Par Mahdi Cherif, moudjahid, ancien secr�taire g�n�ral de l�EMG de l�ANP Dans mon �crit paru dans le Soir d�Alg�rie, le 21 f�vrier 2012, concernant l�ex�cution sommaire du colonel Mohamed Chabani, le 3 septembre 1964 � Oran, j�ai rappel� l�avis d�terminant de Mohamed Harbi, lorsque, pendant quelques heures, la vie du jeune colonel a balanc� au bout du bon plaisir d�Ahmed Ben Bella. Mohamed Harbi a mis quatre mois pour imaginer une r�ponse et trouver les mots pour la formuler ! Surprenante lenteur chez un homme prompt � faire dans les grandes amplitudes d�s qu�il s�agit de pontifier sur les m�diocrit�s des Alg�riens ! Sans doute a-t-il fallu tout ce temps au professeur reconverti dans l�exploitation juteuse des archives de la r�volution qui ont �t�, � un moment de sa vie, opportun�ment � la port�e de sa main pour retrouver la m�moire. Il est difficile, il est vrai, de se souvenir des actes de ses vies ant�rieures lorsque ce n�est pas la conviction qui trace la coh�rence et la lin�arit� d�un itin�raire. Ou bien a-t-il attendu la disparition d�Ahmed Ben Bella de peur, sans doute, qu�il ne lui dise : �Oui, tu �tais l� !� Dans un plaidoyer embarrass�, l�ancien Souslov alg�rien du FLN et conseiller du �Za�m�, reconna�t � je n�en demandais pas tant � qu�il a requis par trois fois contre le jeune colonel. Dans le texte confi� � El Watan,le 4 juin 2012, Mohamed Harbi, l�historien qui se souvient de l�histoire des autres, mais qui donne l�impression d�avoir oubli� la sienne, refait le proc�s de Mohamed Chabani. Il rappelle, la prenant ainsi � son compte, la principale � et fausse � accusation formul�e contre le chef de la Wilaya VI, et, tout en essayant de nier sa responsabilit� par de laborieuses pirouettes, il affirme que ce sont des cercles occultes int�ress�s � le perdre de r�putation qui ont inspir� mon exercice. Dans le pr�sent �crit, je cite mes sources. Elles sont irr�futables. L�inquisiteur impitoyable et sans �tat d��me, qui requ�rait la mort contre les opposants et qui l�obtint maintes fois, d�guis� aujourd�hui en fougueux d�fenseur des droits de l�homme, nous explique lui-m�me � nous allons le relire � quelle �tait sa conception des droits de l�homme et de la justice au temps o� il �tait puissant. �Tuez-les tous, Dieu reconna�tra les siens�* Relisons ce qu��crit Harbi : �Somm� de quitter le commandement de la r�gion saharienne, il (Chabani) refuse d�ob�ir et oblige l�administration � ne plus reconna�tre l�administration centrale. Il ouvrait malgr� lui un champ d�action � toutes les forces ext�rieures hostiles � l�Etat alg�rien, c�est la raison pour laquelle le journal que je dirigeais ( ! ) a appel� le gouvernement � r�agir��. Relevons d�abord le �la r�gion saharienne� au lieu de la Wilaya VI, qui ne couvrait qu�une partie du Sahara, avec ce que cela sugg�re comme dangers potentiels pour l�unit� nationale et les richesses �nerg�tiques, et soulignons au passage la pirouette qui fait endosser au journal ses propres d�cisions. Le r�volutionnaire flamboyant, rattrap� par l�histoire, tente de diluer sa responsabilit� et de se faire tout petit en se cachant derri�re le journal (les appariteurs, les secr�taires, les chauffeurs, les pigistes, les commis aux chiens �cras�s et les t�cherons obscurs de la pointe Bic). Glorieuse mise en page du r�le principal qui fut le sien � c�t� de Ben Bella. Passons, mais retenons au passage le terrible aveu : �Malgr� lui� !... Chabani s�est donc retrouv� devant le peloton d�ex�cution pour un crime qu�il n�a pas commis, mais dont Harbi, cinquante ans apr�s, l�accuse encore. Harbi �crit, �coutons-le bien : � R�volution africaine a publi� trois articles, deux �ditoriaux sous ma signature, le troisi�me intitul�, Les f�odalit�s bureaucratiques, exprimait le point de vue de la direction du FLN, y �tait relat� le fond de l�affaire Chabani. Celui-ci a �t� jug� sans garantie de justice par un tribunal militaire les 2 et 3 septembre, et la sentence ex�cut�e d�s le proc�s termin酻 Le �sans garantie de justice� donne froid dans le dos. Il a �t� codifi� dans le texte intitul� : �Les f�odalit�s bureaucratiques� publi� le 4 juillet 1964, dans R�volution africaine. Le morceau de bravoure explique et justifie la fa�on d�administrer la justice aux opposants. Il est de la main de Harbi sous le pseudonyme El Harrouchi (Harbi est n� � El Harrouch en 1933). Apr�s avoir longuement charg� Chabani et insist� sur la �n�cessit� de la peine capitale, Harbi conclut : �(�) Ou la r�volution se d�fend par la violence r�volutionnaire ou la r�volution h�site et d�missionne. ��Nous ne sommes pas dans un d�bat juridique��. Qui renonce � la violence renonce � la r�volution.� Pol Pot n�aurait pas d�savou� El Harrouchi. Apr�s avoir lu cela, on peut faire gr�ce � Harbi des autres appels au meurtre contre les pseudos opposants dont sont remplis les �ditoriaux sign�s par lui. Harbi, dans le pu�ril jeu de cachecache auquel il s�adonne pour ne pas reconna�tre son �crasante responsabilit� dans la mort de Chabani (le journal, puis une coll�giale et anonyme direction du FLN et enfin Omar Ouzegane), convoque le t�moignage de Tahar Zbiri �(�) J�ai interrog� et enregistr� le colonel Tahar Zbiri sur l�affaire Chabani. A aucun moment, il n�avait �voqu� mon nom (�)� Tahar Zbiri, Harbi devrait le savoir, a gard� la m�moire de ce qui se passait audessus de 1000 m d�altitude. Au ras des p�querettes, il y avait trop de monde et trop de mochet�s. Tahar Zbiri a bien raison de ne pas s�en souvenir. L�ex�cution de Chabani �tait voulue et demand�e par Harbi, non que ce dernier eut �t� un �tre assoiff� de sang, ou qu�il eut un compte personnel � r�gler avec le chef d�chu de la Wilaya VI, mais comme un jalon visible, une d�marcation nette entre les tenants de la r�volution socialiste, dont il s��tait autoproclam� le grand pr�tre, et les aspirants au grand burnous. Chabani, �le f�odal�, �tait jug� �s qualit�s, un peu comme les GIA condamnaient, �s qualit�s, le jeune appel� sans avoir jamais eu � p�tir de ses agissements. Schizophr�nie r�volutionnaire L�inquisiteur trotskyste, qui avait l�oreille du ra�s, avait fulmin� contre Chabani non parce que ce dernier s��tait rendu coupable de crime de r�bellion, mais pour des raisons id�ologiques. Mohamed Chabani �tait aux yeux du quarteron trotskyste, qui s�vissait dans la proximit� imm�diate de Ben Bella, le repr�sentant parfait des f�odalit�s qui mena�aient �la r�volution socialiste�. C��tait une vision dogmatique, froide, consciente, d�termin�e, mais fausse. Ben Bella, Harbi et leurs proches amis n�avaient rien compris � l�Alg�rie, pourtant simple, de l�imm�diat apr�s le 5 juillet 1962. Ce n��tait pas de pseudos f�odalit�s pr�sentes partout, dangereuses et dont �les l�gions� de Mohamed Chabani auraient �t� le bras arm� qui mena�aient l�Alg�rie, mais l�incomp�tence, le brouillamini doctrinaire, l��gocentrisme du dirigeant qui avait conquis le pouvoir par le coup d�Etat contre le GPRA et l�erreur de latitude des clercs gauchistes qui avaient investi la direction du FLN et qui inspiraient sa d�cision politique. Ce noyau dur et pr�pond�rant �tait essentiellement constitu� par Harbi, chantre de l��galitarisme par le bas, inquisiteur impitoyable � l�aff�t d�opposants � abattre, redoutable et sans �tat d��me quand il a atteint les hautes sph�res du pouvoir et eu en mains le levier d�un journal influent et par Lutfallah Suleiman, le marxiste �gyptien sorti tout droit des g��les cairotes par Nasser et envoy� en Alg�rie aupr�s de Ben Bella. Les militaires, qui ont condamn� � mort Mohamed Chabani, ont eu � g�rer, chacun, des r�bellions militaires pendant la guerre de Lib�ration, ils les ont r�solues sans recourir aux ex�cutions capitales. Sa�d Abid et sa participation efficace � la solution de la s�dition du djebel Cha�mbi, Abderrahmane Bensalem confront� au bunker �Hama Loulou� et qui sut le r�duire sans mort d�homme, comme il a su ramener � la raison Slimane Laceu de retour d�une mission d�acheminement d�armes, en proie � un acc�s de rage subite, et qui mena�ait de lancer son commando sur �la�rab et l�francis� de la Calle � Tamanrasset ! Sans compter une bonne demie-douzaine d�humeurs chagrines qui ont h�riss� les cr�tes des djebels frontaliers, de 1956 � 1960, d�ires, de dires et de d�lires. Bensalem et Abid savent que les coups de sang de tel ou tel chef de guerre se concluent toujours � l�avantage de l�autorit� centrale et sans effusion de sang, sauf celle de Ali Hambli � l�Est et celle de Zoubir � l�Ouest pour des raisons particuli�res. La r�bellion � laquelle s�est essay� Chabani n�a pas d�rog� � la r�gle g�n�rale. Juste une effervescence de quelques jours, � peine un baroud d�honneur. Harbi n�a pas si�g� dans le tribunal qui a condamn� Chabani mais par ses appels au ch�timent supr�me � longueur d��ditorial ; il a cr�� une atmosph�re empoisonn�e de r�volution en p�ril qui a rendu l�gitime le recours aux gibets. (Chabani n�a �t� que le premier des supplici�s de l��re Ben Bella. Il y en aura d�autres. La liste existe et les t�moins se souviennent). Harbi a �t� objectivement celui qui a facilit� la t�che aux deux v�ritables tueurs de Chabani � Ben Bella et Boumedi�ne � en leur fournissant le pr�texte imparable �de l�atteinte � l�int�grit� territoriale�. Il a donn� aux officiers qui ont vot� la mort, par soumission � l�ukase, la bonne conscience �du devoir accompli�. Harbi, en ce temps-l�, je le souligne encore, tenait bien droit la premi�re hampe de l�oriflamme id�ologique du r�gime en se faisant le meddahinspir� du pouvoir des masses, du hammam r�serv� aux nantis, de la justice r�volutionnaire appliqu�e aux opposants et des milices populaires. La deuxi�me hampe, l�ordonnance d�application sans laquelle la th�orie demeure lettre morte, �tait tenue, de la fa�on qu�on sait, par le commissaire Hamad�che. Les solutions m�canistes pr�nant une justice sociale bas�e sur l�exclusion et la violence, aveugles devant les v�ritables d�fis d�un pays tentant de se relever d�une longue guerre de lib�ration, qui d�cr�tent, par le haut, la stratification en classes et en int�r�ts de classes d�une soci�t� recroquevill�e sur des valeurs ancestrales, telles les coutumes et la religion et qui tentent d�imposer une dynamique brutale de changement sans le moindre relais dans cette m�me soci�t�, sont vou�es � l��chec. La greffe artificielle, bulbe �tranger sur le corps alg�rien de l��poque, ne pouvait qu��chouer. Ben Bella, tonitruant d�sert politique, a trouv� dans les th�ories semi-rigides pr�n�es par des gauchistes press�s mati�re � meubler son vide. A peine arrach� du terreau o� il s��tait introduit par l�effraction de l�entrisme, le greffon rouge�tre s�est rabougri et dess�ch�. Mais il a eu le temps de marquer son temps et les esprits. Je n�ai nullement l�intention de disserter sur les envol�es lyriques des id�ologues autistes du d�but de la d�cennie 1960 � autant en emporte le vent � et il est hors de question de faire dans l�outrance en tenant Harbi pour seul responsable des copi�s-coll�s qui ont inocul� un increvable virus � l�Alg�rie. Cinquante ans plus tard, les mim�tismes dont certains apprentis marxistes ont �t� les h�rauts, ont �rig�, ann�e apr�s ann�e, pierre apr�s pierre, le mur de nos lamentations. Il y a des g�chis dont un pays ne se rel�ve jamais. L�infortun� Mohamed Chabani et les autres opposants supplici�s ont �t� les premi�res victimes de l�amour inconsid�r� pour le pouvoir et des id�es fixes schizophr�niques. Docteur Jekyl et mister Hyde Et puis un jour, le 19 juin� Oui, entre-temps le 19 Juin � la fameuse journ�e des dupes � passa par l�, r�duisant � leur vraie dimension les pr�matur�s de la couveuse de l�oncle Pablo, � peine barbouill�s de barbe � papa et effar�s de se retrouver seuls, tragiquement, � l��troit dans l�espace de leurs incertitudes. Il y a des d�sillusions plus terribles que la plus �troite des g��les. Foin de r�volution. Sauve qui peut ! Ceux qui ont choisi, une fois un levier de pouvoir en main, les raccourcis de la violence dite �r�volutionnaire�, confirmant par l�extr�me leur vraie nature, connurent pendant quelque temps les culs de basse fosse ; j��tais de ceux que Abdelaziz Zerdani avait quotidiennement harcel�s afin que j�agisse aupr�s de Zbiri pour qu�il obtienne, sinon la cl�mence pour nos id�ologues bien marris, au moins l�adoucissement de leurs conditions de d�tention. Harbi, une fois que Kasdi Merbah lui eut encadr� la poterne de �l��vasion�, s�en va, penaud, sans pouvoir cette fois-ci prendre les archives, surtout celles o� figurent ses confessions chez la SM. Il changea de registre, abjura sa premi�re communion et entra en �clipse, faisant la preuve par �terre neuve� qu�il n��tait apparent� aux authentiques trotskystes que par l�h�matome rouge�tre du �kyste�. D�autres, en Alg�rie ou ailleurs, les r�alistes qui ont opt� pour �un programme minimum� et qui ont su revenir � la charge malgr� les incompr�hensions, les rejets, les calomnies, les r�pressions ou les exils, ont fini par gagner le droit � l�existence et � la parole, respect�s m�me par leurs plus f�roces contradicteurs. La coh�rence dans les id�es et le courage face aux �preuves sont toujours payants. L�ancien champion de la r�duction des probl�mes complexes de l�Alg�rie en facteurs s�ins�rant dans une �quation simple par la cat�gorisation et infaillible par la coercition, s�est reconverti, un ton plus bas quand m�me, dans l�enseignement de l�histoire � ceux qui ne la connaissent pas. Il leur apprit, avec des mots savants, que l�ALN �tait compos�e d�ignares et de rustres. La mode aidant, il embrassa la carri�re du droit de l�hommisme, celle des gesticulations guerri�res du droit d�ing�rence fond� sur les mots au sens perverti, usin�s dans les ateliers cyniques o� travaillent les artisans �m�rites des �printemps arabes� o�, de Damas � Tunis, en passant par le Caire et Tripoli, la mort danse la farandole. Au fond, � bien relire la prose �tal�e dans El Watan du 4 juin 2012, du sp�cialiste en histoires tristes de son pays, on d�couvre que sa seconde pr�occupation, apr�s celle qui tend � nier le r�le qui fut le sien dans l�affaire Chabani, est la r�affirmation de ses positions connues sur l�arm�e alg�rienne. Pour se m�nager encore une fois � motion Elkabbach � les rescousses utiles des grosses pointures de la d�mocratie appliqu�e aux autres selon le mod�le libyen, il avance qu�il est victime de calomnies destin�es � ternir son image par un Mahdi Ch�rif qui roule pour on ne sait qui. N�est-il pas, lui Harbi, l�homme qui d�nonce les atteintes aux droits de l�homme et les crimes de torture ? Il fait feu par les ingr�dients qui ont fait, il y a quelque temps, la fortune des concepteurs de l�inusable �qui tue qui ?�. Par une embard�e acrobatique, il sugg�re qu�il est victime d�un tir de ricochet provenant de cercles proches du g�n�ral Nezzar. On veut, � ce qu�il para�t, lui faire payer son noble combat contre la torture. �(�) Le recours au pass� n�est ni politiquement innocent ni fortuit. Il s�int�gre � la campagne en faveur du g�n�ral Nezzar organis�e par le Soir d�Alg�rie (�)�, affirme Harbi. Merci pour le Soir d�Alg�rie et merci pour les �minents membres de l�intelligentsia alg�rienne qui ont soutenu Nezzar, victime d�un guet-apens organis� de main de ma�tre en Suisse. Le pav� en page 2 du Soir d�Alg�rie, du 5 juin 2012, a la consistance d�un pav� de schiste dense, aiguis� et tranchant. Certaines outrances de langage ne m�ritent qu�un jet de pierre. L��crit de Mahdi Ch�rif, mon �crit, Harbi l�affirme haut et fort, est donc un tir provenant de l�entourage du g�n�ral Nezzar. On d�couvre, on s�en doutait un peu � et d�sormais les choses sont nettes � que Harbi est partie prenante dans les cabales foment�es d�une fa�on r�currente contre le principal artisan de l�arr�t du processus �lectoral qui a emp�ch� le FIS d�empocher l�Alg�rie. Je ne suis pas mandat� pour d�fendre Khaled Nezzar ; il s�est toujours bien d�fendu tout seul. Je viens d��crire tout seul. Je retire. Le 10 mai �coul�, beaucoup d�Alg�riens ont vot� Khaled Nezzar. Le r�sultat du scrutin a �t�, d�une certaine mani�re � je suis de ceux qui l�interpr�tent ainsi � l�approbation de l�acte nezzarien de janvier 1992. Je viens d�inventer un mot : �nezzarien�. Il figurera t�t ou tard dans le lexique. Il est d�j� chant� �en Caire�. Libre � Harbi de dire, et il le dira sans aucun doute : �Quelle belle solidarit� de caste !� Je ne suis pas un proche de Nezzar. Pendant les �v�nements du 14 d�cembre 1967, qui m�ont valu les gal�res, il �tait d�un c�t� et j��tais ailleurs. Mais plus tard, lorsque l�Alg�rie s�est trouv�e face aux p�rils, le sens de l�int�r�t national a gomm� les divergences et a rapproch� les fils de l�ALN autour de l�ANP � leur �uvre commune � mobilis�s, toutes g�n�rations confondues, pour l�Alg�rie. J�ai lu l�article de l�excellent Salah Guemriche paru dans le Quotidien d�Oran, le 14 juin 2012. Il avance, � propos de l�absurdit� de certains destins, que �tout acte de vigilance citoyenne et toute critique d�un syst�me pass� ma�tre en manipulation rel�ve du devoir de tout intellectuel digne de ce nom��. Je souscris pleinement � la sentence et j�insiste, pour ma part, pour �carter toute �quivoque, que l�intellectuel doit �tre � l�avant-garde pour d�fendre tout simplement l�Etat de droit. Harbi a le droit, et surtout le devoir, de faire campagne pour les droits de l�homme et du citoyen. J�ajoute, en plagiant un tantinet Guemriche (guillemets) : �Mais passer sans �tat d��me du lynchage m�diatique dont furent victimes d�autres Alg�riens� au statut de moraliste et de censeur, une fois qu�on a quitt� le pouvoir, est assur�ment une �trange m�tamorphose. Le lecteur me pardonnera, avant de revenir aux sentiments que nourrissent � l��gard de l�arm�e alg�rienne certains intellectuels alg�riens, in c�ans ou auto-exil�s, de vider d�abord les deux mandats de d�p�t que m�a notifi�s le procureur Harbi : Les trois coups d�Etat que j�aurais perp�tr�s et ma complicit� dans la r�tention des restes des chahids Amirouche et Si El Haoues. Trois coups d�Etat ? Question au docteur Bonatiro : le ridicule peut-il �tre mesur� � l��chelle de Richter et, si oui, � partir de quel degr� peut-il tuer ? Puisque nous sommes dans le registre de l�ironie, autant l�effeuiller jusqu�au bout. Voyons cette variante : le premier coup d�Etat vous a donn� le pouvoir, le deuxi�me vous a emp�ch� de continuer d�en mal user et le troisi�me devait vous tirer de la mauvaise situation o� vous vous �tes mis. Pourquoi donc me reprochez-vous ma charit� ? La r�tention des restes des deux martyrs ? Harbi tente d�imprimer un effet boomerang � mes r�v�lations et essaye d�ouvrir une pol�mique malvenue, et surtout ind�cente, sur un sujet douloureux entre tous. Il en sera pour ses frais. Bic). Sa�d Sadi a �crit un livre �mouvant et tr�s document� sur la vie et le parcours patriotique de Amirouche. Sa�d Sadi sait tr�s bien qui �tait Ben Bella, ce qui se passait autour de Ben Bella et qui �taient les conseillers de Ben Bella. Il n�a pas voulu aller dans cette direction par honn�tet� intellectuelle lors de ses investigations sur les tenants et les aboutissants de cette affaire. Pas de preuves ! La terrible tache noire de la s�questration des restes n�a pas encore livr� tous ses secrets. Nourredine A�t Hamouda et Sa�d Sadi savent qui �taient les militaires qui ont d�couvert les d�pouilles, comment ils ont agi et quelles �taient leurs possibilit�s et leurs limites d�action. Sadi, quoi qu�il ait pu affirmer un jour, ne s�est jamais tromp� de peuple. Le traumatisme originel Comment peut-on �tre aveugle quand on ne souffre pas de c�cit� ? Certains plateaux de t�l�vision outre-M�diterran�e ressemblent � des divans de psychanalystes. On d�couvre alors, au gr� des �tranges logomachies de la gent intellectualis�e convi�e pour l�gitimer les verdicts pr�cieux ass�n�s sur l�Alg�rie et les pr�dictions de l�in�luctable chaos qui l�attend, combien on peut �tre aveugle alors qu�on ne souffre pas de c�cit�. Question de vision. Les choses apparaissent d�form�es quand on les regarde � travers l��cran opaque d�une carte de s�jour. Je sais, Harbi, au contraire des autres canassons (tiens, encore Nezzar) qui font partie de l�attelage, n�a pas besoin d�officier traitant ou de montrer �patte verte� pour obtenir droit de cit� l� o� il le d�sire. Ses titres universitaires sont reconnus. La pathologie dont souffre Harbi est d�un autre ordre. Elle remonte � l��poque o� il �tait rest� sur le quai quelque part chez lui-m�me, en lui-m�me, en orbite autour de lui-m�me, emmaillot� par les fils velus de l�araign�e, celle qui se tapit toujours au bord du Rubicon quand il est en crue. Le carrefour des ann�es 1950 �tait bien p�rilleux. Harbi a pass� sous silence, dans Une vie debout, son grand silence au moment du grand appel. Il salivera toute sa vie sur les �tats de service de ses compagnons de lyc�e qui ont eu le courage d�aller au-del� du pi�mont, d�o� ses jugements d�valorisants � c�est le moins qu�on puisse �crire � sur l�ALN. Il y a des non-accomplissements qui minent pour la vie, une vie. Ce sont de vrais traumatismes. Et le mal s�ajoutant au mal, Harbi croisa un jour le chemin du commandant Mendjeli. Avril 1960, l�homme de gauche �tait venu pr�cher, sur la fronti�re Est, la r�volution � ceux qui la faisaient. Son discours, sans points ni virgules, �tait un m�lange de Abane : �N�cessit� d�une organisation d�avant-garde li�e aux combattants et au peuple et dirigeant le pays de l�int�rieur�, un peu de Fanon : �Coupure brutale entre les forces vives de la r�volution...�, et beaucoup de Pablo (alias Michel Raptis qui cr�a en 1944 le PCI, Parti communiste internationaliste) : �Lutte contre les tendances opportunistes�� Sa le�on fut comprise comme une tentative de tamisage des rangs de la r�volution pour m�nager les premiers r�les � ceux qui pensaient �tre les seuls � pouvoir �d�finir les mots d�ordre et � encadrer l��ducation politique�. Les membres de l��tat-major g�n�ral ont remis � sa juste place l�aspirant ma�tre � penser. Venir faire un cours de strat�gie appliqu�e � ceux qui �taient confront�s au r�el et qui connaissaient l��tat des lieux de la r�volution en ces d�buts de l�ann�e 1960 (reprise en main difficile de l�ALN apr�s la disqualification du COM, d�veloppement des op�rations Challe sur les wilayas combattantes, fermeture quasi herm�tique des fronti�res, regroupement massif des populations et mobilisation sans pr�c�dent des lobbies ultras en Alg�rie) �tait un peu pr�somptueux. C��tait toute la diff�rence entre les faiseurs de r�volution en �prouvette aseptis�e de laboratoire et ceux qui �taient dans le chaudron en �bullition du terrain. Mendjeli, l�irascible commandant Mendjeli, au revers de la main douloureux, avait d� faire un gros effort pour contr�ler les pulsions de sa dextre. Harbi a eu de la chance, l�ulc�re de Si Ali �tait, ce jour-l�, en p�riode de somnolence. Dans les Archives de la R�volution alg�rienne (document n�89, page 410), Harbi donne une version arrang�e de l�incident. La probl�matique de l�ANP Au lendemain de l�ind�pendance, l�arm�e �chappait au contr�le total de Ben Bella et de son groupe. Houari Boumedi�ne n��tait pas convaincu par la politique du soi-disant �pouvoir des masses�. C��tait pour lui la feuille de vigne qui cachait les attributs impudiques du pouvoir personnel. Face aux r�ticences de l�opinion et aux oppositions d�clar�es de ceux qui l�ont aid� � d�faire le GPRA, Ben Bella, conseill� par Harbi, imposa la cr�ation d�une milice populaire. Mise rapidement sur pied, elle commen�a � recruter et � recevoir, par bateaux entiers, des armes. Sa mission de gardienne de l�orthodoxie id�ologique, telle que d�finie par Harbi, et de contre-poids militaire � l�ANP �tait �vidente. On conna�t la suite. Au cours de la d�cennie 1990, apr�s son intervention pour briser la dynamique qui conduisait le pays � l�ab�me, l�arm�e alg�rienne, accus�e d��tre �un corps conservateur, r�actionnaire, prompt � user de violence pour prot�ger ses int�r�ts ou ceux des oligarchies dont elle est la garde pr�torienne �, est devenue l�obstacle qui fait barrage au �printemps � alg�rien, selon Saint Bernard. Les commanditaires cach�s de la d�stabilisation de l�ANP activ�rent des relais qui se constitu�rent en une redoutable coalition : institutions chr�tiennes, ONG plus ou moins catholiques, personnalit�s embl�matiques de l�intelligentsia fran�aise influenc�es par des analyses consciemment orient�es d�une poign�e d�intellectuels aigris et par la peinture de l�apocalypse alg�rienne racont�e par de blanches et innocentes ic�nes de l�ex-FIS. Pourquoi interpeller les petites mains de la �r�gression f�conde� et autres fariboles ? L��tal des bons ap�tres, malgr� le fardage et la cri�e, n�a pas connu d�affluence. Mais lorsqu�il s�agit d�un homme qui se revendique de grands principes et de grandes id�es et qui affirme qu�il a toujours eu de l�ambition pour son pays, le m�lange des genres est intol�rable. Le palier annonciateur de l�escalier �troit, sombre et glissant est souvent bien �clair�. Harbi, t�te de liste du parti du chaos alg�rien annonc� � chaque pleine lune, complice des compassions suspectes envers les tueurs, r�percutant dans tous les Sant�Egidio de la plan�te les sommations � son pays qui ressemblent � des tirs � balles r�elles. Vocations affich�es et vacations accept�es, mues de mots et mutations de sens. Chemins chaotiques� Fiction ? Simple sujet de philo ? Non, drame path�tique des sorties rat�es. Banal et triste destin alg�rien. H�las ! La ligne de d�marcation L�arm�e alg�rienne a r�sist�. Nous avons r�sist�. J��cris le mot �nous� avec une intense �motion. Il y a huit jours, j�ai pr�sid� les travaux du 3e congr�s de l�Organisation nationale des retrait�s de l�ANP. Dans la salle, au gr� des interruptions de s�ances, des groupes se formaient. Parfois, parvenait � mes oreilles un nom. Le nom d�un compagnon mort, assassin� par l�hydre infernale. La minute de silence observ�e avant l�ouverture, et d�di�e aux morts de l�Alg�rie, est propice � l��motion et � l��vocation. Des noms� Du g�n�ral � l�homme de troupe. Tous les niveaux de la hi�rarchie. Des morts par milliers. L�arm�e alg�rienne est rest�e debout. Lorsque Harbi interroge, provocateur : �Depuis quand une arm�e s�identifie � ses chefs avant de s�identifier � la nation ? S�agit-il d�une caste ou d�une institution au service du pays ?� se rend-il compte de la gravit� de ses propos ? Vingt ans de r�sistance et de sacrifices sont r�duits � un combat de mercenaires, mobilis�s pour les int�r�ts de quelques parrains. Ce n�est pas Nezzar que Harbi vilipende, ce n�est pas la SM ou le DRS ou une quelconque police politique qu�il cible, Harbi s�attaque � l�ANP en tant qu�institution nationale, rejoignant ainsi les rangs de ceux qui, patiemment, insidieusement, par la sape sournoise de la d�fense des droits de l�homme, tentent de la d�coupler de notre peuple pour le r�duire � merci. Pendant le fameux proc�s de Paris que Khaled Nezzar a intent� � ses d�tracteurs, Harbi est all� encore plus loin dans l�offense : �Tous les peuples du monde ont une arm�e. En Alg�rie, l�arm�e poss�de un peuple.� Apr�s avoir prof�r� de telles �normit�s attentatoires � l�honneur de tous ceux qui ont port� un jour l�uniforme de l�ANP, Harbi peut encore venir comm�morer des dates et parler d�histoire. Juste quelques petites pr�cisions avant de revenir � mon sujet. J�ai fait partie du groupe de militaires qui apr�s s��tre oppos�s � la dictature de Ben Bella, se sont insurg�s contre la dictature de Boumedi�ne qui l�a remplac�e. J�ai souffert des cons�quences de mes choix. Je gagne ma vie � la sueur de mon front. Je ne d�fends aucun privil�ge et je ne roule pour personne. Je ne d�fends pas, sous un pr�texte grandiloquent, le syst�me qui pr�vaut en Alg�rie ou le r�gime actuel. Les jeunes Alg�riens ont suffisamment de discernement et de ressort pour imposer, t�t ou tard, les changements que le pays attend. La premi�re pierre qu�ils devront polir et cimenter sera celle d�un v�ritable Etat de droit. Ils y parviendront s�ils savent imposer le changement sans remettre en cause la stabilit� du pays. Aucune �volution positive ne sera men�e � terme et rendue p�renne si la colonne vert�brale du pays � l�arm�e alg�rienne � est �branl�e. Or, c�est de cela justement dont il est question dans les diatribes r�currentes dont l�arm�e est l�objet. Dans un monde compliqu� r�gi par la loi du plus fort, dans un contexte g�opolitique local perturb�, au moment o� des bouleversements inattendus risquent de se produire, l�arm�e alg�rienne demeure la garante de notre survie. Le consensus sur cette question est la ligne de d�marcation qui s�pare la zone d�occupation tenue par ses pourfendeurs, de la zone libre o� se placent ceux qui ont une vision nationale des enjeux. Pour l��dification de ceux qui esp�rent casser le lien qui existe entre l�ANP et le peuple alg�rien, il est peut-�tre utile de rappeler cette r�alit� : l�ANP n�est que la partie visible de la v�ritable arm�e alg�rienne. Je laisse � Harbi le soin de d�chiffrer le sens de cette phrase. Un rappel pour l�aider : l�arm�e alg�rienne n�a pas �t� constitu�e selon le mod�le qui a pr�valu pour d�autres arm�es � travers le monde. Elle est n�e � imm�diatement � multiple, le m�me jour, partout � travers l�immense territoire national. Chaque chaumi�re du pays profond lui a donn� avec un de ses fils, un peu de sa substance. Ainsi elle a �t�, d�s sa venue au monde, authentiquement populaire. Ainsi elle a pu tenir t�te � une force qui avait la tradition de la chose militaire, l�exp�rience d�innombrables champs de bataille et une consid�rable puissance m�canique. Les conditions de sa venue au jour la marqueront � jamais. Apr�s l�ind�pendance du pays, au-del� des conjonctures, des p�rip�ties et des erreurs de celui qui a �t� � sa t�te dans les ann�es 1960 et 1970, elle a su pr�server l�essentiel : demeurer populaire. Elle a pu le rester gr�ce au service national et � sa pr�sence aux c�t�s du peuple dans les grandes �preuves : les tremblements de terre, les inondations, le terrorisme, les froids sib�riens ou encore lorsqu�elle a veill� � ce que le dialogue s�instaure entre les Alg�riens au lieu d�imposer la solution �des bruits de bottes et des gradins des stades�. Les Alg�riens ont de la m�moire. T�t ou tard l�histoire, lorsqu�elle ne sera plus l�otage de Harbi et de ses amis, reparlera de ce qu�ont accompli dans la discr�tion et la modestie ou le panache et la morgue, les hommes qui ont �t� immenses sur ces champs d�honneur. Leur Histoire, n�en doutons pas, aura les accents de l��pop�e.