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Contribution
Ferhat Abbas, l�anti-h�ros
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 09 - 2012


Par Badr� Eddine Mili
Pourquoi l�Alg�rie officielle peine-t-elle ou tarde-t-elle, 27 ans apr�s sa mort, � rendre � Ferhat Abbas ce qui lui revient et � reconna�tre, avec la solennit� qui sied, les �minents services qu�il a rendus � la patrie ? Sur le compte de quel inflexible pr�jug�, cette lenteur, cette r�ticence sont-elles � mettre ?
L�origine sociale, le parcours atypique de l�auteur du Manifeste? Ses d�clarations controvers�es et pas tout � fait recoup�es sur l�existence de la Nation alg�rienne ? Son opposition aux deux premiers pr�sidents de la R�publique de l�Alg�rie ind�pendante ? Son statut d�homme du savoir qui n�avait pas sa place dans le sc�nario du jour d�apr�s ? Ou son profil d�anti-h�ros qui ne cadrerait pas avec le portrait-type du r�volutionnaire pur et dur que l�historiographie du nationalisme dit radical a dress�, en tra�ant une ligne rouge entre �les novembristes et leurs compagnons de route�, selon le mot de Lakhdar Ben Tobbal ? Pourtant, certains thaumaturges ont, dans leur bienveillante magnanimit�, absous, avec une surprenante facilit�, des fautes autrement plus graves qui ont failli mettre en p�ril les fondations du projet ind�pendantiste, lorsque Messali Hadj, aveugl� par l�orgueil bless� du chef d�tenteur de la v�rit� absolue, a cr�� la machine de guerre du MNA pour saper, � leur naissance, le Front et l�Arm�e de lib�ration nationale. Ils y ont consenti, en faisant semblant d�oublier le verdict rendu par les retournements de l�Histoire qui tiennent, souvent, � la lucidit� et au g�nie de leurs acteurs, en voulant que Ferhat Abbas d�bute sa longue marche par des positions r�formistes, minimalistes, parfois contestables, et la termine par l�adh�sion � la R�volution arm�e � l�inverse d�un Messali Hadj qui l�entame, en visionnaire flamboyant, et l�ach�ve en responsable d�une tentative d�infanticide politique. C�est toute la diff�rence qu�il y a entre la politique, art du possible, propre au pragmatisme et la politique, exercice de l�infaillibilit�, propre au dogmatisme. Il y a dans ces questionnements et dans ces le�ons suffisamment de motifs valables qui incitent, aujourd�hui, � revisiter le sujet et � l�arracher � l�amn�sie volontaire ou involontaire qui a frapp� de larges secteurs de la soci�t� alg�rienne, � la faveur du voile jet�, depuis 1962, sur les hommes et les id�es qui ont inspir� et pr�par�, de pr�s ou de loin, l��veil de la conscience nationale. Sans c�der au subjectivisme, � la na�vet� ou � la tentation du synchr�tisme qui sont faits pour d�naturer le sens de l�Histoire. L�int�r�t qu�il y a � relire, plus attentivement, ces pages est d�autant plus n�cessaire et utile que le vieux d�bat sur les sources id�ologiques de la R�volution du 1er Novembre 1954 resurgit, en ce cinquantenaire de l�ind�pendance, avec une f�brilit� qui en dit long sur la persistance des diff�rends doctrinaux ayant oppos� les partis politiques � l�origine de la structuration du Mouvement national entre 1918 et 1953, ainsi que sur la volont� de peser sur les choix d�avenir du syst�me de gouvernance de notre pays. Les motivations des animateurs de ce d�bat ne sont, en effet, ni innocentes ni d�sint�ress�es. Chacun essaie de se repositionner sur l��chiquier pour redorer le blason de son clocher ou se fabriquer une nouvelle virginit� en mettant � profit le d�sordre de la conjoncture, ses doutes, ses errements et ses r�glements de comptes, laissant croire que l�Alg�rie est une auberge espagnole o� n�importe quel apprenti- laborantin de passage peut venir, librement, vider ses ordures id�ologiques. A lire les �analyses� et �contre-analyses� qui paraissent, r�guli�rement, dans les colonnes des journaux nationaux, autour de ce th�me, on arrive, difficilement, � d�nouer l��cheveau bigarr� des messages transmis � l�opinion par des porte-parole ou des porteplume, agissant, vraisemblablement, au nom de chefs de file r�tifs � quitter le confort de l�ombre. Selon qu�ils fr�quentent telle ou telle chapelle ou qu�ils s�apparentent � telle ou telle sensibilit�, on apprend, dans leurs �crits, que le Mouvement ind�pendantiste et la R�volution arm�e doivent, tout ou partie, de leur gen�se et de leur cons�cration victorieuse, soit � la R�volution fran�aise de 1789, soit au mouvement prol�tarien international, quand ce n�est pas � la Nahda islamique des ann�es 1930 ou au panarabisme nass�rien ou baathiste, chaque camp s��vertuant � soutenir la pr��minence de sa th�se � l�aide de r�f�rences id�ologiques et historiques d�clar�es scell�es et non n�gociables. Des daltoniens vont jusqu'� pr�tendre, dans de curieuses recherches de paternit�, que la R�volution alg�rienne �est l�enfant naturel de la g�n�rosit� internationaliste � et qu�elle n�aurait pu se concevoir sans le saint h�ritage de la Commune de 1871, occultant le fait que les communards avaient d�barqu� en Alg�rie, par milliers, apr�s leur �chec, �condamn�s� par les �royalistes� de la IIIe R�publique � terminer, paisiblement, leurs vieux jours sur les terres prises aux Alg�riens, en compagnie des Mahonnais, des Bretons, des Corses et autres Allemands, Suisses, Maltais et Espagnols... sans cracher dessus ! On imagine bien, apr�s cela, que l�ambition de ces quelques lignes, forc�ment limit�es par l�espace imparti, est de revenir, sans discrimination, aux v�rit�s premi�res et de proc�der, pour les besoins du pr�sent et de l�avenir, � une saine identification et � une �valuation non partisane des voies et des moyens emprunt�s et utilis�s par le Mouvement national pour aboutir � la mise en route de ce fabuleux processus du 1er Novembre 1954, l�un des �pisodes les plus marquants de la deuxi�me moiti� du XXe si�cle, reconnu comme tel, pour son caract�re, � la fois, universel et singulier, sans pr�c�dent. Il ne serait pas superflu de comparer ces sources en fonction de leur anciennet� et de leur influence r�elle sur le r�sultat final et de faire la part des d�terminants endog�nes, propres � la culture, � la sociologie et aux combats intrins�ques du peuple alg�rien et celle des apports exog�nes, induits par le contact avec les exp�riences r�volutionnaires ou d�mocratiques mondiales. Ferhat Abbas, Messali Hadj et Abdelhamid Ben Badis ont, � cet �gard, repr�sent� et port� trois courants � source qui ont fourni, � partir de la praxis des classes sociales sur lesquelles ils s�appuyaient, une partie des valeurs et des clefs avec lesquelles le Mouvement national a v�cu et progress�, jusqu�� ce que la dynamique de la volont� populaire les d�passe, en optant pour le recours aux armes et donne � la doctrine de la R�volution un contenu qualitativement sup�rieur, propre et autonome, clairement expos� dans la Proclamation du 1er Novembre 1954 puis dans la Plateforme de la Soummam de 1956.
1 � R�formisme et R�volution
L�un des �tranges paradoxes qui ont contribu� � fa�onner l�atypisme de Ferhat Abbas est que ce natif de Taher, fils d�un agha, n�ait �t� � aucune �cole traditionnelle, une originalit� rarissime dans ce terroir des contreforts du Nord constantinois connu pour �tre le pays des Koutamas, une population rude, tr�s conservatrice, arabophone, attach�e � l�Islam et qui contra, en 1839, aux portes de Jijel, les troupes d�invasion command�es par Saint Arnaud , l�un des premiers gouverneurs g�n�raux de l�Alg�rie. On ne sait � quoi imputer cette exception dans une r�gion qui a donn� des co-fondateurs de l�Association des Ul�mas alg�riens, � l�image de Cheikh Moubarek El-Mili. Mais le fait est que sa non-ma�trise de la langue arabe ne sera pas l�un des moindres talons d�Achille de l�homme, surtout dans ses contacts directs avec la population, notamment dans les meetings o� il �talait, par contre, en fran�ais, la verve d�un orateur qui n�aurait pas d�m�rit� face � celle d�un Cic�ron. Il fr�quentera, donc, exclusivement, l��cole coloniale et se r�v�lera, � la suite de brillantes �tudes secondaires et sup�rieures, un r�formiste moderniste, p�n�tr� des principes de la philosophie des lumi�res et de la d�mocratie lib�rale dont il fera son livre de chevet, apparaissant, par certains c�t�s, proche du mod�le de Sun-Yat-Sen ou de Salama Moussa, le premier exp�rimentateur arabe, sous le mandat du roi Farouk, du moins pire des syst�mes de gouvernance, selon la boutade de Winston Churchill. A la nuance pr�s, qu�en Alg�rie, il n�y avait pas une R�volution bourgeoise � accomplir, mais, plut�t, un soul�vement national � pr�parer contre le syst�me colonial. Messali Hadj �tait aux antipodes des origines, de la personnalit� et des id�es de Ferhat Abbas. Fils des monts de Tlemcen, paysan pauvre qui exer�a divers m�tiers dont celui d�apprenti- coiffeur, adepte de la confr�rie de Darkaouas, il �migra, t�t, en France o� il se frotte, chez Renault, au monde de la grande production capitaliste, au syndicalisme et � la Troisi�me Internationale qu�il c�toya, avec Inal et Radjef, gr�ce � sa proximit� avec le Parti communiste fran�ais. C�est au cours de cette p�riode qu�il acquiert l�exp�rience du r�volutionnaire ind�pendantiste qui lui sera d�un grand secours, lorsque viendra l�heure, pour lui, de fonder un parti d�avant-garde et de se forger une personnalit� charismatique, fortement marqu�e par le sens de la justice qui ne d�parerait pas d�avec celle d�un Auguste Blanqui, �l�Insurg� permanent� qui a d�, quelque part, inspirer certains des traits de son caract�re. Il n�est pas faux de soutenir qu�il crut, lors de la fondation de l�Etoile Nord-Africaine, en France o� l��migration alg�rienne �tait bien organis�e et disciplin�e, dot�e d�un niveau de conscience politique et d�une culture militante aguerrie, que le Mouvement ouvrier international pouvait aider � l��mancipation des peuples colonis�s. Bien qu�il e�t d� �tre �difi� par le silence observ�, le si�cle d�avant, par Marx sur le cas de l�Alg�rie lors de son passage � Alger, pour s�y soigner. On appelait, � cette �poque, les peuples domin�s, les peuples d�Orient, en r�f�rence � la Chine, � l�Inde, � la Turquie et � l��gypte o� les �toiles montantes avaient pour nom Mao Ts�-Toung, Ghandi, Atat�rk et Saad Zaghloul. Le militant progressiste qu�il fut, dut, cependant, d�chanter lorsqu�il s�aper�ut que les orthodoxes comme les r�visionnistes du Mouvement ouvrier international subordonnaient �l��mancipation� des peuples colonis�s � la prise du pouvoir par le prol�tariat, le Prom�th�e d�miurge promis par Karl Marx, rel�guant aux calendes grecques l�ind�pendance des nations sous domination, parmi lesquelles celles du Maghreb qui n��taient inscrites sur aucun agenda internationaliste. Sa d�ception s�av�ra d�autant plus grande que ce fut le Front populaire qui interdisait son parti, une pr�misse qui annon�a la future position du PCF qui professera la th�se de �la Nation alg�rienne en construction� qui ne sera lib�r�e qu�une fois son processus achev� et le prol�tariat fran�ais aux commandes du gouvernement, autant dire jamais. L� aussi, la liquidation physique, dans les ann�es 1920, de Sultan Galiev, le secr�taire aux nationalit�s de l�Union sovi�tique, accus� de d�viation islamo- communiste, aurait d� renseigner davantage sur les r�ticences manifest�es par le mouvement ouvrier international, face aux aspirations des nations composant l�Empire. .
2- Le temps des illusions
Alli� aux ic�nes de la bourgeoisie constantinoise, Benjelloul et Belhadj Sa�d, leaders de la F�d�ration des �lus, Ferhat Abbas a pens�, jusqu�� la fin des ann�es 1930, que les classes favoris�es qui avaient acc�d� � l�exercice, m�me limit�, des professions lib�rales et � la production capitaliste, m�me r�duite � son expression manufacturi�re de base, pouvaient repr�senter une alternative politique au nationalisme dit radical et conduire, avec l�appui des �lites �clair�es, les Jeunes Alg�riens de l��mir Khaled, petit-fils de l��mir Abdelkader et des Ul�mas de Abdelhamid Benbadis, fils d�un fonctionnaire de la pr�fecture de Constantine, un bloc socio-politique cr�dible avec lequel le pouvoir colonial accepterait de dialoguer. La revendication de l��galit� en droits avec les Fran�ais et, par cons�quent, l�assimilation des Alg�riens, avec le maintien de leur statut personnel que miroitera le projet Blum-Violette, s�inscrivit dans cette �strat�gie pragmatique� qu�il partagea avec les Jeunes alg�riens et les Ul�mas rejoints par le Parti communiste alg�rien au Congr�s musulman, r�uni le 7 juin 1936 � Alger, six ans apr�s les fastes de la comm�moration du Centenaire. marge de man�uvre du contexte, d�alors, �tait-il la meilleure voie � emprunter pour faire avancer la cause nationale et faire changer de cap au colonat ? Certainement non, puisque Ferhat Abbas, comme Messali Hadj, remit les pieds sur terre en se rendant compte qu�il s��tait illusionn� sur les capacit�s de l�Administration fran�aise � donner suite aux revendications consign�es dans �la Charte revendicative du peuple alg�rien�. C�est pourquoi il fut contraint de changer de tactique et d�accentuer la pression, tout en persistant � vouloir faire cavalier seul, refusant d�adh�rer au PPA qui, soit dit en passant, n�avait rien � voir avec un parti ouvrier comme certains continuent � le pr�senter, �tant, comme son nom l�indique, le parti de tout le peuple alg�rien dirig� par des chefs lettr�s, issus des rangs de la Fonction publique, de la petite bourgeoisie commer�ante et de transfuges de l�AEMNA. Une parenth�se doit �tre ouverte, ici, pour relever la supercherie s�mantique, par trop sp�cieuse, utilis�e par certains historiens fran�ais repris par quelques-uns de leurs coll�gues alg�riens, �tablissant une dichotomie entre �nationalisme pl�b�ien� et �nationalisme patricien� qui ne renvoient � aucune r�alit� sociopolitique alg�rienne connue.
3- Le temps du r�alisme
La Seconde Guerre mondiale fut, pour Ferhat Abbas, le tournant qui lui offrit les conditions les plus favorables pour affiner sa vision et appara�tre comme un leader capable d�interpeller les puissants dirigeants du monde, les saisissant en 1943 de son Manifeste du peuple alg�rienqui demande l�abolition de la colonisation, le droit du peuple � disposer de lui-m�me et une Constitution pour le pays. La formation des �Amis du Manifeste�, son arrestation, � la suite du 8 Mai 1945, la cr�ation de l�UDMA apr�s l�UPA, donn�rent toute la mesure de l�envergure d�un chef, internationalement connu, aur�ol� d�un humanisme et d�un pacifisme qui capt�rent, pendant un temps, une certaine audience. Mais cela ne suffisait plus. La guerre mondiale et ses ravages, les promesses non tenues, les massacres de Setif et de Kherrata �taient pass�s par l�. Les partis mod�r�s des colonies, le r�formisme et le dialogue avec les franges lib�rales de la colonisation de peuplement avaient fait leur temps et n�avaient plus le vent en poupe, pas plus que les �lections, pour la plupart truqu�es, auxquelles, �trangement, autant l�UDMA que le PPA-MTLD persistaient � prendre part, au nom du l�galisme. L�espoir plac� par Messali Hadj dans l�internationalisme prol�tarien fondit comme neige au soleil, de la m�me fa�on que celui nourri par Ferhat Abbas de donner naissance � un processus d��mancipation pacifique b�ti, dans un esprit proche du bourguibisme, sur un compromis d��tape, partit en fum�e, sans laisser de traces, apr�s que le projet Blum-Violette fut vid� de sa substance. Finalement, ce qui revint � la surface et pr�valut, matur� par plus d�un si�cle de d�possession, de d�personnalisation et m�me de g�nocide, ce fut le retour aux sources, au principe du compter sur soi, une le�on de grande politique, administr�e par la conscience nationale form�e par la r�sistance et les combats pour la survie, men�s par l��mir Abdelkader, El Mokrani, Cheikh Bouaamama, Cheikh El Haddad et Cheikh Bayoud, un patrimoine avec lequel le peuple a voulu renouer en acc�l�rant la marche de l�Histoire, m�me si l�organisation sociale, l�armement, les techniques militaires oppos�es par ces r�voltes � un adversaire autrement plus d�velopp�, les vou�rent � l��chec, en raison de leur caract�re rudimentaire et arri�r�.
4- Le temps de l�engagement r�volutionnaire
Ferhat Abbas n�eut aucune peine � reconna�tre les nouvelles r�alit�s et � s�engager dans la voie r�volutionnaire trac�e par le 1er Novembre 1954. D�s lors que le sang avait coul�, selon sa propre expression, il se r�solut � rejoindre les rangs du FLN, en avril 1955, apr�s avoir dissous l�UDMA et pris langue avec Abane Ramdane chez qui il d�cela, d�s l�entame, des convictions voisines des siennes, l�esprit du dialogue, l�attachement � la d�mocratie et � la modernit� en plus d�un sens politique aigu. L�esprit �Abane Ramdane�, l�homme appliqu� � �largir les bases sociales et politiques de la R�volution, pour lui faire atteindre le point de non retour ne fut pas �tranger � l�ascension de Ferhat Abbas qui gravit, rapidement, les �chelons de la hi�rarchie de l�Organisation. Membre du CNRA et du deuxi�me CCE, il fut port�, le 19 septembre 1958, � la t�te du premier Gouvernement provisoire de la R�publique alg�rienne, 128 ans apr�s l��clipse de l�Etat alg�rien. Avec beaucoup d��quidistance, il r�ussit, tant bien que mal, � pr�server les �quilibres fragiles d�un gouvernement affaibli par les forces rivales, lanc�es dans la course au pouvoir, pressentant la fin proche de la guerre. Remplac� par Benyoucef Benkhedda, il se retrouva, � l�ind�pendance, aux c�t�s de l�Etat-Major g�n�ral de l�Arm�e des fronti�res et du groupe de Tlemcen dirig� par Ahmed Ben Bella. L�Histoire ne dit pas les raisons de ce ralliement qui fit, certainement, violence � son attachement � la l�gitimit� du CNRA. Connaissant, n�anmoins, les craintes que l�homme nourrissait pour l�unit� du peuple, on suppose qu�� choisir entre le wilayisme qui aurait d�pec� le pays et l�usage de la force pour sauver l�Alg�rie d�une congolisation et d�une implosion certaine, il opta pour la seconde solution qu�il esp�ra provisoire. Elu, en septembre 1962, pr�sident de la premi�re Assembl�e constituante de l�Alg�rie ind�pendante, il est dans son �l�ment, croyant pouvoir profiter de cette position dans l�architecture du pouvoir, pour donner corps � son vieux r�ve d�une d�mocratie fond�e sur le pluralisme d�avant 1954 et, probablement, sur un projet socio�conomique d�inspiration lib�rale. Mal lui en prit. Dessaisi de la r�daction du projet de Constitution au profit du Bureau politique du FLN, r�uni en congr�s, dans un cin�ma d�Alger, il est contraint de d�missionner, ayant, visiblement, compris que les tenants de la ligne r�volutionnaire rechignaient � voir un ancien �udmiste� jouer les premiers r�les et apposer son empreinte � un texte aussi fondamental. Il n�avait plus aucun autre recours, s��tant, lui-m�me, coup� de toute voie de retraite apr�s avoir approuv� le Programme de Tripoli dont les deux points fondamentaux � le gouvernement de l�Etat par le parti unique et l�option socialiste � lui interdisaient d�entreprendre tout projet alternatif qui lui aurait tenu � c�ur. Sans assise politique structur�e et un peu perdu dans un syst�me qui n��tait pas taill� � sa mesure et o� il se sentait en porte-�-faux, marginalis� et � l��troit, il est, injustement, intern� dans le Sud, une r�gion que �visiteront� plusieurs leaders de la R�volution, avant et apr�s 1965. Ainsi, apr�s un combat de 40 ann�es, Ferhat Abbas, le chantre de la d�mocratie, et Messali Hadj, l�ind�pendantiste pr�coce, pi�g� par le culte de la personnalit�, sont renvoy�s par l�Alg�rie officielle, dos � dos, comme s�il y avait un parall�lisme des formes � respecter dans l�excommunication. A tort, parce que, si l��garement du second l�a amen� � combattre le FLNALN par les armes, il faut reconna�tre au premier le courage et la probit� de s��tre remis en question, en dissolvant son parti, en s�engageant dans la R�volution et en acceptant, plus tard, de pr�sider aux plus hautes destin�es de l�Alg�rie en guerre. Tragique destin que celui de ces deux hommes qui se respectaient, malgr� leurs divergences de fond et qui ne partageaient qu�un seul point commun : ils �taient, tous les deux, mari�s � des femmes d�origine fran�aise, Messali Hadj avec Emilie Busquant, d�ascendance lorraine, et Ferhat Abbas avec Marcelle Stoetzel, de parents alsaciens, n�e en 1909 � Bouinan. C�est dans l�appartement de cette derni�re, rue Sigu�ne � Setif, que Ferhat Abbas r�digea le Manifeste du peuple alg�rien avec son ami, le pharmacien, Mohammed El Hadi Djemame. Arr�t�e le 8 Mai 1945, Marcelle Stoetzel fut emprisonn�e, successivement, � El Harach, au camp d�Akbou et � Relizane. A sa lib�ration, en mars 1946, elle convola avec Ferhat Abbas, au cours d�une c�r�monie religieuse pr�sid�e par Cheikh Mohammed Bachir El Ibrahimi, � Kouba, en pr�sence d�Ahmed Francis.
5- Le temps de l�opposition
N��tant pas homme � s�accommoder de la r�signation et de la r�clusion, Ferhat Abbas consacre la p�riode qui va de sa lib�ration en juin 1965 � sa remise en r�sidence surveill�e en 1976, � �crire et � faire para�tre ses principaux ouvrages post-ind�pendance, Autopsie d�une guerre et L�ind�pendance confisqu�e o� il explique les tenants de �l�imposture� impos�e au peuple. Contrairement � Messali Hadj, il r�pugne au za�misme et ne d�veloppe aucune addiction au pouvoir dont il d�nonce le c�sarisme et �les d�viations�, � la veille de l�adoption de la Charte nationale, dans le fameux �Appel au peuple alg�rien� qu�il signe avec les anciens anti-messalistes, Benyoucef Benkhedda et Hocine Lahouel ainsi qu�avec Cheikh Kheireddine, un de ses anciens alli�s ul�mistes d�avant-guerre. La r�ponse du gouvernement Houari Boumedi�ne fut instantan�e. Apr�s lui avoir fait subir une f�roce campagne de presse, le pr�sentant sous les traits d�un bourgeois anti-socialiste, il le fit assigner � r�sidence, avec ses compagnons et confisqua ses biens. Rendu � la libert� en 1978, il garda le silence jusqu�� sa mort, partant dans la solitude d�un homme, reclus dans une position indigne de sa stature de chef d�Etat. Et dire que son destin aurait �t� tout autre s�il �tait demeur� pr�sident du GPRA jusqu�aux n�gociations d�Evian qu�il aurait conduit, �s-qualit�s, un sc�nario de politique- fiction qui n�aurait jamais �t� autoris� ni par les 3 B, ni par Nasser, ni par de Gaulle qui ne voulaient pas avoir, en face d�eux, un homme du savoir, rompu � la politique, au sens le plus noble du terme. Le nationalisme populaire, centralisateur � l�exc�s, qui avait �t� choisi, � l�ind�pendance, dans une version socialo-bureaucratique, comme un mod�le de soci�t� et une voie de d�veloppement destin�s � jeter les fondations d�un Etat national, suppos� incarner et prolonger Novembre, rejeta, en bloc, et l�h�ritage de Messali Hadj et celui de Ferhat Abbas, jug�s non conformes � l�orthodoxie. Si, pour le premier, malgr� un soup�on de r�habilitation, apparemment, d�inspiration �humanitaire�, la cause est entendue, sachant de quoi il s��tait rendu coupable, pour le second, les choses devraient, en principe, en aller autrement. Dans une conjoncture brouill�e par �la boulitique�, un des savoureux mots de Ferhat Abbas qui veut tout dire, son h�ritage et son exemple devraient, au-del� des rancunes anciennes, donner � r�fl�chir sur la possibilit� d�y recourir pour donner � l�Etat national, dans l�esprit d�un Novembre actualis�, les dimensions de droit, de libert� et de d�mocratie qui lui font, encore, d�faut. Ce serait la moindre des justices que l�Alg�rie lui rendrait, elle qui ambitionne d��tre � la hauteur d�un monde qui avance tr�s vite mais qui n�h�site pas � �craser les peuples sans Histoire, sans culture, sans perspectives et sans Etat national d�mocratique. Au lieu de perdre leur temps � pr�cher, qui l�ouvri�risme pr�historique, qui l�islamisme de la discorde, qui le capitalisme de la mamelle, nos �id�ologues� qui n�ont retenu de l�Histoire que ses borborygmes, devraient s�atteler � cette t�che d�int�r�t vital pour la soci�t� alg�rienne d�aujourd�hui et de demain. La question est pos�e et le d�bat est ouvert.


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