�La vie est une ombre qui marche, un pauvre acteur qui se tr�mousse une heure en sc�ne, puis qu�on cesse d�entendre�, disait William Shakespeare. Et c�est ainsi que, adoss� � sa mort depuis le premier vagissement, l�homme se mit � philosopher. Ou la mort comme g�nie inspirateur... Avec Tu ne mourras plus demain, le dernier livre de Anouar Benmalek, le lecteur p�n�tre brutalement au c�ur m�me de la trag�die humaine parce qu�il a connu la mort et, par-del� la mort, le narrateur commet ici une �uvre tr�s personnelle. Un r�cit o� il rend hommage aux siens, ceux les plus chers, en particulier cette maman dont la perte est la plus violente douleur pour un homme. Cruel destin qui accable l�exil� enfin rentr� dans son pays. Tout un monde familier s��croule. Miraculeusement, il s�est accroch� � sa seule bou�e de sauvetage : la reconnaissance de tous les siens pour continuer. L�orphelin raconte alors cette autre vie, son autre vie. Il dit le pass� pour esp�rer vivre demain. Le temps est compt�, il faut �crire en toute h�te. Dans cette course contre la montre, les mots tendres pleurent d�amertume et de regrets. Forc�ment, l�angoisse de l�absence, du vide, est r�v�latrice de l�existence elle-m�me. D�o� la r�flexion sur la vie et la mort. Ah ! tout cela est d�une complexit�... Anouar Benmalek d�m�le l��cheveau (le drame de ces personnages parfaitement humains, parce que complexes) par la litt�rature. Du moins, seule l��criture peut apporter quelques r�ponses aux questions de l��crivain et l�aider � panser ses blessures. Maigre consolation ? Certes, oui, mais cette lettre � la ch�re disparue est un sprint gagn� sur l�abattement et le profond d�sarroi du d�but. La preuve d�amour qui apporte la d�livrance et le repos de l��me. Surtout, les mots du c�ur exorcisent et lib�rent l��nergie cr�atrice. A ce moment critique du parcours, Tu ne mourras plus demain est une victoire sur la folie et la d�raison. Ce beau livre t�moigne du difficile combat de l�auteur contre les forces obscures qui l�habitaient. Son territoire enfin reconquis, il pourra d�sormais travailler jusqu�� �puisement. Pour le plus grand bonheur des lecteurs qui, d�j�, sont invit�s � d�vorer son dernier ouvrage. Ici, l��motion est au rendez- vous et chaque page fr�mit d�une vive sensibilit�. Parce que, tout simplement, la maman disparue est au centre du r�cit, l�amour filial et la tendresse y occupent la premi�re place. �Un amour que je ne lui ai pas assez manifest�, regrette Anouar Benmalek. On le comprend, il est comme tous les fils � qui la soci�t� alg�rienne dicte une certaine pudeur des sentiments envers leur m�re. La mort de la maman dans des conditions terribles (elle a souffert le martyre dans un h�pital) est v�cue par l�auteur comme un d�chirement atroce, un v�ritable s�isme. Le livre s�ouvre sur cette trag�die pour, ensuite, raconter l�histoire de la m�re et de la saga familiale. Le tableau ainsi peint est riche de s�quences m�morielles, d��v�nements, de personnages qui viennent mettre en lumi�re la pr�gnance de la figure maternelle. En m�me temps, cela permet de mieux conna�tre (et comprendre) Anouar Benmalek lui-m�me et ce singulier destin, aussi complexe que son propre pays. Comme la m�re, il est lui aussi un carrefour d�influences et un cocktail de cultures. Tu ne mourras plus demain (et c�est tout le talent de l��crivain) se d�cline alors comme une fresque o� s�entrecroisent, parfois s�entrechoquent des destins individuels avec, en toile de fond, l�histoire de l�Alg�rie et de ses rendez-vous rat�s, ses attentes et ses ali�nations. Parmi les sources d�ali�nation qui emp�chent la soci�t� alg�rienne d�aller r�solument de l�avant, la d�sint�gration op�r�e par le syst�me colonial et, par la suite, le renforcement du pouvoir patriarcal par la caste postind�pendance. De ce point de vue, le livre est aussi un t�moignage sur les errements de l�histoire contemporaine de l�Alg�rie, telle qu'illustr�e par les personnages aux multiples facettes qui peuplent le r�cit. L��crivain �irr�v�rencieux� vient de publier, chez le m�me �diteur (Casbah �ditions), un autre ouvrage consacr� aux rendez-vous manqu�s : Chroniques de l�Alg�rie am�re. Alg�rie 1985-2011 (472 pages, 850 DA). Cette �dition revue et compl�t�e d�un pr�c�dent livre rassemble des �crits journalistiques o� le style net et tranchant comme un scalpel op�re habilement sur un patient d�nomm� Alg�rie. Une mise � nu des fables, des mythes et des illusions qui emp�chent l��panouissement du peuple alg�rien et paralysent sa cr�ativit�. Deux ouvrages � lire absolument. Hocine T. Anouar Benmalek, Tu ne mourras plus demain, Casbah �ditions, septembre 2011, 182 pages, 600 DA