Par Nadia Salemi La campagne �lectorale pour les l�gislatives, arrivant � terme dans quelques jours, ne conna�t pas dans sa derni�re phase un engouement du public. Une vir�e sur le terrain nous renseigne sur la menace de l�abstention qui guette les �lections l�gislatives pr�vues pour le 10 mai avec ce qu�elle charrie comme appr�hension sur une fraude programm�e. Quarante-quatre partis politiques et un grand nombre de candidats ind�pendants en lice pour les l�gislatives croisent le fer pour remporter les 462 si�ges de la future Assembl�e. Une t�che ardue, quand on voit le manque d�int�r�t des populations blas�es par les promesses et autres discours creux qui ponctuent les campagnes �lectorales et qui ne sont jamais suivis d�effet. Les panneaux d�affichage sont soit d�sesp�r�ment vides ou pleins � craquer selon le quartier o� on se trouve. Les badauds ne manquent pas. Ils regardent les affiches, lancent des remarques assassines et repartent en hochant la t�te avec d�go�t. Les jeunes, quant � eux, laissent libre cours � leur imagination et tournent volontiers en d�rision les candidats. Ils n�h�sitent pas � griffonner les affiches et � caricaturer certaines t�tes de listes en leur ajoutant un grand nez de Pinocchio, des cornes de d�mons, une barbichette et des moustaches ou �crivent carr�ment des tags �el harba tsalek�, �el harga� et ainsi de suite, tout ce qui peut exprimer leurs pens�es profondes en quelques mots. Les plus cr�atifs ont dessin� des graffitis en d�tournant les slogans des partis de fa�on ing�nieuse. Certains plaisantins n�ont pas trouv� mieux que de coller l�affiche du gala de l�humoriste Abdelkader Secteur � c�t� de celles des candidats aux l�gislatives. Une situation ubuesque qui ajoute plus de gouaillerie � la �foire�. Nombre excessif de candidats Le fait d�avoir augment� le nombre de si�ges en le portant � 462 pourvoir a aiguis� les app�tits et encourag� la mentalit� renti�re, car on ne voit plus que les avantages financiers et autres privil�ges li�s au statut du parlementaire. Cependant, bien que les gens, g�n�ralement ne voient dans la course �lectorale qu�un moyen d�enrichissent et d�opportunisme politique, d�o� l�incr�dulit� et le scepticisme ambiants, tout le monde ne semble pas d�tach� de la politique. Si les jeunes marquent leur indiff�rence d�une mani�re cocasse, les plus �g�s sont plus attentifs, conscients de la gravit� du moment. Ils prennent leur temps quand ils s�arr�tent devant les panneaux d�affichage pour tenter de voir un visage familier souvent en vain. C�est le cas de A. Ouakli, ing�nieur de profession. Debout face � un panneau d�affichage implant� derri�re l�arr�t de bus de Meissonnier � Alger-Centre, il est dubitatif. Abord�, il nous dit d�embl�e : �On est perdu devant toutes ces listes, on ne conna�t pas les candidats, � part quelques personnalit�s comme Louisa Hanoune, Djaballah, Bouchachi, Amar Ghoul ou Amara Benyoun�s et d�autres personnes qu�on voit � la t�l� ou sur les journaux, les autres, on ne sait pas d�o� ils sortent.� Un vieux monsieur se joint � la discussion et rench�rit : �J�ai 64 ans, j�ai pass� toute ma vie � Alger et toutes ces t�tes, je n�arrive pas � en reconna�tre une. Ce sont des inconnus, pour qui, on nous demande de voter, c�est ridicule.� D�autres personnes vont mettre leur grain de sel. �Regardez, dit l�un d�eux, certains partis ont pr�f�r� coller les portraits de leurs chefs pour les mettre en valeur et ils ont d�lib�r�ment �cart� les autres candidats.� A. Ouakli ajoute en faisant la moue : �On voit le bricolage et le manque de pr�paration et puis la communication, c�est z�ro tant du point de vue du contenu que le contenant. D�abord, les sigles, on ne les distingue pas, les conceptions sont mal faites et les slogans sont redondants. On retrouve sur presque toutes les affiches des messages du genre �quit�, justice, jeunesse. �a pr�te � confusion. Et puis on remarque qu�il y a beaucoup de femmes en hidjab, et on se demande o� sont planqu�s les barbus alors qu�on sait qu�il y a des partis islamistes en comp�tition. On n�arrive pas � les diff�rencier des autres. Je trouve qu�il y a trop de partis, et quand je vois tout ces candidats, je reste incr�dule quant � leur capacit�s.� Entorses au code �lectoral Cette r�alit� nous renvoie � nous interroger sur les atteintes faites au nouveau code �lectoral. Il s�av�re que beaucoup de candidats et chefs de parti n�en font qu�� leur t�te en bafouant les r�gles les plus �l�mentaires. L�article 71 relatif aux dispositions communes aux �lus, de la loi organique du 12 janvier 2012 portant r�gime �lectoral est sans �quivoque. Il stipule que �la d�claration de candidature r�sulte du d�p�t, au niveau de la wilaya, d�une liste r�pondant aux conditions l�gales. Cette d�claration, faite collectivement, est pr�sent�e par un des candidats figurant sur la liste. Cette d�claration, sign�e par chaque candidat, comporte express�ment : les nom, pr�nom(s), surnom �ventuel, sexe, date et lieu de naissance, profession, adresse personnelle et le niveau d�instruction de chaque candidat et suppl�ant et l�ordre de pr�sentation de chacun d�eux sur la liste, le nom du ou des partis pour les listes pr�sent�es sous l��gide d�un parti politique, le titre de la liste, concernant les candidats ind�pendants, la circonscription �lectorale � laquelle elle s�applique, la liste comporte en annexe le programme qui sera d�velopp� durant la campagne �lectorale�. Ces informations sur les candidats doivent �tre port�es sur les affiches mais elles ne sont pas respect�es dans leur int�gralit�. Quant au programme, on n�a pas vu grand monde le d�cliner durant la campagne qui tire � sa fin. Parmi les constatations qu�on peut faire, on citera les dimensions des affiches qui sont irr�guli�res et non uniformis�es, les renseignements sur les candidats sont incomplets. Beaucoup d�affiches manquent d�information ayant trait � l��ge et au niveau d�instruction. Certains candidats sont inscrits en tant que pr�sidents d�APC ou encore pr�sidents d�association, on se demande depuis quand les associations sont devenus des entreprises et l�activit� associative une profession. D�autres entorses gravissimes rel�vent de l��thique et de la d�ontologie constat�es par la commission de Mohamed Seddiki comme l�utilisation de l�image du pr�sident de la R�publique durant les meetings ou carr�ment la r�appropriation de son programme pr�sidentiel sans oublier l�usage des attributs et des biens de l�Etat et la propagande �lectorale sur les cha�nes de t�l�visons priv�es. Retour � la case d�part La profusion de partis ressemble �trangement � la p�riode post 5 octobre 1988 de par la flop�e de formations politiques qui ont anim� la sc�ne nationale de l��poque avec l�av�nement de l�ouverture et du pluralisme. On ne peut �voquer les r�formes pr�sentes sans faire l�analogie avec cette p�riode cruciale qu�a connue l�Alg�rie. Beaucoup de partis de l��poque ont �t� le fruit de dissidences et de d�missions op�r�es sur le vieux parti. Ils ont fini par s�auto dissoudre, comme ce sera le cas pour certains nouveaux partis, r�sultant de scission, de divisions et de subdivisions. Ils seront appel�s � dispara�tre s�ils n�ont le souffle long. A ce propos, il est notoirement connu que Abassi Madani, le pr�sident du parti dissous, n��tait plus ni moins qu�un transfuge du FLN. Mais � l��poque, les gens faisaient confiance � la politique et croyaient au changement avant de d�chanter quand le terrorisme s�est install� pendant une d�cennie suite � l�arr�t du processus �lectoral. La fraude qui hante les partis a toujours exist� au plus fort moment des r�formes et de la volont� de changement. Les leaders de l�ex-FIS qui jouissent de confort et de tribunes � l��tranger se font passer pour des victimes alors qu�ils ont ostensiblement recouru � la fraude. En t�moigne le rapport du FLN, publi� sur ses organes de presse, confisqu�s par l�Etat depuis, qui sont El Moudjahid et Echa�b. Ce rapport n�a jamais �t� pris en compte et a �t� sciemment mis dans les tiroirs. Ce qui rend la question de la l�gitimit� r�currente et elle se posera sans doute aux prochaines �lections. Cette parenth�se ferm�e, ce qui frappe l�esprit dans la campagne �lectorale actuelle est le personnel politique. Les profils ont chang�. Les avocats, les cadres, les commer�ants et les entrepreneurs sont en force. Selon le sociologue Nasser Djabi : �Les r�formes politiques actuelles ont �t� d�cid�es sous la pression de l�ext�rieur. C�est pour cela qu�on assiste au d�sordre politique dans lequel le citoyen ne se retrouve pas. Cette situation ressemble � la p�riode des ann�es 1990 o� on a ouvert la porte � tout-va. Le pouvoir a verrouill� le jeu pendant 15 ans pour attendre les derniers jours avant le d�marrage de la campagne �lectorale pour accorder les agr�ments. Mais on s�interroge pourquoi il y a exclusion de certaines personnalit�s politiques comme Sid Ahmed Ghozali et Ahmed Taleb Ibrahimi qui eux sont des acteurs politiques connus. Ce qui a donn� lieu � la mauvaise pr�paration des candidats, leur manque de formation et d�exp�rience de gestion politique, absence d�un vrai programme, de moyens humains et mat�riels.� Les citoyens sont m�fiants car il y a des t�tes qu�ils ont assez vues et qui ne sont pas cr�dibles � leurs yeux. Ils se disent : �Est-ce que ces candidats sont capables de nous repr�senter, de d�fendre nos droits ? Sont-ils capables de l�gif�rer, de s�opposer quand il y a lieu de l��tre pour notre int�r�t ?� Et d�ajouter : �Cette profusion de partis sans ancrage est voulue. Le ministre de l�Int�rieur a annonc� que son d�partement va accorder d�autres agr�ments � d�autres partis. C�est une parodie de la d�mocratie, car une vraie d�mocratie repose sur un pouvoir, un contre-pouvoir et une opposition forte, nous ne sommes pas dans ce sch�ma. Il y a une volont� de discr�diter les partis, et cela a commenc� il y a bien longtemps. On a nourri apr�s l�ind�pendance une culture visant � dire que le mouvement national a �chou�. On l�a fait avec Ferhat Abbas et tant d�autres.� Concernant les profils des candidats, Nasser Djabi estime que �la crise que vivent les couches moyennes salari�es qui �taient proches des �lections a fait que ces couches ont terriblement r�gress�. Ces couches �taient majoritairement constitu�es d�enseignants, mais leur statut social s�est effondr� au profit de nouvelles cat�gories sociales comme les avocats, les m�decins priv�s, les cadres de l�Etat, les commer�ants et les entrepreneurs. Ce sont les nouveaux riches qui peuvent mettre de l�argent dans une campagne�.