Lors de son passage � l��mission Ness Nessma de ce mardi 11 septembre 2012, Mohamed Chafik Mesbah a �t� amen� � aborder, successivement, l�actualit� politique interne en Alg�rie, la conjoncture �conomique et sociale commune aux pays du Maghreb, les difficult�s rencontr�es par les islamistes maghr�bins � l��preuve du pouvoir et, enfin, la situation s�curitaire au Sahel. A l�aise, Mohamed Chafik Mesbah s�est exprim�, de bout en bout de l��mission, dans une langue arabe accessible. Clair et tranchant dans ses propos, il n�a pas sembl� avoir �t� d�sar�onn� par le rythme effr�n� des questions pos�es par ses trois contradicteurs. Interpell�, en tout premier lieu, sur �les rumeurs qui ont circul� � propos de l��tat de sant� de M. Abdelaziz Bouteflika, Mohamed Chafik Mesbah a r�pondu, d�embl�e, qu�il se refusait, par principe, d�aborder cette question qui �rel�ve de l�intimit� du chef de l�Etat�. �Comment, a fortiori, s�est-il interrog�, pourrais-je le faire � l��tranger ?� Cependant, Mohamed Chafik Mesbah a admis que la question pouvait �tre envisag�e au plan de ses effets sur la gouvernance publique en Alg�rie. Il a estim� que le premier enseignement � tirer de cette campagne de rumeurs sur l��tat de sant� de M. Abdelaziz Bouteflika concerne le dysfonctionnement de la communication institutionnelle en Alg�rie. Ainsi, Mohamed Chafik Mesbah a d�plor� que la t�che du d�menti de l�information sur la mort du chef de l�Etat ait �t� confi�e � M. Amar Bellani, porte-parole du minist�re des Affaires �trang�res. �Cette t�che aurait d� �tre accomplie, selon lui, par les plus hauts responsables de l�Etat � � la pr�sidence de la R�publique ou au Gouvernement �, lesquels responsables se sont, apparemment, d�rob�s�. Interrog� sur la nature de ses relations avec le nouveau Premier ministre, M. Sellal, Mohamed Chafik Mesbah a �t� cat�gorique : �Sur le plan politique, M. Abdelmalek Sellal est dans le camp du pr�sident Abdelaziz Bouteflika et moi je suis dans le camp adverse.� N�anmoins, a-t-il admis, �M. Sellal est un ami que je connais de longue date et dont je respecte les qualit�s humaines�. Mohamed Chafik Mesbah a estim� que M. Abdelmalek Sellal r�unissait trois atouts qui, dans le contexte actuel, le pr�disposaient � occuper la fonction de Premier ministre. �Courtois, affable et convivial, M. Abdelmalek Sellal ne nourrit pas d�animosit� pathologique � l��gard de ses vis-�-vis. Disponible au dialogue, il ne se crispe pas sur des positions rigides, manifestant, au contraire, une aptitude � pousser tr�s loin les d�bats avec ses protagonistes. M. Abdelmalek Sellal, enfin, n�est pas habit� par quelque ambition politique morbide et � jusqu�� preuve du contraire � il ne r�ve pas de devenir pr�sident de la R�publique�. Ces atouts, estime Mohamed Chafik Mesbah, rassurent le pr�sident de la R�publique, qui a d� subir, r�cemment, les incartades publiques du Premier ministre M. Ahmed Ouyahia qui frisaient la d�fiance. Mohamed Chafik Mesbah estime que le chef de l�Etat aurait d�l�gu� � M. Abdelmalek Sellal �la mission de d�crisper la vie politique et sociale et celle, autant que possible, de �d�sid�ologiser� la gestion �conomique, l��conomie �tant en �tat de paralysie. Au total, Mohamed Chafik Mesbah r�sume ainsi la mission du nouveau Premier ministre : �La seule feuille de route du gouvernement Sellal consiste � pr�parer le bon d�roulement de l��lection pr�sidentielle de 2014.� Autrement, limit� tant dans ses pr�rogatives effectives que par la dur�e de vie de son gouvernement, �M. Abdelmalek Sellal ne peut gu�re envisager ou entreprendre de v�ritables r�formes�. Voulant passer outre la question restrictive de la composition du nouveau gouvernement, Mohamed Chafik Mesbah a pr�f�r� aborder la probl�matique du renouvellement des �lites politiques et administratives en Alg�rie. �Ce renouvellement, affirmet- il, continue de s�effectuer sur le mode endogamique, c'est-�-dire celui de la reproduction interne�. Le gouvernement actuel, selon Mohamed Chafik Mesbah, ne comporte aucune ouverture digne d�int�r�t. C�est avec un revers de la main qu�il rejette l�argument de l��largissement du gouvernement aux nouveaux partis apparus sur la sc�ne politique : �Des partis virtuels, sans ancrage social ni enracinement populaire�, affirme-t-il. Pr�cisant qu�il ne portait pas de jugement sur la personne des ministres coopt�s, il critique la m�thode qui consiste �� coopter des ministres pour services rendus qui ont accept�, tout simplement, de faire de la figuration lors des r�centes consultations �lectorales�. Les animateurs de l��mission ayant �voqu� les sc�narios envisageables pour la succession de M. Abdelaziz Bouteflika en 2014, Mohamed Chafik Mesbah a, d�embl�e, estim� que le seul sc�nario � envisager serait que �l�actuel pr�sident de la R�publique, si le statu quo actuel persiste, sera candidat � sa propre succession�. Non sans humour, Mohamed Chafik Mesbah s�est interrog� : �A l�exception notable du pr�sident Liamine Zeroual, pensez-vous que la culture du d�part volontaire ait pu effleurer l�esprit des chefs d�Etat successifs en Alg�rie ?� Les chroniqueurs de l��mission ayant insist�, toutefois, sur les candidatures �ventuelles de MM. Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem, Mohamed Chafik Mesbah en a minimis� l�importance. Selon lui, M. Ahmed Ouyahia, �prisonnier de la politique d��radication des ann�es 90, ne dispose de l�appui que du RND, un appareil bureaucratique�. M. Abdelaziz Belkhadem, qui �se pr�sente, volontiers, comme le chantre de la politique de r�conciliation nationale, a voulu, en vain, adosser le FLN au courant islamiste ou vice-versa�. Confront� � une crise du FLN devenue structurelle, Mohamed Chafik Mesbah consid�re que �M. Belkhadem est enlis� dans un processus qui pourrait bien le disqualifier totalement�. Interpell�, d�ailleurs, sur la menace brandie par M. Abdelaziz Belkhadem de faire agir la majorit� FLN contre le gouvernement Sellal � l�Assembl�e populaire nationale, Mohamed Chafik Mesbah s�est exclam� : �Quelle majorit� ? Une majorit� virtuelle avec des d�put�s plus aptes � r�pondre aux injonctions de l�ex�cutif que de M. Abdelaziz Belkhadem lui-m�me ?� Au demeurant, tranchet- il, �M. Abdelaziz Belkhadem n�a d�existence que par la seule volont� de M. Abdelaziz Bouteflika�. A propos, pr�cis�ment, de cette crise qui frappe le FLN, Mohamed Chafik Mesbah a mis en �vidence �la volont� des puissances occidentales de pousser � la fin des partis nationalistes, n�s dans la lign�e des mouvements d�ind�pendance nationale et hostiles, par principe, aux politiques n�o-imp�rialistes�. Survolant, rapidement, le ph�nom�ne de l�inflation qui s�aggrave en Alg�rie, Mohamed Chafik Mesbah en situe l�origine dans �la politique financi�re suicidaire de l�Etat qui accorde des augmentations de salaires inconsid�r�es avec des rappels faramineux subs�quents, le tout sans contrepartie productive r�elle�. Le d�bat ayant port� sur l��chec des partis islamistes maghr�bins � l��preuve du pouvoir, Mohamed Chafik Mesbah a convenu que �ces partis islamistes �taient condamn�s � �voluer afin de pouvoir faire face aux contraintes des temps modernes�. Soulignant l��chec relatif du gouvernement que domine Ennahdha en Tunisie, Mohamed Chafik Mesbah a rappel� �avoir �t� impressionn�, lors d�une rencontre en juin 2011 � Tunis, par la personnalit� de M. Ahmed Djabali, son background intellectuel, sa ma�trise op�ratoire des probl�mes de gouvernance et la densit� de son pass� militant avec seize ann�es d�emprisonnement. Avec le recul, Mohamed Chafik Mesbah exprime, volontiers, un certain d�senchantement au regard de l�incapacit� du gouvernement Djaballi � relever le d�fi du d�veloppement �conomique et social. Pour l�exemple, Mohamed Chafik Mesbah n�a pas manqu� d�exprimer son �tonnement que la Tunisie, dans ce contexte singulier, puisse se priver de l�expertise d�ment reconnue d�une personnalit� respectable comme Kamel Nabli, le gouverneur de la Banque centrale tunisienne r�cemment limog�. Mohamed Chafik Mesbah, qui a soulign� que �la r�ussite du mod�le turc reste une exception �, a mis en relief le fait que �M. Erdogan a b�ti sa carri�re sur la gestion de la municipalit� d�Istanbul o� il s�est distingu� par son efficacit� dans la prise en charge des probl�mes sociaux de la population ainsi que dans la lutte contre la corruption�. �Qui, a-t-il ajout�, pourrait se pr�valoir du m�me palmar�s parmi les dirigeants islamistes maghr�bins ?� Aussi, Mohamed Chafik Mesbah soutient- il que �les islamistes maghr�bins sont condamn�s, pour gouverner dans la dur�e, � �voluer, autrement, ils seront contraints, fatalement, � instaurer de nouvelles dictatures�. A propos des difficult�s � entreprendre l��dification du Maghreb uni, Mohamed Chafik Mesbah note que �l��chec du processus est plus celui des r�gimes et des dirigeants que celui des peuples maghr�bins�. Apr�s avoir �voqu� la position de cette personnalit� alg�rienne qui lui avait exprim�, tout r�cemment, �sa perte de foi en la possibilit� de la construction d�un Maghreb uni�, Mohamed Chafik Mesbah, tenant � bien s�en d�marquer, s�est livr� � un v�ritable plaidoyer en faveur de l�unit� maghr�bine, non sans pr�ciser que celle-ci sera �le fruit de la volont� des peuples maghr�bins avec � leur t�te des hommes d�Etat d�exception�. A propos, enfin, de la neutralisation du terrorisme en Alg�rie, Mohamed Chafik Mesbah, plut�t que de s�embourber dans des �valuations statistiques sur le nombre r�siduel de terroristes, a voulu mettre en exergue des principes de strat�gie : �La victoire totale sur le terrorisme d�pend de la confiance que les pouvoirs publics seront parvenus � instaurer avec la population. Plus cette confiance sera grande, plus la victoire sur le terrorisme le sera. La mise en �uvre de moyens techniques et logistiques vient en appoint, sur un second plan.� Mohamed Chafik Mesbah a tenu, toutefois, � souligner que les actions terroristes qui se sont d�roul�es � Tamanrasset et � Ouargla pr�sentent un caract�re distinct. �Des pr�somptions existent, affirme-t-il, sur la manipulation du Mujao par des services de renseignement �trangers qui veulent pousser l�Alg�rie � s�embourber au Mali � travers une intervention militaire directe.� A ce sujet, pr�cis�ment, Mohamed Chafik Mesbah souligne �le d�sarroi des autorit�s alg�riennes partag�es entre une obligation de fid�lit� � des principes intangibles de la diplomatie alg�rienne � pas d�intervention militaire hors du territoire national et refus de payer des ran�ons en contre-partie de la lib�ration d�otages � et les contraintes impos�es par la situation op�rationnelle sur le terrain�.