Par Mohamed Maarfia L�Alg�rie, apr�s avoir surpris, commence � d�ranger. Dans le nouveau paysage g�opolitique du Maghreb arabe, l�Alg�rie devient pr�occupante. Les choses ne se passent pas selon le sc�nario �crit pour elle. Elle d�ment les analyses des �experts en r�volutions� et les proph�ties annonciatrices d�apocalypse de personnalit�s �trang�res qui se sont essay�es ailleurs avec succ�s dans la manipulation. Un an apr�s le d�but des r�voltes arabes, les Alg�riens restent attach�s � la stabilit� de leur pays. La pr�sence sur la sc�ne politique de partis d�opposition au discours souvent incisif, la pluralit� d�une presse courageuse et dynamique et la crainte partag�e par une majorit� d�Alg�riens du �jour d�apr�s�, y sont assur�ment pour quelque chose. Le nouvel ordre mondial n�est rien d�autre que l�affirmation du rapport de force venu au jour apr�s l��clatement du bloc sovi�tique. Il permet � l�Occident de remodeler l�aire arabe selon ses int�r�ts. La violence, la rapacit� et l�aveuglement de dirigeants pr�dateurs, ayant usurp� le pouvoir pendant des d�cennies, ont rendu possible, partout o� la rue a grond�, l��mergence des courants islamistes. D�intenses campagnes m�diatiques tendent � leurrer les opinions publiques quant aux syst�mes autoritaires que ces derniers mettront immanquablement en place, une fois au pouvoir, pour tarir l�aspiration de nos soci�t�s � la d�mocratie et au progr�s. La concomitance des succ�s de ces mouvements avec le processus de r�formes politiques engag� en Alg�rie est pain b�nit pour les affid�s de l�ex-FIS qui esp�rent revenir l�galement sur la sc�ne politique. Ils se rappellent au bon souvenir du monde en se livrant � des man�uvres spectaculaires L�interpellation r�cente en Suisse de l�ancien ministre de la D�fense Nationale, Khaled Nezzar, une personnalit� qui a occup� les plus hautes fonctions � la t�te de l�Etat alg�rien, sur saisine de l�autorit� judiciaire suisse par l�ONG Trial, d�montre-t-elle une m�connaissance des r�alit�s alg�riennes ou bien, au contraire, une parfaite ma�trise des proc�d�s du fameux �qui-tue-qui ?�. Comment ne pas se poser des questions lorsque cette ONG, qui affirme qu�elle ne �prend parti pour aucune faction, parti ou Etat� fait sienne � par les d�clarations � l�emporte-pi�ce et le forcing de son porte-parole � les accusations de militants de la cause qui a tent�, par une violence inou�e, de triompher en Alg�rie. Personne n�est dupe, Khaled Nezzar est le premier des dominos. La plainte dont il est l�objet vise un effet amorce pour rentrer dans le vif du sujet : culpabiliser, en premier lieu, les acteurs de l�acte salvateur de janvier 1992 et mener une op�ration de haute communication. �Le souffle du printemps arabe a atteint la Suisse�, selon M. Philip Grant, directeur de Trial. Gr�ce � M. Grant, nous savons que l�op�ration Nezzar est plac�e sous le signe des r�voltes arabes. Les propos de M. Grant contredisent la profession de foi exprim�e par le communiqu� de Trial du 9 novembre 2011. Citons-le ! �Trial (association suisse contre l�impunit�) est une association ind�pendante, apolitique�)�. O� est la distance � la politique lorsqu�on prof�re de tels propos ? Citons encore Trial pour d�montrer dans quel m�pris elle tient la justice alg�rienne : �L�exigence de justice �l�mentaire qui n�a pas encore trouv� son expression en Alg�rie doit maintenant se r�aliser en Suisse.� Pourquoi cette ONG fait-elle table rase de tout ce qu�a fait l�Alg�rie en mati�re de d�fense des droits de l�homme ? De quel droit s��riget-elle d�tentrice exclusive du privil�ge de d�fendre les opprim�s ? Cette pr�tention � se poser en alternative � une justice alg�rienne �d�faillante� ou �complice� a r�volt� les membres du barreau alg�rien accus�s de complicit� objective avec les tortionnaires. Mais nous ne sommes pas � une outrance pr�s. Pour d�montrer son altruisme et son ind�pendance, Trial, toujours dans son communiqu� du 9 novembre 2011, apporte la pr�cision suivante : �Trial lutte contre l�impunit� des responsables, complices et instigateurs de crimes les plus graves et d�fend les int�r�ts des victimes, quelles qu�elles soient devant les tribunaux� �. Qui aurait l�id�e de trouver � redire � cette noble ambition ? Pour nous convaincre de la sinc�rit� de cet engagement, et pour s��viter la suspicion du double langage, Trial devrait communiquer � l�opinion des informations sur les actions qu�elle a engag�es contre les auteurs des horreurs commises en Palestine ou en Irak. Le g�n�ral Nezzar a �t� arr�t� dans son h�tel au vu et au su de tout le monde. Sans se pr�occuper du principe de la pr�somption d�innocence qui impose le respect de la dignit� des gens, son nom a �t� accol� par la presse mondiale au mot �torture�. Quand bien m�me la c�l�rit� avec laquelle la justice suisse a engag� sa d�marche lui aurait �t� dict�e par le souci de se pr�munir contre un risque de �fuite� de l�ancien ministre de la D�fense nationale, il y a lieu de s��tonner d�une initiative entreprise sans la moindre v�rification pr�liminaire relative au bien-fond� des plaintes le concernant et sur l�immunit� �ventuelle dont il jouirait au regard de la loi internationale. A moins de nous laisser entendre que l�arbitraire est tol�rable du moment que les actes qui l�expriment s�exercent au d�triment des ressortissants d� Etats d�cr�t�s inf�rieurs. Les Alg�riens ont vu dans l�initiative de la justice suisse l�affirmation ass�n�e de la fa�on la plus claire d�une compr�hension des rapports de force internationaux qui autorisent tous les pass�outre. Ces proc�d�s de souveraine autorit�, d�montr�s � cette occasion, sont surprenants de la part du parquet d�un grand pays d�mocratique. Nezzar a �t� soumis � un feu roulant de questions par une procureure suppl�ante qui s�est surtout int�ress�e au �coup d�Etat� de janvier 1992 et aux actes de gouvernement qui en ont d�coul�. Les pr�occupations de la magistrate recoupent la logique des avocats fran�ais, Bourdon et Comte, sp�cialistes �m�rites des �m�faits de la junte militaire qui dirige dans l�ombre l�Alg�rie�. Les m�mes qu�a eu � affronter le g�n�ral Nezzar � Paris en juillet 2002. Il y aurait donc une action coh�rente et concert�e pour remettre en cause tout ce qu�a fait l�Alg�rie, depuis 20 ans, en remontant au �p�ch� originel� de janvier 1992 ? Les plus hautes autorit�s alg�riennes, parfaitement conscientes de la finalit� des proc�dures engag�es contre le principal �janvi�riste�, ont imm�diatement alert� le gouvernement suisse sur les graves cons�quences politiques de cette interpellation. Au-del� de la personne du g�n�ral Nezzar, au-del� des p�rip�ties qui lui sont impos�es, demeure une tragique �vidence : l�indigence de la communication alg�rienne sur la gen�se, le d�roulement, l�ampleur et les cons�quences de la trag�die qui a frapp� l�Alg�rie au cours de la d�cennie 1990. M�me les pays qui n�ont aucun contentieux historique avec l�Alg�rie et qui ne sont anim�s par aucun pr�jug� d�favorable � notre �gard font montre � et ce n�est nullement de leur faute � d�une m�connaissance totale de ce que nous avons subi et de ce que nous avons accompli pour surmonter l��preuve. La m�moire alg�rienne restera longtemps hant�e par les horreurs qui ont marqu� la d�cennie 1990. Le silence que nous nous sommes impos� sur ce que l�int�grisme a fait subir � l�Alg�rie a �t� cr�dit� d�un effet th�rapeutique. Jamais m�thode Cou� n�a �t� appliqu�e avec autant de constance. Le danger de cette occultation vient de nous �clater � la figure. Si les Alg�riens demeurent reconnaissants � la Suisse pour l�action efficace de sa diplomatie lors des n�gociations alg�ro-fran�aises qui ont mis fin � la guerre d�Alg�rie et s�ils ne doutent pas un seul instant des grands principes humanistes qui ont toujours guid� ce pays, ils sont en droit de rappeler que la qualit� et la solidit� des rapports entre les Etats sont bas�es sur le principe du respect de la souverainet� nationale de ces m�mes Etats. La contestation unilat�rale par des tiers de ce principe ne peut �tre recevable. Les Alg�riens ont jug� utile et ent�rin� par r�f�rendum le 29 septembre 2005 une charte qui exprime la reconnaissance du peuple alg�rien envers les artisans de la sauvegarde de l�Etat et qui les met � l�abri d�une quelconque vengeance. Cette charte ouvre, �galement, droit � l�amnistie sous certaines conditions pour ceux qui, par la violence, ont contest� les lois de la R�publique. Cette d�cision souveraine du peuple alg�rien a �t� prise pour l�apaisement, la paix et la r�conciliation nationale. Affirmer cela n�est nullement reconna�tre que le g�n�ral Nezzar a perp�tr� les actes dont on l�accuse et y puiser raison pour mettre � l�abri de la justice un �coupable�, mais pour attirer l�attention de tous nos amis sur le danger de l�autisme dans des questions claires et compliqu�es en m�me temps, des questions vitales pour l�Alg�rie. Lorsque seront r�gl�s les points de droit par les conseils de Nezzar telle la burlesque pr�tention � le tenir responsable, globalement et dans le d�tail, de toutes les actions accomplies par les forces de l�ordre alg�riennes pendant une d�cennie, alors qu�il n�a �t� � la t�te du minist�re de la D�fense nationale que pendant une ann�e, lorsque sera mis en avant le principe de non-r�troactivit� pour d��ventuelles atteintes aux droits de l�Homme dont il se serait rendu coupable, ainsi que celui de l�immunit� territoriale dont jouirait, dans tous les cas de figure, un ancien co-pr�sident de la R�publique, le minist�re public de la Conf�d�ration suisse sera, peut-�tre, amen� � renoncer aux poursuites. Mais la question de fond demeurera. Elle pourra rebondir n�importe quand et n�importe o�. En Alg�rie, des m�canismes juridique et administratif ont �t� mis en place pour parvenir � la paix. Il appartient aux autorit�s alg�riennes de l�expliquer patiemment, et de la mani�re qui convient, � ceux qui l�ignorent. Afin que cette intol�rable chasse � l�homme � qu�elle concerne Nezzar ou un autre de nos responsables militaires � trouve d�finitivement son �pilogue, il revient � nos juristes et � nos diplomates de rechercher les voies, par la consultation internationale, l��tude des textes et la pr�sentation patiente des arguments, pour faire admettre par les institutions, telles la CPI ou la CIJ, l�admissibilit�, au nom de la stabilit� interne des Etats signataires, des l�gislations nationales adopt�es pour mettre fin, dans l�int�r�t des populations, � des situations de guerre. C�est un autre combat.