Par Mohand Bakir* Je m�adresse � vous en ma qualit� de citoyen alg�rien. Au-del� des conditions dans lesquelles vous avez �t� �lus et des r�serves qu�elles font peser sur la l�gitimit� de vos mandats et sur la repr�sentativit� de votre assembl�e, la situation de fait qui pr�vaut dans notre pays place entre vos mains l�exercice de la souverainet� de la nation. J�interpelle donc en vous des citoyens qui peuvent malgr� tout �pargner au pays de s�enliser dans la voie de l�ali�nation de sa souverainet� et de soumission aux puissances imp�riales des Etats et des multinationales. Vous vous appr�tez � entamer l�examen du projet d�amendement de la loi 07-05 du 28 avril 2005. Vous en discutez durant la s�ance de ce mardi 8 janvier 2013, dans les deux s�ances du lendemain, avant de vous prononcer par vote le lundi 21 janvier. Mon espoir est que vous mesurez la port�e et les cons�quences des dispositions que vous vous appr�tez � examiner. Le projet que vous avez entre les mains engagera durablement l�avenir du pays, ses moyens de d�veloppement et de souverainet�. Le projet qui vous est soumis entend assurer la rentabilit� de l�exploitation des gaz de schiste. �Hydrocarbures non conventionnels gazeux�, tels que d�sign�s par les r�dacteurs du projet. Beaucoup de choses ont �t� dites sur le sujet. Sur sa port�e �conomique incertaine, tout aussi incertaine que sa rentabilit�. Le miracle des gaz de schiste aux Etats-Unis d�Am�rique tient essentiellement de l�ampleur des subventions f�d�rales accord�es aux exploitants. Sur l�impact d�sastreux que cette exploitation aura sur les biotopes sahariens ; pour prendre un ordre mesure, il faut envisager qu�elle sera deux � trois fois plus grave que les exp�riences nucl�aires et biologiques que l��tat fran�ais y avait poursuivi jusqu�en 1978. Sur l�empreinte �cologique de la technique employ�e dans l�exploitation des gaz de schiste : la fracturation hydraulique combin�e � l�emploi d�adjuvants hautement toxiques et l�taux pour nombre d�entre eux. Sur la contribution durable des fuites des puits d�exploitation � l�augmentation des gaz � effet de serre, etc. Ces aspects, � eux seuls, devraient suffire � vous dicter le renvoi du projet d�amendement pour �compl�ment d�information�. Un compl�ment qui aurait pour cadre un d�bat national ouvert � toutes les comp�tences, et pour but l��tablissement du bilan du secteur des hydrocarbures et l��laboration d�une strat�gie nationale �nerg�tique et p�troli�re int�gr�e. La commission des affaires �conomiques de l�Assembl�e, au sein de laquelle vous si�gez, s�est content�e de la consultation de trois responsables p�troliers (Bouhafs, Attar et Zerguine), deux universitaires (Abroure Mourad et Ahmine Ch�rif) et de Mustapha Mekideche, �conomiste et vice-pr�sident du Conseil �conomique et social. Pour un sujet aussi controvers�, il faut cr�diter les honorables membres de la commission d�une expertise hautement �lev�e pour qu�ils se contentent de l��clairage de six personnes. Au-del� de ce caract�re controvers�, il y a des dispositions dans le projet d�amendement qui m�ritent une tr�s grande attention. Le projet insiste lourdement sur l�exercice exclusif par l�entreprise nationale Sonatrach- SPA, ou par une de ses filiales, des activit�s de transport par canalisation des hydrocarbures, sans manquer de garantir le libre acc�s des tiers � ces infrastructures de transport par le paiement d'un tarif non discriminatoire. Faut-il �tre tr�s fut�, ou malintentionn�, pour voir l� un �quivalent des subventions f�d�rales �tatsuniennes ? L�exploitation des gaz de schiste est �non conventionnelle� par ses proc�d�s de forages, par son proc�d� de fracturation de la roche-m�re, mais aussi par la dur�e de vie extr�mement courte des �puits�. La multiplication des forages implique des investissements colossaux et une densification rapide et soutenue des r�seaux de transport du gaz. Si vous adoptez le projet qui vous est soumis, vous ferez supporter ces lourds investissements � la seule SPA Sonatrach. Au nombre des innovations que compte introduire la nouvelle l�gislation figure le paiement de l�imp�t en hydrocarbures. De r�cents articles dans la presse US pointent du doigt l�une des nombreuses contraintes de l�exploitation des gaz de schiste : que r�sume cette conclusion � laquelle parvient un article du New York Times : �Il est plus profitable d�exporter notre mat�riel de forage pour l�extraction du gaz de schiste que de vendre notre gaz !�, ce paiement en nature ne revient-il pas, par l�ouverture de notre march� national aux �partenaires� de Sonatrach, � l��tablissement d�un quasi-protectionnisme � leur profit ? D�autant plus que ce qui sera c�d� comme hydrocarbures �pour les besoins nationaux� sera factur� au prix du march� mondial. Ces op�rateurs �trangers vont donc intervenir dans un secteur qui, d�apr�s le Premier ministre actuel, n�aura d�importance pour le pays que dans quarante ans ! Sauf si pour sa d�claration, monsieur le Premier ministre a confondu dur�e �minimale de concession� et horizon d�exploitation. La communication du gouvernement sur ce dossier a �t� brouillonne, contradictoire et illisible. Ce qui en soi alerte sur l�ampleur des enjeux et leur gravit�. Par cette nouvelle loi, le gouvernement vous demande de r�tablir le syst�me des concessions. Celles-ci sont envisag�es pour des p�riodes longues, quarante ann�es pour ce qui concerne les gaz de schiste !! Vos d�bats, et ceux bien timides qui ont eu lieu dans la presse nationale, permettent- ils de juger de la port�e de cette �nouvelle� d�marche ? Le cadre restreint et informel o� ce projet a �t� concoct� le d�l�gitime aux yeux de tout patriote. Mais vous savez bien que l�ill�gitimit� n�emp�che pas d�impacter le r�el. Votre assembl�e trouvera-telle dans la position que porte le groupe parlementaire du FFS, sur ces questions, suffisamment d�arguments et de motivations pour renvoyer l�examen de l�amendement de cette loi ? Il faut l�esp�rer. Si vous d�cidez de renvoyer le d�bat ; alors, exigez l�activation du Conseil national de l��nergie et pesez pour l�ouverture d�un d�bat national sur la politique �nerg�tique du pays. Un d�bat qui impliquera toutes les comp�tences et qui �valuera l�ensemble des aspects relatifs � la consommation nationale. De la qualit� �nerg�tique de nos habitations, � la mobilisation de nos hydrocarbures, en passant par la ma�trise des �volutions de notre parc automobile ou la r�novation et la modernisation du r�seau de distribution �lectrique. Ce positionnement exige de vous l�application du principe de pr�caution qui, dans ce cas, se traduit par l�interdiction de l�utilisation de la fracturation hydraulique avec emploi d�adjuvants sur le territoire national. Mais, si vous adoptez les dispositions que l�ex�cutif vous soumet, alors par souci de coh�rence et de clart�, il vous faudra ajouter un amendement suppl�mentaire : le retrait de la date du 24 f�vrier des c�l�brations nationales. M. B.