Rien de nouveau sous le ciel de Tunisie. Le parti islamiste Ennahda n'est pas allé chercher loin un remplaçant au Premier ministre démissionnaire Hamadi Jebali. Son candidat au poste, il l'a puisé dans le cabinet sortant, en la personne d'Ali Larayedh, ministre de l'Intérieur sous Jebali. Le président Marzouki a approuvé la candidature. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - L'annonce de cette désignation a été faite hier matin, non pas par Rachid Ghanouchi, chef d'Ennahda, mais par son fils Mouadh. «Il est officiellement candidat d'Ennahda comme Premier ministre», a affirmé Mouadh Ghanouchi en sa qualité de chef de cabinet de Rachid Ghanouchi. La candidature d'Ali Larayedh a été soumise au président Moncef Marzouki. Elle a été acceptée. Ali Larayedh dispose d'un délai de 15 jours pour constituer un nouveau gouvernement et présenter son programme. Le choix porté sur le ministre de l'Intérieur sortant pour présider aux destinées d'un nouveau gouvernement signifie que les pourparlers entrepris par le chef d'Ennahda avec le Premier ministre démissionnaire, pour éventuellement accepter à ce dernier de renouveler un bail à la tête, ont été infructueux. Ce qui est dans l'évolution naturelle de la trajectoire politique de Jebali qui avait fait la promesse de rendre le tablier s'il ne parvenait pas à constituer un cabinet de technocrates apolitiques en substitution au gouvernement de coalition contesté, notamment après l'assassinat de l'opposant Chokri Belaid le 6 février dernier. Le choix de cette candidature montre par ailleurs un Ennahda foncièrement belliqueux et intransigeant quant à l'exercice du pouvoir comme il l'entend. Contesté par l'opposition et mal apprécié par les alliés d'Ennahda, Ali Larayedh se retrouve sur une rampe de promotion au moment où d'aucuns le voyaient plier bagage, ne serait-ce que pour un apaisement d'une situation politique délétère. Le Congrès pour la République du président Marzouki n'a de cesse de réclamer la soustraction des deux ministères de souveraineté, l'Intérieur et les Affaires étrangères, à Ennahda. Ce que le parti islamiste a refusé catégoriquement. Il faudra maintenant attendre de voir quelle sera l'attitude de Marzouki par rapport à la candidature qui lui est proposée pour diriger le gouvernement. Guetter celle aussi des deux partis de la coalition gouvernementale et enfin celle de l'opposition tunisienne qui se mobilise pour éviter qu'Ennahda n'impose totalement son hégémonie sur la vie politique tunisienne. Même s'il reste vrai qu'Ali Larayedh est perçu comme une figure de l'aile modérée d'Ennahda, il n'est pas dit qu'il ait bonne presse chez l'opposition. Pour rappel, le Premier ministre démissionnaire Hamadi Jebali faisait également partie de l'aile modérée d'Ennahda. Le soir de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd, il avait annoncé la dissolution de son gouvernement et la nomination d'un nouveau cabinet de technocrates. L'idée a déplu à son parti qui, sans trop attendre, a fait savoir qu'il n'y souscrivait point. Même désavoué, Jebali a tenté jusqu'au bout de réaliser son projet. Il a entamé des consultations avec la classe politique et les personnalités. Vainement. Ayant pris acte de son échec, il a démissionné. Une démission qui a ajouté à la crise politique tunisienne. En effet, la crise gouvernementale est intervenue alors que l'Assemblée nationale constituante (ANC), dominée par Ennahda et qui doit établir le projet de Constitution, ne se porte guère mieux. Ces difficultés hypothèquent lourdement le processus électoral qui devait être mené pour sortir de la transition. Une transition alourdie également par une sérieuse menace sécuritaire, faite d'attentats terroristes et, depuis le 6 février dernier, d'assassinats politiques.