Par Mhand Kasmi La luxuriante bourgade de Toudja (B�ja�a) a v�cu ce samedi 24 mars un pur moment de f�licit� gr�ce � l�effet ressour�ant et revivificateur, que l��cume blanch�tre de ses imp�tueuses eaux souterraines rejoignant la surface de la terre a produit sur le millier de participants � �Tamaghra Ouamane�. Plac�e en cette ann�e du cinquanti�me anniversaire de l�Ind�pendance sous le signe �Aman dh�laman� (l�eau c�est la s�curit�, le bien-�tre), la 3e �dition de cette bucolique et champ�tre �Tamaghra�, aura tenu toutes ses promesses. Et bien au-del�� D�abord par la haute teneur symbolique que les organisateurs de cette d�sormais manifestation annuelle ont tenu � associer � l��dition de cette ann�e : la r�sistance plurielle de la femme � l�accaparement des richesses du sous-sol et de la terre. Une r�sistance toute symbolique et pacifique qui a �t� mise en �vidence � travers l�exhumation d�un po�me anonyme d�une femme de Toudja, qui s�insurgeait en son temps (1890) contre la mollesse du ca�d et de l�imam du lieu, devant la spoliation et le pillage par la colonisation triomphante, des eaux de la source de Toudja. En engageant d�s la fin du XIXe si�cle une pr�matur�e et bien d�risoire (pour l��poque) bataille de l�eau et en d�non�ant avec une v�h�mence toute particuli�re l�abdication des hommes charg�s de sa d�fense, notre po�tesse n�a fait que perp�tuer une tradition de r�sistance qui trouvera son point culminant bien plus tard, au cours de la guerre de Lib�ration nationale, � travers le r�le de pr�servation de l�esp�ce qu�y tint carr�ment la femme de Toudja. Un r�le que M. Bentabet Rabah, pr�sident de l�APC de Toudja, a tenu � rappeler fort judicieusement en citant les propos du grand �crivain fran�ais Jules Roy ins�r�s dans son roman La guerre d�Alg�rie qui �tait horrifi� par les r�sultats de l�examen de la pyramide des �ges de Toudja, lors de sa visite du village en 1960 sur l'aff�t d�un half-track : un rapport d�un homme pour 3 femmes ! Quand il apprit que le village avait pay� le tribut de pr�s de mille martyrs deux ans avant l�ind�pendance sur une population qui ne d�passait pas les 4 000 habitants en 1954, notre ancien colonel pacificateur devenu en ses vieux jours �crivain, se tut. Toute honte bue ! La deuxi�me symbolique multiple de r�sistance mise au fronton de cette manifestation est celle qui se d�gage du choix du d�jeuner offert aux participants et invit�s : seksou ouderyis, le plat c�l�brant le rite de passage de l�hiver au printemps agraire. Ce plat est cuit avec, d�une part, les vapeurs d�une plante toxique (aderyis) qui a pour fonction symbolique d�exorciser la terre (repr�sent�e symboliquement par le couscous) de ses mauvais g�nies et forces du mal et, d�autre part, celles d�une d�coction de plantes aromatiques (symbole de la biodiversit� bienfaisante) et d��ufs (symbole de la f�condit�), dont les effluves constituent un message pour une prosp�rit� durable appel�e de tous leurs v�ux par les paysans, nos anc�tres. Le message gorg� d�espoir que les habitants de Toudja ont tenu � adresser � cette occasion aux Alg�riens, pour le salut de la terre d�Alg�rie, est clair comme l�eau de roche� contenue dans ses entrailles ! La deuxi�me grande promesse que Tamaghra Ouamane de cette ann�e a tenue, a pu �tre constat�e � travers le nombre, la qualit� et surtout le niveau de repr�sentation des participants � la f�te : des centaines d�hommes, de femmes et d�enfants qui ont tr�s t�t pris d�assaut l�exigu� place centrale du village, situ�e dans les abords imm�diats de la source historique �El-A�n-Seur�, coinc�e entre la mosqu�e, l�imposante villa de l�ex-ca�d et l�environnement envahissant des �choppes qui �tranglent la source en l�emp�chent d�exhiber la pl�nitude de ses naturels atours et atouts. Ensuite, tout un chacun a pu relever la qualit� de cette participation : on pouvait p�le-m�le reconna�tre dans l�anonymat de la foule aussi bien un Karim Youn�s, l�ancien et bien modeste pr�sident de l�Assembl�e populaire nationale, la repr�sentante du ministre de l�Am�nagement du territoire et de l�environnement, que Bernard Cesari, l�ancien r�dacteur en chef et �ditorialiste de la revue minist�rielle fran�aise Am�nagement et Nature, le directeur g�n�ral du port de B�ja�a, sans oublier bien s�r le wali de B�ja�a et m�me� certaines t�tes de liste pour les prochaines �lections l�gislatives, toutes heureuses de se faufiler dans un rassemblement aussi �porteur� politiquement. Mais le moment le plus fort de cette manifestation, qui est maintenant devenue une tradition que les habitants de Toudja attendent impatiemment qui avec un plat traditionnel, qui avec une id�e de projet, aura �t� incontestablement la c�r�monie officielle d�inauguration de la �f�te de l�eau�, qui s�est transform�e par la magie des lieux en une s�ance de travail non programm�e et impromptue entre trois institutions, devant plus d�un millier de citoyens et d�invit�s qui n�en revenaient pas : le pr�sident d�APC de Toudja, le wali de B�ja�a et Madame Toualbi et la repr�sentante de Monsieur Ch�rif Rahmani, ministre de l�Am�nagement du territoire et de l�environnement. Profitant de la pr�sence du wali, le maire de Toudja a demand� � br�le-pourpoint l�inscription et le financement d�une op�ration de requalification urbaine, destin�e � traiter, rehausser et mettre � niveau sur le plan urbanistique, esth�tique et architectural l�ensemble constitu� par l�environnement de la source, de la cascade situ�e une centaine de m�tres en contrebas et enfin du mus�e situ� en face. La r�ponse du wali fut prompte et positive. �Cette id�e de projet est une bonne chose. Elle constituera du reste un pr�texte pour la re-classification du village de Toudja en zone urbaine.� Profitant de l��lan de leur complicit� �vidente, le P/APC de Toudja et le wali de B�ja�a charg�rent de ce pas Madame Toualbi de transmettre au ministre Cherif Rahmani leurs pr�occupations communes en mati�re de d�t�rioration constante de l�environnement, caract�ris�e par la prolif�ration de d�charges sauvages sur le vaste territoire de la commune, notamment sa fa�ade maritime. R�sumant cette s�ance de travail � l�air libre, l�un des organisateurs de �Tamaghra Ouamane�, apparemment ravi de la tournure prise par une inauguration de festivit�s aussi inhabituelle, arracha le micro des officiels, pour les f�liciter en ces termes : �Vous venez de faire la r�union la plus efficace et la plus courte jamais r�alis�e en Alg�rie. De plus, elle a d�bouch� sur un r�sultat concret : l�inscription d�une op�ration de requalification urbaine majeure aux effets d�entra�nement insoup�onn�s. Bravo !� Apr�s cela, le wali de B�ja�a, habitu� depuis sa nomination � ce poste � des sorties publiques plut�t tumultueuses, pouvait sereinement citer Antoine de Saint Exup�ry et inviter les participants � la partie conviviale, champ�tre et bon enfant du programme. Apr�s avoir visit� le Mus�e de l�eau, les visiteurs dont la majorit� �tait compos�e de familles, effectu�rent une randonn�e p�destre dans les luxuriants jardins de Toudja, en suivant le chemin des moulins avant de partager le couscous de la convivialit�, servi dans la verdoyante prairie de Bialahoum. Avant cela, les participants � la f�te ont pu �galement d�couvrir le charme d�suet d�une vieille maison traditionnelle, que ses propri�taires comptent am�nager en un futur �co-g�te. L�exposition qu�a organis�e une association de Djebla, qui a acquis une exp�rience dans la r�habilitation des vieilles demeures kabyles, a permis de sensibiliser les visiteurs sur les merveilles architecturales que peut constituer un habitat traditionnel r�nov� et ouvrir l�app�tit � de nouveaux projets. A la bonne heure ! Dans l�apr�s-midi de cette journ�e festive, l�ancien r�dacteur en chef et �ditorialiste de la revue minist�rielle fran�aise �cologique Am�nagement et Nature, le Fran�ais Bernard Cesari, a anim� une conf�rence sur le th�me �la question de l�eau en M�diterrann�e �. Cette communication a �t� suivie par la projection du film documentaire intitul� Les chercheurs d�eaux-r�alis� par Ahmed Brahimi et par la pr�sentation du livre �dit� par l�association nationale AREA-ED sous le titre Le patrimoine de l�eau en Alg�rie, m�moire et parmanence. On ne peut pas dire que la journ�e mondiale de l�eau version 2012 n�a pas �t� c�l�br�e avec faste et une symbolique plurielle sur les contreforts du mont Aghbalou qui veille jalousement sur les 20 millions de m�tres cubes de la nappe d�eau de Toudja, l�une des plus importantes d�Alg�rie. Avec les pluies bienfaitrices de cette ann�e et surtout les neiges qui ont isol� ses nombreux villages pendant plusieurs jours, de nouvelles sources annonciatrices de cerisaies printani�res mieux arros�es ont fait exploser la superficielle cro�te de l��corce terrestre, qui les emp�chait jusque-l� d��largir leur cercle de vie et d�aller � la rencontre de leur naturel destin : le bonheur de l�homme. La po�tesse anonyme de Toudja, dont le texte est d�sormais expos� au Mus�e de l�eau comme un texte pr�monitoire, quasi-proph�tique, peut s�enorgueillir d�avoir pris en cette ann�e de c�l�bration d�un demi-si�cle d�ind�pendance, une double revanche sur le sort : son appel insistant � d�truire le chantier de captage en 1890 de la source de Toudja pour alimenter les premiers habitants europ�ens de Bougie sera r�alis�. Les locaux �rig�s � la fin du XIXe si�cle par les services techniques de la commune de Bougie au-dessus de la source � cette fin seront transform�s en verri�re magique laissant voir � sati�t� l��cume blanch�tre de la lib�ration des eaux souterraines � cet endroit. Le deuxi�me �difice hideux qui sera emport� par la mal�diction lanc�e il y a plus d�un si�cle par notre po�tesse est la laide et ill�gale construction par �additions successives � de b�ton et de parpaings �rig�e apr�s l�ind�pendance sur les d�combres d�une aire d�abattage faisant office d�abattoir du village. Cette monstruosit� architecturale emp�che aujourd�hui les nombreux visiteurs du Mus�e de l�eau de Toudja, de savourer � sa juste valeur et r�elle splendeur, le spectacle magique que peut offrir la vue � partir du mus�e de la magnifique cascade de l�Aharrach. Si le projet de requalification urbaine promis par le wali se r�alise, cette �sraya�, comme la qualifiait justement notre po�tesse d�s 1890, sera ras�e et nous faisons � cette derni�re le serment posthume solennel et public de graver dans le roc de la sortie de la source son po�me que nous n�avons diffus� cette ann�e, faute de moyens, que sous forme d�affiche... malheureusement !