On dit que les yeux sont les miroirs de l��me et les interpr�tes du c�ur. Mais pour entendre leur langage chez Abdennour Bouderbala, encore faut-il rester tr�s attentif et avoir le coup d��il juste. L�effort est r�compens� si vous regardez bien, �coutez beaucoup et parlez peu : l�artiste porte en lui toutes les beaut�s du monde. Les 25 tableaux qu�il expose � la galerie Art 4 You (Sacr�-C�ur, Alger), jusqu�au 31 janvier, sont le reflet de la vraie beaut�, celle asym�trique d�un ange en habit de lumi�re. Ou alors, si on observe mieux, lui entour� de ses �uvres, le noir qu�il privil�gie dans ses toiles et jusque dans sa tenue vestimentaire accentue le contraste. Un habit d�Arlequin cette fois, rendu dans tout son �clat par le blanc et certaines images symboliques. L�univers bouderbalien, si na�f en apparence mais en r�alit� bien myst�rieux, nous livre quelques cl�s de lecture. Pas facile, cependant, de d�crypter le message. A moins de combiner les cinq sens, en fusionner deux ou trois par exemple pour arriver au seuil de ce monde des profondeurs ? Ainsi, chez Abdennour Bouderbala, il y a des mains qui regardent, des yeux qui �coutent... Il est souvent l�, pr�sent, cet �il t�moin qui vous suit partout, notamment dans les tableaux Ma vie, La v�rit�, L��il du destin... Il est encore l�, dans ses yeux magnifi�s par la col�re de La rage (mais ici le regard est l�g�rement d�tourn� pour signifier que la r�volte doit laisser place � une autre s�quence, car la vie continue). Enfin, les yeux du spleen, des tourments et de la complexit� de l��tre humain �clairent comme des points lumineux la superbe toile Les abysses. Cette fois, l�artiste est sorti du r�alisme en noir et blanc pour nous offrir un tableau o� l�abstrait et les touches impressionnistes ont enfant� une �uvre majeure. Plus le pr�sent est d�importance, plus les yeux sont beaux, semble nous dire Abdennour Bouderbala. Il se voit donc lui-m�me dans sa peinture, son secret est bien l�... L�artiste nous a confi� privil�gier le dessin, les croquis, le noir et blanc... Dans son regard vif et passionn�, parfois espi�gle, il y a surtout beaucoup de modestie. Les yeux d�un enfant arriv� � l��ge de la maturit� et de la sagesse. Car, dans son exposition (une mini-r�trospective de ses travaux depuis les premiers jets jusqu�aux �uvres les plus r�centes), on constate une formidable �volution. Les tableaux en couleur et de grand format (Le grand bleu, Renaissance, Big bang, Le feu, Mes tourments...) sont la preuve que Abdennour Bouderbala a atteint la ma�trise de son art. D�sormais, il a le coup de patte, la justesse et la s�ret� du pinceau. Il peint la vie comme une �uvre d�art, se transcendant enfin. Parce que l�art lui a permis de transcender son handicap, cette incapacit� motrice c�r�brale (IMC) � 100% qui l�accompagne depuis sa naissance. Quand on l��coute parler (il articule tr�s difficilement, alors son �pouse d�vou�e et sa maman ch�rie traduisent ses mots), on se rend compte que l�on a affaire � un vrai battant, un homme dou� d�une force de caract�re incroyable. Il nous dit, entre autres: �Quoique de temp�rament introverti, j�ai toujours �t� r�aliste dans la vie. Je me suis toujours projet� vers l�avant avec mon fauteuil roulant. Je suis quelqu�un qui aime relever les d�fis, n�ayant jamais eu peur d�affronter les difficult�s. Surtout, j�ai toujours accept� mon handicap et fait en sorte qu�il soit mon moteur ?� En 1988, � l��ge de sept ans (Abdennour est n� le 23 septembre 1981 � Alger) il perd son cher papa d�c�d� d�une longue maladie. En 1994, son fr�re subit un traumatisme apr�s un accident de v�hicule... Deux �v�nements marquants qui l�avaient choqu�, mais il avait r�ussi � s�armer de la seule force de sa volont� pour surmonter ces �preuves douloureuses. Surtout, il a trouv� en l�art une th�rapie et le meilleur moyen de vaincre son infirmit�. En particulier depuis le malheureux incident v�cu par son benjamin (qui se marie ces jours-ci, en attendant le tour de l�a�n�), Abdennour Bouderbala s�est enfin consacr� enti�rement � ses dessins et � sa peinture, assis par terre, bloquant sa main droite avec la main gauche pour tenir le pinceau. Le r�sultat est bien l�, aussi incroyable que cela puisse para�tre : un artiste peintre reconnu par ses a�n�s, un authentique autodidacte qui expose r�guli�rement depuis quelques ann�es et qui a �t� prim� plusieurs fois. Une belle le�on de vie et un exemple � m�diter. �Tout cela, rappelle-t-elle, c�est gr�ce aux encouragements de ma m�re et � la confiance qu�elle a plac�e en moi. Mon message aux familles qui ont un enfant handicap� est donc le suivant : il faut croire en cet enfant, en ses capacit�s, il faut lui donner beaucoup d�amour et d�affection pour l�aider � trouver son �quilibre. Le handicap n�est pas une tare, on n�a pas � le cacher. Les parents doivent donner pour recevoir en retour, au moins un sourire...� Il est vrai que l�artiste et sa maman, quand on les voit �voluer ensemble et communiquer, donnent l�impression de se transmettre r�ciproquement beaucoup d��nergie. Une relation fusionnelle en quelque sorte. Quant au reste, il faut savoir que Abdennour a un quotient intellectuel �lev�. Lui qui n�a jamais mis les pieds � l��cole lit et parle parfaitement le fran�ais (toujours gr�ce � sa m�re). Il nous confie travailler avec de la musique en sourdine et dit adorer Charles Aznavour et Beethoven. Autres centres d�int�r�t, les documentaires t�l� et la politique. Parmi ses artistes pr�f�r�s : Miro, Dalil Saci et Mohamed Boukerche. Le souhait de Abdennour Bouderbala pour cette nouvelle ann�e 2012 ? Que les pouvoirs publics lui accordent enfin un logement social (ses demandes sont rest�es lettre morte). Il est vrai qu�un logement au rez-de-chauss�e le lib�rerait grandement, vu son handicap. Lui qui n�a jamais b�n�fici� d�une prise en charge ni d�une quelconque pension m�rite un geste fort de la part des autorit�s concern�es, au lieu des vagues promesses de circonstance de certains hauts responsables. Pour l�exemple, en direction de la jeunesse. Tout simplement.