sur l�histoire du nationalisme et de la guerre d�Ind�pendance dont il sera de plus en plus difficile de diff�rer l�examen sous de commodes et convenues stigmatisations. Ces questions ne sont d��vidence pas compatibles avec l�esprit d�un hommage et est-ce aussi pour cela que le colloque de Tlemcen peut susciter plus de r�serves que d�attentes. A.M. *Universit� Mentouri - Constantine[email protected]