Telle est la probl�matique essentielle que comporte l�entretien que vient d�accorder au journal �lectronique TSA (Tout sur l�Alg�rie ), ce jeudi 16 f�vrier, Mohamed-Chafik Mesbah que connaissent bien les lecteurs de notre journal. Le Soir d�Alg�rie qui a estim� important le d�bat suscit� par cet entretien a jug� utile d�en pr�senter une synth�se. Invit�, tout d�abord, � se prononcer sur l�effet domino qui pourrait s�exercer sur l�Alg�rie apr�s la chute des anciens pr�sidents tunisien et �gyptien, Mohamed-Chafik Mesbah fait remarquer que les similitudes de l�Alg�rie avec la Tunisie et l��gypte, �pr�dominance �crasante de la jeunesse de moins de vingt ans, mauvaise r�partition des richesses nationales et �tat de sous-d�veloppement chronique avec usure consomm�e du syst�me�, rendent �l�hypoth�se d�une explosion sociale hautement probable �. Les diff�rences de situation entre les trois pays, illustr�es par le r�le de la police, le poids de l�institution militaire, l�importance de la d�mographie, le degr� de p�n�tration d�internet, le taux d�analphab�tisme ainsi que le niveau de ressources financi�res � peuvent, estime-t-il, �contribuer � retarder le mouvement de contestation pas �, d�finitivement, l�endiguer�. Interrog� sur la responsabilit� du Premier ministre dans l��tat des lieux critique qui pr�vaut en Alg�rie, Mohamed-Chafik Mesbah juge que �le pouvoir dont dispose, d�sormais, le Premier ministre est insignifiant�. C�est, par exemple, affirme-t-il dans l�entretien, �moins dans l�inspiration de la d�marche de patriotisme �conomique que dans l�application tatillonne et intempestive des d�cisions qui en ont �man� que la responsabilit� du Premier ministre est engag�e �. L�entretien n�en conclut pas moins que M. Ahmed Ouyahia est programm� pour �tre sacrifi� �lorsque le temps sera venu de rassasier une opinion publique devenue pressante �. A propos des affaires de grande corruption, Mohamed-Chafik Mesbah admet que �leur r�v�lation a exacerb� le sentiment de vindicte chez la population�, pr�cisant m�me que �le ressentiment du peuple alg�rien est d�autant plus fort que les personnes publiques cit�es ne sont gu�re inqui�t�es�. A propos de la r�v�lation de ces affaires et de l�hypoth�se qui en a suivi d�une lutte de clans au sein du pouvoir, il estime que �ce serait c�der � un fantasme que d�imaginer que les services de renseignement pourraient se placer en position de d�fiance vis-�- vis du chef de l�Etat�. Il d�clare, d�ailleurs, que le r�gime alg�rien s�est mu� en un r�gime pr�sidentialiste o� tous les pouvoirs sont subordonn�s � celui du chef de l�Etat, ce dernier disposant �de toute la marge de man�uvre� pour engager, s�il le souhaitait r�ellement, �un programme de transition d�mocratique�. Mohamed-Chafik Mesbah rel�ve, � propos de la l�thargie de la vie politique dans le pays, que les pouvoirs publics en Alg�rie ont excell� �dans l�encouragement des divisions au sein des formations politiques de l�opposition, dans l�obstruction d�lib�r�e au libre fonctionnement des syndicats autonomes et dans la mise en place d�entraves syst�matiques � la naissance et � l��panouissement du mouvement associatif�. Il note que �les partis politiques de l�opposition, en revanche, n�ont pas r�pondu avec cette �nergie et cette intelligence qui leur auraient permis le contournement des obstacles mis en place�. Toujours � propos de la vie politique, Mohamed-Chafik Mesbah consid�re que �l�Alliance pr�sidentielle est un pur conglom�rat de partis rassembl�s autour d�un seul enjeu, offrir une base politique au pr�sident de la R�publique�. Les partis qui la composent sont appel�s, pr�voit- il, � perdre de leur importance en cas de consultations �lectorales vraiment transparentes. Hamas, selon lui, est, �aux yeux de la population, un rassemblement �pars de commer�ants et d�hommes d�affaires pas un vrai parti islamiste�. Le RND cr�� pour se substituer, conjoncturellement, au FLN, �un appareil bureaucratique plut�t qu�une formation politique�. �Le FLN, lui-m�me, qui �traverse une crise profonde�, risque de conna�tre, selon Mohamed Chafik-Mesbah, �le sort peu enviable du RCD en Tunisie et du RND en �gypte s�il ne se r�sout pas � effectuer sa transformation en grand parti de type social-d�mocrate�. Mohamed-Chafik Mesbah insiste, par ailleurs, sur �l��quation de l�islam pl�b�ien� en notant que l�un des d�fis majeurs de la transition d�mocratique � venir portera sur l�insertion de �cette force vive dans la soci�t� d�mocratique�. Tirant l�enseignement des exp�riences pass�es, il met en garde contre toute tentation de recourir � une politique d���radication�, jugeant que cela rel�verait de l�infantilisme. Interrog� sur une d�faillance suppos�e des leaders de l�opposition, il s�appesantit sur le cas de ceux qui ont adopt� �une attitude de confrontation au syst�me qu�ils veulent, clairement, mettre � bas (...) Ce sont eux qui m�nent, selon lui, le combat le plus co�teux et le plus risqu�. Il estime ind�licat, cependant, de se hasarder � juger le reste des leaders, �chacun d�entre eux, pr�cise-til, menant le combat selon son temp�rament, selon les moyens dont il dispose et selon les opportunit�s qui s�offrent � lui�. Estimant que le crit�re d��valuation reste, en l�occurrence, �la constance dans les convictions et la pers�v�rance dans l�action�, il �voque, avec emphase, �l�exemple �mouvant de ma�tre Ali Yahia Abdenour, cet homme de conviction forcen�. Abordant l�affirmation r�currente de l�emprise h�g�monique de l�arm�e sur la vie politique, Mohamed-Chafik Mesbah estime que les propos attribu�s au chef de l�Etat � dans le c�ble diplomatique rendu public par WikiLeaks sur � �la subordination de l�arm�e au pouvoir civil � en la personne du pr�sident de la R�publique tient-il � pr�ciser � ne sont pas inexacts�. Il mentionne, � ce propos, le d�couplage entre l��tat-major de l�ANP et les services de renseignement, subrepticement, introduit par le chef de l�Etat qui a rendu caduc �le r�le d�interface avec la soci�t� politique que jouaient, au profit de l�arm�e, lesdits services de renseignement �. Le comportement de l�arm�e alg�rienne en cas de soul�vement populaire en Alg�rie ayant �t�, �galement, �voqu� dans l�entretien, Mohamed-Chafik Mesbah �voque, pour appuyer sa d�monstration, trois param�tres : �L��mergence d�une nouvelle g�n�ration de chefs militaires (�) relativement jeunes, parfaitement form�s et anim�s d�esprit d�ouverture sur le monde moderne (...), l��coute attentive pr�t�e par lesdits chefs � issus, pour la plupart, de couches sociales d�favoris�es � aux difficult�s du peuple alg�rien (�), l�adoption, enfin, dans la jurisprudence internationale du principe de comp�tence universelle pour les crimes contre l�humanit� ainsi que la cr�ation de la Cour p�nale de La Haye.� Ces param�tres, estime-t-il, font supposer que l�arm�e alg�rienne n�acceptera pas de r�primer d��ventuelles manifestations populaires. Pour conforter son hypoth�se, il recourt, volontiers, � une m�taphore en citant les propos publics tenus par un officier g�n�ral � la retraite �gyptien, ancien condisciple du mar�chal Hussein Tantawi, le pr�sident de l�instance militaire supr�me qui administre l��gypte : �Nous sommes des militaires. Nous ne voulons pas nous m�ler de questions politiques. Nous voulons, seulement, participer � la d�fense de notre territoire et pr�server l�ind�pendance et la stabilit� de l��gypte.� Mohamed-Chafik Mesbah affirme : �C�est, � ne pas s�y tromper, exactement l��tat d�esprit des nouveaux chefs militaires en Alg�rie.� Interrog�, dans le m�me sens, sur le comportement �ventuel de la police alg�rienne, Mohamed-Chafik Mesbah met en exergue, en premier lieu, l�extraction populaire de ces policiers, selon lui, �tr�s proches d�une population dont ils partagent les pr�occupations et, probablement, les aspirations�. A priori, estime-t-il, sauf d�bordement populaire, �les policiers se comporteront de mani�re, strictement, disciplin�e�. Dans tous les cas de figure, le recours aux armes � feu paraissant improbable, c�est la solution de l�intervention de l�arm�e qui se profilera avec les perspectives qui viennent juste d��tre �voqu�es. A propos de l�absence d�alternative en termes de leaders et de partis, Mohamed- Chafik Mesbah affirme que les r�gimes en place, rod�s par l�usage, pourraient bien, �faute d��tre confront�s � des partis puissants �, songer � r�cup�rer le mouvement populaire pour le r�duire � un simple train de mesures conjoncturelles. Plus circonspect sur la n�cessit� de recourir � des leaders, il estime que �l��poque de l�homme providentiel est d�pass�e, le peuple alg�rien est en attente, affirme-t-il, d�une �quipe homog�ne, ancr�e dans la soci�t� et disposant de qualifications av�r�es, pas d�un nouvel autocrate �. Mohamed-Chafik Mesbah consid�re, par ailleurs, que le r�le de pays �trangers dans les processus politiques internes constitue, d�sormais, �une donn�e constitutive du syst�me de relations internationales�. Cette interf�rence est, certes, �dict�e non pas par de strictes consid�rations morales mais par des int�r�ts strat�giques de grande puissance � mais sa probl�matique, sur le plan politique, dispose que c�est, principalement, la mauvaise gouvernance dans les pays arabes qui favorise la violence. �Les r�gimes dictatoriaux arabes ne peuvent plus constituer un rempart �tanche contre la menace terroriste et, de mani�re plus substantielle, contre les risques de d�stabilisation durable des soci�t�s arabes (�), la d�fense des int�r�ts strat�giques des Etats-Unis am�ricains dans cette r�gion du monde recommande de se d�faire de r�gimes devenus encombrants�, voil�, en bref, le soubassement de cette interf�rence. Sur le plan pratique, la d�marche est des plus volontaristes, comme en t�moignent les processus intervenus en Tunisie et en Egypte, o� �les Etats-Unis ne s�embarrassant pas de faux-fuyants ont dialogu�, directement, avec l�institution militaire, avec les forces politiques nationales, voire avec les autocrates contest�s pour les inviter � se d�mettre�. Quel int�r�t pour les Etats-Unis � soutenir un processus d�mocratique pour le cas particulier de l�Alg�rie, a-t-il �t� demand� � Mohamed-Chafik Mesbah. �Nonobstant l�int�r�t pr�t� par les Etats-Unis � leurs int�r�ts directs en propre, c�est, r�pond-il, le contr�le des possibilit�s de d�veloppement de l�Europe occidentale qui requiert leur attention �, entendez la crainte de voir l�Europe pouvoir contester aux Etats-Unis leur leadership sur le monde. Evoquant les autres pr�occupations des Etats-Unis pour tout le monde arabe, il les r�sume en deux points : �Premi�rement, la pr�servation de l��quilibre strat�gique au profit d�Isra�l oblige, n�anmoins, � s�adapter au nouveau contexte d�mocratique jusqu�� accepter les concessions indispensables pour une coexistence pacifique durable. Deuxi�mement, l�exp�rimentation d�une forme de r�gime adapt� pour le monde arabe qui permettrait la dilution de l�islamisme politique dans un processus d�mocratique garanti par l�institution militaire.� La pression des Etats-Unis, ajoute Mohamed-Chafik Mesbah, peut s�exercer, � un niveau officiel, � travers les d�clarations solennelles relay�es par la presse et des prises de position tranch�es dans les enceintes internationales. Au niveau op�rationnel, il �voque le mod�le th�oris� de �la R�volution pacifique�, d�j� exp�riment�, avec succ�s, en Serbie, en G�orgie et en Ukraine, mod�le �labor� par l�Am�ricain Gene Sharpe, dans un fameux ouvrage intitul� From Dictatorship to Democracy�. A l�exception du Venezuela o� le mod�le a �t� mis en difficult� par le pr�sident Hugo Chavez, �partout ailleurs, pr�cise Mohamed-Chafik Mesbah, les dictateurs sont tomb�s�. En conclusion � l�entretien, ce sont les sc�narios d��volution pour la situation � venir en Alg�rie qui sont examin�s. Deux principaux sont retenus. Le premier sc�nario dit du �statu quo�, c�est le pourrissement avec forte probabilit� de soul�vement populaire. Le d�roulement de ce sc�nario d�pendra de trois inconnues. Le comportement du mouvement islamiste pl�b�ien, selon qu�il parvienne ou non � r�cup�rer � son profit le soul�vement. L�attitude de l�arm�e, selon qu�elle d�cide de r�primer ou d�appuyer le soul�vement. La d�termination des Etats-Unis et de la France � soutenir le mouvement ou � l�ignorer. Un deuxi�me sc�nario dit du �d�nouement pacifique�, un sc�nario o� le pr�sident de la R�publique, �d�initiative ou press� par l�institution militaire�, engagerait un processus de r�formes politiques devant conduire, � br�ve �ch�ance, � l�instauration du syst�me d�mocratique. Le programme comporterait, en particulier, la mise en place d�un gouvernement transitoire, l�organisation d��lections l�gislatives dans un d�lai de six mois, enfin le d�roulement d�une �lection pr�sidentielle dans un d�lai de douze mois. Un sc�nario � propos duquel Mohamed-Chafik Mesbah exprime, cependant, un profond scepticisme. C�est, cl�t-il ses propos, �la pression de la rue, b�n�ficiant de la neutralit� de l�institution militaire et d�un appui de l��tranger, qui imposera la transition d�mocratique�.