[email protected] Tous les peuples se renouvellent naturellement et � travers les �ges, de g�n�ration en g�n�ration, apportant l�une apr�s l�autre leur part � l�adaptation � un monde en continuelle �volution. Pour l�Alg�rie, les changements furent tr�s lents, pratiquement insensibles, et ce, durant plusieurs g�n�rations. Une soci�t� stagnante Depuis le �choc� de l�invasion fran�aise au d�but du XIXe et l��tablissement de la colonisation, les Alg�riens ont connu plusieurs soubresauts politiques, mais, globalement, la soci�t� n��voluait que tr�s lentement, parfois pr�sentant des r�gressions plus ou moins graves. Le pays �tant vaste, les communications faibles, d�une g�n�ration � l�autre, les �volutions restaient insignifiantes. A l�entr�e du XXe si�cle, les choses �taient encore comme au Moyen �ge. On naissait � un endroit, on y grandissait puis on mourait toujours l�, dans un espace fig�, avec le m�me d�cor. Bien s�r, durant cette longue p�riode, il y eut des moments de tensions, de troubles, de guerres� mais la vie avait la m�me apparence, avec ses m�mes contraintes, ses m�mes refrains, ses m�mes histoires. Pour les individus et pour l�ensemble de la soci�t�, il n�y avait pas de changement de sens. On �duquait les enfants de la m�me mani�re. On travaillait avec les m�mes principes. On avait le m�me sens de l�honneur, la m�me d�finition de la dignit�. Les besoins variaient si peu d�une g�n�ration � l�autre ; ils faisaient r�f�rence aux m�mes id�aux, aux m�mes valeurs. La g�n�ration de Novembre Cependant, pour les Alg�riens, l�id�e de libert� et de souverainet� ne cessait de cro�tre. Il est vrai que le peuple souffrait de mis�re mat�rielle mais plus encore de mis�re morale. Il �tait assujetti � une colonisation de peuplement venu d�ailleurs, d�un ailleurs lointain tant g�ographique que mental. Cette �anomalie� v�cue comme une iniquit�, une indignit�, �tait une blessure profonde et vivante bien qu�int�rioris�e. Venue de la profondeur des temps, une nouvelle volont� collective montait progressivement � la surface et explosa un certain 1er Novembre 1954. La g�n�ration de Novembre est pass�e d�un coup, du statut de colonis� � celui d�un peuple souverain apr�s une h�ro�que r�volution. L�impact psychologique d�un tel changement a �t� immense. L�ampleur du succ�s a boulevers� les consciences et les psychologies. Des hommes aux mains nues avaient r�ussi � faire plier l�une des plus grandes puissances imp�riales mondiales. L�ind�pendance a �t� v�cue comme une fulgurance. Chacun peut imaginer ce que ces hommes ont eu � porter comme charge �motionnelle. La r�volution du 1er Novembre et son corollaire, l�ind�pendance du pays, auront marqu� de fa�on ind�l�bile cette g�n�ration d�hommes et de femmes d�exception au vu de la longue et cruelle histoire de la nation alg�rienne durant le XIXe et la premi�re moiti� du XXe si�cle. Cette g�n�ration s�est illumin�e elle-m�me de sa propre force psychologique. Elle venait de reprendre son pays, vaste et riche. Elle se voudra d�sormais singuli�re. Le r�gime politique qui s�en est alors suivi d�s 1962, ne fut que l�expression d�un �tat d�esprit d�hommes, passant d�un extr�me � l�autre, de celui d��tre sans destin � celui de l��lu pour une destin�e. Ces hommes ne pouvaient vivre que dans l�exceptionnalit�. Leur pouvoir avait atteint la sacralit� et ne pouvait souffrir la moindre remise en cause. Cette g�n�ration ne pouvait se r�soudre � sa retraite aussi dor�e qu�elle pouvait l��tre. Elle a alors tenu d�une main de fer le pays, sans le moindre questionnement sur le devenir de la nation. Elle �tait � ses propres yeux, la plus l�gitime � gouverner la nation. Il est donc �vident que cette g�n�ration allait �mortifier� celle qui la suivrait. Son niveau de conscience, sa propre �valuation de ses comp�tences et une forme d�aveuglement sur elle-m�me expliquent son acharnement narcissique � garder, co�te que co�te, le monopole du pouvoir. La transition g�n�rationnelle Les choses auraient pu en rester l�. La passation du pouvoir aurait pu se faire progressivement, avec le temps, par l�acc�s des plus jeunes aux responsabilit�s publiques. Le cours des choses, avec ses hauts et ses bas, comme pour toute nation et tout pays, aurait pu se prolonger ainsi pendant bien longtemps. Or, la g�n�ration actuelle a subi, elle aussi, une transformation tout aussi fondamentale que la pr�c�dente dans son propre contexte. Les Alg�riens de 2012 ne sont plus les m�mes que ceux de 1962. Ils sont peut �tre le r�sultat g�n�tique de leurs parents, mais ils ont subi des changements tr�s profonds qui les en diff�rencient dans leurs valeurs. En effet, autant la g�n�ration pr�c�dente �tait sous-inform�e, autant l�actuelle est litt�ralement assaillie d�informations �manant du monde entier. Autant la pr�c�dente �tait submerg�e par la mis�re et l�ignorance autant celle-ci a go�t�, peu ou prou, � la prosp�rit�. Autant la superstition et la r�signation s�vissaient, autant l�ambition et l�audace s�imposent. Autant les valeurs communautaires, traditionnelles et ancestrales avaient cours, autant l�effet de la �modernit� a fait �merger des comportements nouveaux, individualistes, mat�rialistes et parfois �go�stes. Le sens du monde a chang�. La perception de l�honneur et de la dignit� est diff�rente. L�individu veut exister au d�triment de la tribu. Alors que l�homme de la g�n�ration de Novembre est issu pour une large part du terroir, du pays profond, enracin� qu�il �tait dans la soci�t�, l�Alg�rien d�aujourd�hui s�est form� dans les grands centres urbains o� souvent l�anonymat ou � tout le moins les relations informelles, extrafamiliales ou extra-tribales ont constitu� sa matrice nourrici�re. L�Alg�rie vit aujourd�hui la cohabitation de deux g�n�rations historiquement exceptionnelles. L�une s�est impos�e au monde par une r�volution mythique, l�autre parce qu�elle est la manifestation de changements d�ordre anthropologique. Le choc, brutal, frontal, sans concessions, s�est produit lors d�une d�cennie d�une violence in�gal�e, d�un spasme autodestructeur que peu d�analystes arrivent � comprendre dans ses racines. La g�n�ration de Novembre a, malgr� tout, maintenu son pouvoir. Mais au prix d�une perte irr�m�diable d�une grande partie du capital symbolique qu�elle d�tenait. La vie �tant ainsi faite, aussi exceptionnelle qu�elle puisse �tre, cette g�n�ration est appel�e � abandonner la sc�ne, malgr� tout, dans tr�s peu de temps. Enfants de l�ind�pendance, nous devons rendre � ces femmes et � ses hommes un hommage exceptionnel et leur manifester une reconnaissance profonde et �ternelle. Mais maintenant que la transition g�n�rationnelle est engag�e, que va-t-il advenir de l�Alg�rie ? Comment va-t-elle n�gocier les changements capitaux qui vont intervenir dans le proche avenir ? Le sentiment nationaliste persistera t-il ? La souverainet� du pays sera-t-elle maintenue ? N�y a-t-il pas un risque que tout s�effondre de nouveau ? Ou bien, une nouvelle �lite appara�tra, portant en elle le sentiment patriotique et le sens de l�histoire pour consacrer l�ind�pendance acquise et assurer la continuit� de la marche ? Les d�fis devant nous sont immenses. A commencer par l��tat du monde dans lequel nous �voluons. L�Etat du monde En effet, un monde nouveau est en train d��merger. Notre capacit� en tant que nation � le comprendre et � se donner les moyens pour y survivre est de ce fait capitale. L�ampleur des changements qui surviendront dans le proche avenir aura des cons�quences � peine croyables sur la vie des hommes et des nations. Les multiples conflits chroniques et d�vastateurs qui vont en r�sulter et qui s��taleront sur quelques d�cennies ne seront pas la moindre des menaces. Pour l�observateur attentif, les signes pr�curseurs de bouleversements fondamentaux apparaissent, multiples, r�p�titifs, touchant � de nombreux domaines et le tout avec insistance. Des changements capitaux vont, � n�en pas douter, survenir et induire un remodelage des rapports internationaux et instituer une autre configuration g�opolitique. L��volution en cours affecte les racines du monde contemporain et imprimera un nouveau destin � l�Histoire des hommes : c�est d�une mutation paradigmatique dont il s�agit ! Il faut bien comprendre que la crise dans laquelle se d�bat l��conomie-monde va au-del� d�une d�faillance financi�re, de dettes souveraines insolvables, de ch�mage end�mique ou d�une d�sindustrialisation. Tout cela n�est en fait que l�expression ultime d�un reflux civilisationnel des pays occidentaux. Les guerres et les tensions en divers points de la plan�te s�av�rent n��tre qu�une tentative pour rem�dier au d�clin implacable d�un syst�me mat�rialiste � bout de souffle. Nous entrons dans une �re o� progressivement les ressources vitales pour une croissance infinie s�amenuisent et que l�humanit� prend, bien que trop lentement, conscience de l�inanit� du mod�le de d�veloppement en cours. Il faut bien saisir que toute la civilisation actuelle est fond�e sur l�exploitation de la nature et qu�elle ne peut en aucun cas lui survivre, lorsque celle-ci sera �puis�e. La civilisation occidentale a construit un mod�le de vie qui non seulement est d�finitivement hors de port�e de 90% de l�humanit� mais qui bient�t deviendra impossible m�me pour les nations les plus riches. L�ironie du sort aura voulu que le mat�rialisme en tant que mode de vie, philosophie et id�ologie de puissance, s�an�antisse, non pas sous les coups port�s par un quelconque adversaire mais par �puisement� de mati�re. Le drame est que lorsque la puissance politique ne permettra plus d�assurer ce mode de fonctionnement, la puissance militaire prendra le relais, sans sourciller, pour le perp�tuer le plus longtemps possible, c�est-�-dire malgr� tout, tr�s peu de temps encore. Mais qu�en sera-t-il pour l�Alg�rie ? Notre nation n�est pas en reste de cette r�alit�. Les difficult�s qui nous attendent pourraient nous submerger si la lucidit� et l�intelligence ne se mettent pas en �uvre au c�ur de l�Etat. Mais si les vertus et les comp�tences sont n�cessaires pour notre salut, elles risquent d��tre, malgr� tout insuffisantes. C�est que l�Alg�rie sera confront�e � de multiples d�fis. Elle est toujours en butte � des probl�mes de s�curit� interne qu�elle n�a pas encore enti�rement r�solus d�autant plus qu�une d�stabilisation aux fronti�res du Sud semble se profiler. Nos terres, tant pour la profondeur g�ostrat�gique que pour l�agriculture, l�eau et surtout les richesses fossiles, attisent les convoitises. Au plan �conomique, l�Alg�rie est toujours � la recherche de sa voie. Malheureusement, � part des d�cisions d�sordonn�es et intempestives, les gouvernements successifs semblent incapables de mettre en place une strat�gie �conomique apte � ordonner la maison. Ni imagination ni cr�ativit� ne sont � l��uvre. Le pr�visible d�clin de la production des hydrocarbures, la faiblesse structurelle de la production agricole, le marasme industriel et les d�ficiences dans les services, restent tous, pour le moment, sans solution. Nous sommes encore et depuis trop longtemps d�ailleurs, pieds et poings li�s � la rente des hydrocarbures. Et ici, la rente � ce niveau signifie tout simplement une corde autour de notre cou dont le bout est entre les mains actives des puissances �trang�res. A cela, il faut rajouter les contraintes d�mographiques, sociales et culturelles qui sont autant de facteurs qui accablent les vell�it�s de d�veloppement. Faut-il encore faire allusion � la gangr�ne de la corruption ? Elle est en train de dissoudre la nation ! Comment dans ces conditions, l�Alg�rie affrontera-t-elle ces d�fis mondiaux ? Quelle est notre s�curit� strat�gique concernant nos r�serves de p�trole et de gaz ainsi que leurs revenus ? Quelles sont nos garanties d�int�grit� territoriale alors que les grands de ce monde lorgnent d�une fa�on ou d�une autre sur ces richesses pr�cieuses et pour ainsi dire vitales autant pour nous que pour elles ? Face � ces bouleversements mondiaux, comment le pays se comportera-t-il ? Aura-t-il les moyens de s�inscrire dans une nouvelle vision mondiale qui lui assurera sa s�curit� et sa stabilit� ? Pourra-t-il rem�dier � ses propres carences internes en vue de se d�ployer face � l�ext�rieur ? C�est l� que la volont� de la Nation doit intervenir. Comme en 1954, le peuple devra �tre interpell�, mis au courant de ses affaires, pr�par� � affronter les dures r�alit�s. Cela suppose une volont� collective puissante, ma�tresse d�elle-m�me, d�passant ses conditionnements, ses peurs et ses contradictions. Mais d�o� le peuple pourra t-il tirer cette �nergie endog�ne, cette force en soi, qui pourrait l�aider � transcender ses int�r�ts individuels fugaces au profit de l�int�r�t collectif durable ? Un r�gime politique en harmonie avec le peuple Quels que soient le syst�me politique et la doctrine que se donne un pays, il y a une base commune pour tous : l�homme est d�abord et avant tout l�expression d�un ensemble d��l�ments de motivation, inscrit dans l�ordre biologique, dans la m�moire g�n�tique de l�esp�ce. Pour avancer dans la vie, il a besoin des pulsions internes qui agissent en lui comme une source d��nergie pour lui insuffler la volont� n�cessaire � sa lutte dans la vie. Ces pulsions sont donc constitutives de l��tre biologique et sans elles, celui-ci sombrerait dans la d�pression, l�inaction et� la mort. Cependant, lorsque ces �nergies internes se trouvent bloqu�es, par des id�ologies totalitaires, elles d�g�n�rent en expressions comportementales n�gatives. La cr�ativit� artistique, musicale, litt�raire ; l�attrait pour l�accomplissement des �uvres d�art, l�esprit d�entreprise, le d�sir des exploits sportifs, la passion des d�couvertes scientifiques, en un mot toutes ces qualit�s qui font le soubassement des progr�s multiformes de l�humanit� ont une relation directe avec la puissance des motivations de l�individu et leur canalisation selon des modes �labor�s. Le �bien� ne r�sulte pas de l�annulation des pulsions fondamentales de l�humain mais de leur d�licat et fragile �quilibre, et de leur sublimation en actes cr�ateurs gr�ce � la raison, l�intelligence et l�intuition. C�est donc de l�harmonie de ces pulsions, de leur �quilibre final que d�pend la s�r�nit� des rapports humains et non pas de leur n�gation ou leur illusoire neutralisation. Les grandes civilisations ont domestiqu� les instincts. Elles les ont ordonn�s, canalis�s, sublim�s gr�ce � un ordre religieux, moral ou �thique pour en faire une �nergie positive et cr�atrice au profit de l�ensemble de la soci�t�, voire de l�humanit�. Chaque �tre est le r�sultat d�une synth�se entre des composantes inn�es de sa personnalit� et une vision du monde, une culture, qu�il a acquise. La libert� de conscience est donc inali�nable. Aucun syst�me d�organisation politique, aucune doctrine, aucune id�ologie ne peut convenir � tous les �tres � la fois et avec le m�me degr� de satisfaction pour tous. La diversit� de l��me humaine est trop riche pour �tre contenue dans un seul moule. Non seulement la soci�t� est diverse mais l�individu lui-m�me est le plus souvent travers� par des sentiments, des convictions, des d�sirs, tous changeants, parfois contradictoires, au gr� du temps, de l�humeur ou plus prosa�quement de l�int�r�t. �Dis : chacun se comporte selon sa nature�� (Sourate 17, V84). Voil� pourquoi les doctrines totalitaires, qu�elles soient religieuses ou dites scientifiques, par essence r�ductrices, ne peuvent convenir � la nature humaine. Aucune volont�, aucun g�nie politique ne peut convaincre tout un peuple � croire en une m�me logique, � avoir le m�me objectif, � choisir le m�me chemin. �Si ton Seigneur l�avait voulu, l�humanit� aurait �t� une seule nation. Or, les hommes ne cessent de se diff�rencier� et c�est � cette fin que Dieu les a cr��s�� (Sourate 11, V118-119). Les hommes �uniques� comme les partis uniques, imposent � leur pays une rigidit� qui ne permet aucune adaptation, ligotant l�intelligence et coupant la s�ve nourrici�re de l�initiative cr�atrice. L�Alg�rie est, esp�rons-le, d�finitivement sortie de l��re de la pens�e unique. Elle n�est cependant pas encore entr�e dans l��re de la d�mocratie. C�est pourtant par l� qu�il faudra passer. La d�mocratie est le seul mode de fonctionnement qui ne soit pas en r�alit� un syst�me. La d�mocratie permet l�expression de la variabilit� et fait place aux id�es contradictoires. Les diff�rentes id�es s��quilibrent entre elles. La soci�t� d�mocratique s�adapte continuellement au vu des nouveaux besoins, des nouvelles techniques, des nouveaux modes de vie. Une tendance politique, un courant d�id�es, un discours politique peuvent �tre un jour majoritaires mais ils resteront composites et jamais h�g�moniques ni d�finitifs. Mais quelle id�ologie donc pour Jil Jadid ? Dans le monde du r�el, la faim ne s�apaise pas avec les mots, la mis�re sociale et morale reste une souffrance humaine incommensurable, que le r�gime politique soit de droite ou de gauche. Lorsque les id�ologies deviennent plus puissantes que les peuples, alors il faut s�interroger tr�s s�rieusement sur leur origine. Alors que la d�mocratie chez les puissants d�partage les candidats � l�acc�s au pouvoir sur la base de programmes objectifs, les peuples colonisables s�entretuent au nom d�idoles et de croyances id�ologiques. Pendant que les musulmans se d�chirent en sunnites et chiites, en salafistes wahhabites et en �ikhwane�, en jihadistes et en la�cs, en gauchistes et en lib�raux, pendant ce temps, leurs immenses richesses sont aspir�es par les puissants du monde. Les id�ologies ont �t� offertes aux peuples comme des os � ronger. Plus les peuples s�occupent d�id�ologies et moins ils r�fl�chissent � leurs probl�mes objectifs et plus leur immunit� interne s�affaiblit. N�est-ce pas l� l�origine de la colonisabilit� ? A chacun donc d�en tirer les cons�quences. Mais heureusement, l�Alg�rien d�aujourd�hui commence � prendre conscience des v�ritables enjeux. Les Alg�riens m�rissent dans leur relation � leur patrie. Une conscience nouvelle se fraie un chemin. Ils d�couvrent au d�tour d�un drame ou � l�occasion d�un match de football, comme par enchantement, qu�ils sont plus Alg�riens qu�ils ne le pensaient. Leur sentiment identitaire s�est recentr� sur le Maghreb avec une incontestable dimension amazigh. La femme alg�rienne a pour sa part gagn� sa place dans l�espace public et sa pr�sence est devenue naturelle. L�islam devient un �l�ment identitaire et spirituel agissant dans le sens de la solidarit� et de la coh�sion sociale et de moins en moins comme argument de division et d�exclusion id�ologique et politique. Les nouvelles g�n�rations vivent sans complexes et sans n�vroses leur identit�, leur religion, leur relation � l�autre. Si les rapports homme/femme dans le couple n�ont pas encore trouv� leur point d��quilibre, l�espace public et �conomique quant � lui s�ouvre d�sormais sans psychodrames � la gent f�minine. Dans ses dimensions anthropologiques, le peuple alg�rien s�apaise, raffermit ses rep�res et prend confiance en lui-m�me. Maintenant, c�est aux �lites de se mettre au diapason du peuple. Il est imp�ratif d�avoir une nouvelle classe politique, un nouveau r�gime politique. Il est vital d�engager une action adapt�e au monde post-moderne qui se profile. Les hommes politiques ou ceux qui aspirent � l��tre devront renouveler avec le peuple un contrat moral fond� sur la l�gitimit� et la confiance. Mais par o� commencer pour construire cet avenir ? Dans une perspective historique, l�id�e nationaliste aura �t� l�impulsion n�cessaire pour donner vie � la nation. Sans croyances collectives, il n�y a pas de nation, sans nation il n�y a pas d�Etat ; du moins au sens moderne du terme. Or, l�Etat alg�rien contemporain s�est �rig� de fa�on consubstantielle avec l�id�e nationaliste. Croyance id�elle qui est vou�e � l�apaisement et au reflux, le pays subissant avec la mondialisation, l��rosion lente mais s�re de ses vanit�s particularistes. A d�faut d�une nouvelle croyance collective forte et consensuelle qui relayera un nationalisme vieillissant, la nation s�affaiblira et entra�nera l�Etat dans son sillage. Auquel cas, nous assisterons � la r�surgence des identit�s et des atavismes ancestraux un moment estomp�s par l�id�e et le combat nationalistes. C�est que l�Etat est de plus en plus per�u par la communaut� nationale, comme un instrument artificiel, ext�rieur � elle, car �plaqu� sur la r�alit� au lieu d�en �tre l��manation. Ne refl�tant pas fid�lement la �conscience collective�, l�Etat reste peu l�gitime. Il polarise par contre les enjeux de pouvoir et exacerbe les tensions car il est, malgr� tout, le lieu o� l�autorit� politique et �conomique s�exerce, le centre de distribution d�une rente sans contr�le social. Pour l�avenir, toutes les hypoth�ses d��volution sont ouvertes, y compris, qu�� Dieu ne plaise, celle du d�litement de la coh�sion nationale avec un r�veil des multiples fractures, tribales, ethniques et r�gionalistes qui traversent le corps de la soci�t�. Bien qu�occult�es par le discours officiel, elles sont visibles ici ou l�, d�s que les conditions politiques locales s�y pr�tent, d�s que les tensions s�exacerbent. L�Etat a, pour l�instant, compens� sa fragilit� et ses perversions par une prodigalit� dans la redistribution de la rente et par la r�pression des libert�s. Qu�en sera-t-il dans deux d�cennies, lorsque les r�serves de p�trole seront pour l�essentiel �puis�es, que l�id�e nationaliste aura �t� liqu�fi�e ? Il est � craindre que, si entre-temps l�Etat de droit et la d�mocratie n�auront pas �t� mis en �uvre comme ambition nationale, seul le recours � la force brutale et multiforme pourra maintenir en place les structures et les institutions du pays. Pour combien de temps le d�sordre in�luctable sera-t-il alors contenu ? Les r�volutions arabes sont l� pour montrer l�inanit� de la force pour maintenir des r�gimes autocratiques. A l�ombre d�une libert� politique en voie d��tre gagn�e et en attendant une v�ritable d�mocratie, nous devons nous atteler tr�s s�rieusement � construire l�Etat de droit, pierre angulaire de l��uvre � r�aliser. Il faut �galement s�atteler � construire la d�mocratie et le multipartisme dans notre syst�me de vie. �Si Dieu ne repoussait pas les hommes les uns par les autres, la terre en serait g�t�e� (Sourate 2 V 251). Quels que soient leurs d�fauts, les hommes politiques et les partis politiques restent n�cessaires pour la vitalit� et l��volution de la soci�t�. R�tablir l�image de la politique en g�n�ral en tant qu�instrument au service de la nation, cr�er le sentiment du devoir envers l�int�r�t public, organiser le d�bat d�id�es, �tablir et respecter les r�gles du jeu de la concurrence loyale et transparente, enfin �tablir de v�ritables institutions avec les contre-pouvoirs n�cessaires ; voil� quelques motifs qui devraient convaincre de nombreux citoyens du bien-fond� de l�action politique. Jil Jadid Aujourd�hui, les militants de Jil Jadid doivent appr�cier � sa juste valeur l�importance d�une construction humaine la plus qualitative qui soit. Nous devons ensemble proposer � notre pays une nouvelle voie. Pour cela, en plus d�une vision et d�un programme politique de qualit�, nous devons construire une organisation politique apte � assumer ses responsabilit�s. Une v�ritable pratique d�mocratique � l�int�rieur des structures du parti, ancrera le r�flexe du recours � la r�gle pour trancher les diff�rends, canalisera les ambitions, permettra l��mergence des meilleurs au sens politique du terme, c�est-�-dire dans le contexte de la pratique politique. C�est � la construction d�un v�ritable projet de soci�t� qu�il faut s�atteler. Cela suppose des convictions solides, des objectifs ambitieux, des r�gles de fonctionnement efficaces. Cela suppose �galement, que chacun doive accepter de se remettre en cause, d��couter les autres, et de contribuer � forger un esprit d��quipe. Ici, la comp�tence, l�intelligence, le sens politique� n�existent pas en soi, dans l�absolu. Ils s�imposent en s�exer�ant � travers l�action collective, apr�s avoir �t� acquis, assimil�s et d�velopp�s par tout un chacun. Nul n�est comp�tent a priori et rares sont ceux qui peuvent l��tre durant toute leur vie. Bien pratiqu�es, ces r�gles offriront � chacun l�occasion d�exercer ses talents, mais si ces derniers s�av�rent insuffisants ou si � l��preuve du temps, ils s�amenuisent, alors des �nergies nouvelles les remplaceront. En tout �tat de cause, l�Alg�rie est m�re pour concevoir un tel mouvement politique qui soit populaire et porteur de nouvelles valeurs et de nouveaux espoirs et qui puisse �tre rassembleur au point de cristalliser une possibilit� r�elle d�alternative. Un grand courant d�mocratique devenant le creuset pour la formation d�une nouvelle g�n�ration politique, d�une nouvelle �lite, doit devenir notre priorit�. S. D. * Soufiane Djilali a �t� �lu pr�sident de Jil Jadid pour un mandat renouvelable une seule fois, lors du congr�s constitutif le 03.03.2012. � Alger. Ce texte a �t� adopt� lors de ce congr�s comme pr�ambule au programme du parti.