L�Association tunisienne des �tudes strat�giques et des politiques de s�curit� globale en collaboration avec la fondation Konrad- Adenauer ont organis�, le 19 janvier � Tunis, un colloque sur le th�me �La s�curit� globale en Tunisie : quelle approche ?�. Le programme comportait, en fait, deux parties compl�mentaires. Une partie �l�introduction et la conclusion � se rapportant, sp�cifiquement, � la d�fense globale en Tunisie. Cette partie comportait, notamment, l�expos� du colonel-major Fouad Aloui, directeur de l�Institut de d�fense nationale tunisien, lequel a trait�, de mani�re exhaustive et avec force m�thode, du th�me �Sens et m�canismes de la d�fense globale en Tunisie�. Il a �t� relay� par le Dr Nasr Ben Soltana, ancien diplomate et pr�sident de l�Association organisatrice du colloque qui s�est attard�, pour sa part, sur l�ancrage militaire de l�histoire de la Tunisie avec une extrapolation sur la relation strat�gie de d�fense-s�curit� globale en Tunisie. Ces deux expos�s ont �t� suivis par celui de l�in�narrable professeur tunisien Noureddine Naifar de l�universit� El Manar, polyglotte �prouv� � la culture philosophique ph�nom�nale et dou� d�une capacit� d�routante pour passer d�une discipline � l�autre dans les d�dales des sciences de la civilisation humaine. Le professeur Naifar, recourant � des illustrations vivantes, a trait�, de mani�re tr�s p�dagogique, des d�fis et des menaces auxquels est confront�e la s�curit� globale en Tunisie, pointant du doigt la menace terroriste r�sultat d�une d�g�n�rescence de l�id�ologie salafiste qui prend, volontiers la forme du djihadisme radical.. La deuxi�me partie du colloque se rapportait aux exp�riences internationales en mati�re de politique de s�curit� globale. Tour � tour, MM. Roland Freudenstein, directeur adjoint du Centre des �tudes europ�ennes de Bruxelles pour �l�exp�rience europ�enne en mati�re de s�curit� globale�, Sebastian Sch�ffer, chercheur au Center of Applied Policy de Munich pour �l�approche allemande en mati�re de s�curit� globale�, J�rg Martin Gabriel, professeur �m�rite � l�Institut f�d�ral suisse de technologie de Zurich pour �l�exp�rience suisse en mati�re de s�curit� globale� et, enfin Haim Malka, directeuradjoint du Centre des �tudes strat�giques et internationales de Washington, pour �l�exp�rience am�ricaine en mati�re de s�curit� nationale�, ont apport� des �clairages pertinents qui ont mis en relief, malgr� les contingences nationales, le caract�re indivisible de la s�curit� dans le monde. Pour cette deuxi�me phase du colloque, Mohamed-Chafik Mesbah a eu � exposer �les fondements et les m�canismes de la politique de s�curit� nationale en Alg�rie�. Il a articul� son intervention autour de quatre parties successives. Premi�rement, une chronologie institutionnelle � travers laquelle il a �voqu� l��volution de l�institution militaire en Alg�rie, de la naissance de l�Arm�e de lib�ration nationale jusqu�� la cr�ation, sous sa forme actuelle, de l��tat-major de l�ANP. L��volution de la communaut� du renseignement, depuis la cr�ation du minist�re de l�Armement et des liaisons g�n�rales (MALG) en charge des missions de s�curit� et de renseignement durant la guerre de Lib�ration nationale jusqu�� l�actuel D�partement du renseignement et de la s�curit�, configuration qui consacre le monopole de la fonction du renseignement et de la s�curit� sous la tutelle du minist�re de la D�fense nationale. Examinant, en deuxi�me partie, l�atrophie de la fonction de conceptualisation de la politique de s�curit� nationale en Alg�rie, il a �num�r� les structures cens�es devoir y contribuer mais pour en d�montrer, aussit�t, l�indigence. Successivement, il a cit� l�Institut militaire de documentation, d��valuation et de prospective (IMDEP), l�Institut des �tudes de s�curit� nationale (IESN), tous deux relevant du minist�re de la D�fense nationale, l�Ecole de guerre, sous la tutelle directe de l��tat-major de l�ANP � institution qui aurait, � l��vidence, d� comporter un d�partement de r�flexion strat�gique �, l�Institut national pour les �tudes de strat�gie globale (INESG) relevant de la pr�sidence de la R�publique et, enfin, l�Institut diplomatique et de relations internationales (IDRI), structure du minist�re des Affaires �trang�res. Au total, ces structures assurent moins, a-t-il affirm�, la mission escompt�e de r�flexion strat�gique � avec l�audace intellectuelle requise � qu�une mission classique de formation de type, quasiment, professionnel. Pour illustrer le propos, Mohamed-Chafik Mesbah mettant � contribution son exp�rience pass�e, a affirm� qu�il avait, personnellement, plus pes� sur les activit�s de conceptualisation strat�gique militaire lorsqu�il �tait le collaborateur de l�ancien chef d��tat-major de l�ANP, le d�funt g�n�ral-major Mostefa Benloucif, que lorsqu�il eut � diriger certaines des structures sus-cit�es, suppos�es �tre en charge, pourtant, de la t�che. A propos des moments forts de l��volution de la politique de s�curit� nationale de l�Alg�rie, Mohamed-Chafik Mesbah en a recens� trois. Premier moment, celui o� l�arm�e �tait au service de la construction de l�Etat national, � travers une mobilisation au service exclusif du d�veloppement �conomique et social. Cette dimension primait, sans �quivoque, sur la dimension op�rationnelle � travers, notamment, l�affectation des ressources nationales � des activit�s, pr�cis�ment, de d�veloppement �conomique et social, non point d�acquisition de mat�riels destin�s au combat. L��clatement du conflit du Sahara occidental a rompu cet �quilibre puisque la priorit� a �t� r�tablie au profit de la dimension op�rationnelle, strictement militaire. Deuxi�me moment, celui de l�interruption du processus �lectoral. Cette �volution de conjoncture a conduit l�Arm�e nationale populaire � interf�rer sur le champ politique tout en assumant, presque int�gralement, la t�che de la lutte contre le terrorisme. Depuis lors, elle est devenue, incontestablement, le pivot de la politique de s�curit� nationale. Malgr� son impr�paration ant�rieure � la mission de maintien de l�ordre public, l�institution militaire est parvenue, n�anmoins, � s�adapter aux imp�ratifs de la lutte contre le terrorisme. Sans doute, a-t-elle r�ussi parce qu�elle a pu susciter la mobilisation de la population dans les structures paramilitaires au r�le essentiel dans la sauvegarde de l�Etat national. Troisi�me moment, celui de l�adaptation aux exigences de la mondialisation. Apr�s la stabilisation de la situation s�curitaire suivie de l�accession au pouvoir du pr�sident Abdelaziz Bouteflika, l�ANP et les services de renseignement et de s�curit� se sont efforc�s � sans un succ�s total � de trouver un point d��quilibre � difficile � r�aliser � entre la n�cessit� de sauvegarder l�h�ritage doctrinal premier et l�acceptation des exigences contraignantes impos�es par l�amarrage forc� au monde occidental. Troisi�me partie de la communication de Mohamed-Chafik Mesbah, le rappel du dispositif doctrinal en mati�re de s�curit� nationale en Alg�rie, la doctrine de d�fense nationale et la politique �trang�re se confondant le plus souvent. Attachement farouche � l�autonomie de d�cision diplomatique et militaire, soutien aux causes justes de lib�ration nationale et de r�sistance contre la dictature, refus d�adh�sion � l�un des deux blocs socialiste et capitaliste, refus des alliances militaires et rejet de toute intervention militaire en dehors du territoire national. Voil� plant�, aux dires de Mohamed- Chafik Mesbah, le tableau doctrinal qui a pr�valu de l�ind�pendance nationale jusqu�� l�av�nement de la mondialisation. Actuellement, l�institution militaire est confront�e, selon lui, au d�fi qui consiste � concilier entre souverainet� nationale et exigences d�une int�gration forc�e dans la mondialisation. S�attardant sur les difficult�s qui obstruent le processus d�adaptation de la politique de s�curit� nationale de l�Alg�rie, Mohamed- Chafik Mesbah, nonobstant les dysfonctionnements du mode de gouvernance, a insist� sur la diversit� des sources d�inspiration doctrinale au sein de l�ANP ainsi que les pesanteurs multiples qui caract�risent l��tat des lieux. Il existe, a-t-il insist�, des emprises antagoniques sur l�institution militaire et les services de renseignement et de s�curit� qui rendent difficile � voire impossible � la d�finition d�une politique de s�curit� nationale totalement harmonieuse. Comment concilier, en effet, entre l�empreinte id�ologique laiss�e par la guerre de Lib�ration nationale, la forte pr�sence russe en mati�re de formation et d��quipement ainsi que l�influence occidentale favoris�e par la coop�ration dans la lutte contre le terrorisme ? Jugeant incontournable l�aggiornamento qui consiste � adapter la politique de s�curit� nationale, Mohamed-Chafik Mesbah estime que celui-ci doit s�accompagner du renforcement de l�esprit de d�fense qui consacre l�osmose entre la nation et son arm�e est indispensable, et de la construction d�un consensus national r�el autour des imp�ratifs de s�curit� nationale non sans une reconfiguration de la communaut� nationale du renseignement et de la s�curit� dans le sens d�un meilleur �quilibre institutionnel. L��tablissement d�un pont entre institution militaire, services de renseignement et de s�curit� et �lites nationales n�en est pas moins, a-t-il pr�cis�, une exigence fondamentale. Sans apporter de r�ponse, Mohamed-Chafik Mesbah s�est interrog�, en conclusion, si cet aggiornamento ne pouvait se d�rouler que dans le cadre d�un syst�me d�mocratique. En compl�ment � l�approche d�j� �voqu�e de la s�curit� globale en Tunisie, le programme, de nouveau, a �t� focalis� sur les questions de s�curit� globale en Tunisie. A l�exception de M. Lazhar Akrimi, ancien ministre d�l�gu� charg� de la R�forme s�curitaire absent, le d�roulement du colloque a �t� marqu� par une forte pr�sence de repr�sentants �minents de la soci�t� civile tunisienne. M�me l�ancien ministre de l�Economie, M. Mansour Moalla, tr�s respect� en Tunisie malgr� son appartenance pass�e � l��quipe gouvernementale de feu Habib Bourguiba, s�est attach�, en s�appuyant sur des faits historiques directement v�cus, � mettre en relief le lien entre s�curit� �conomique et s�curit� globale. C�est, cependant, l�arm�e tunisienne, pr�sente en force � ce colloque, qui a apport� la note la plus originale dans cette manifestation. Outre l�expos� du colonel-major Foued Aloui d�j� cit�, son pair, le colonel-major Jamel Boujeh, directeur au minist�re tunisien de la D�fense nationale a, ainsi, expos�, avec une conviction remarqu�e, la position de l�arm�e tunisienne vis-�-vis du projet de Constitution en cours d�examen par l�Assembl�e constituante tunisienne. Cens�e �tre muette, l�arm�e tunisienne n�en a pas moins soumis des propositions en rapport avec ce projet de Constitution. Ces propositions visaient � voir consacrer le r�le de l�arm�e comme d�positaire de la mission de d�fense du territoire national, dans un statut non partisan comportant la d�finition explicite de sa position institutionnelle. Apparemment, l�Assembl�e constituante n�a pas tenu compte, totalement, des recommandations du minist�re tunisien de la D�fense nationale laissant m�me subsister une certaine ambigu�t� sur la possibilit� de cr�ation de forces para-militaires qui pourraient �tre partisanes. D�ailleurs, le professeur Haykel Ben Mahfoudh, Senior Advisor au Centre de Gen�ve pour le contr�le d�mocratique des forces arm�es, n�a pas manqu� d�enfoncer le clou, dans la lign�e du colonel-major Jamel Boujeh, � propos des ambigu�t�s juridiques du projet de Constitution, concernant les dispositions relatives � l�arm�e. Au passage, est-il � relever, le professeur Haykel Ben Mahfoudh n�a pas manqu� d�exprimer son �tonnement quant � l�omission de la fonction de renseignement, dans la Constitution en cours d�examen. Cette omission, s�est-il interrog�, laisse-t-elle que la fonction sera exerc�e dans un cadre extra-l�gal ? Notons, � ce propos, que les d�bats qui se sont d�roul�s au cours de ce colloque, notamment les interventions des repr�sentants �minents de la soci�t� civile tunisienne, ont permis de mettre en relief une certaine crainte � propos de risques de d�viation du processus de transition d�mocratique en cours, en Tunisie. Malgr� ce sentiment de crainte, fortement relay� par une partie du mouvement associatif et de la presse nationale en Tunisie, il faut reconna�tre, toutefois, qu�il existe, sur la sc�ne tunisienne, un foisonnement remarquable d�id�es, souvent diverses et parfois antagoniques, � la faveur de colloques multiples qui, � l�instar de celui consacr� � la s�curit� globale, se d�roulent, quotidiennement, dans le pays. Si, � cet �gard, l�Alg�rie semble conna�tre, apparemment, une meilleure stabilit� que la Tunisie, il n�en faut pas moins lui souhaiter cette explosion d��changes d�id�es qui � la faveur d�une �closion de centres de r�flexion et d�associations, permettrait aux �lites nationales de peser sur le cours des �v�nements, en pr�vision, notamment, d�un processus de transition d�mocratique incontournable.