De notre envoyé spécial à In Amenas, Abder Bettache «Vous pouvez être fiers de votre pays et de son armée. Mais, il faut être vigilant, car la région risque de connaître d'autres perturbations», à l'adresse d'une assistance composée essentiellement des notables de la région d'Illizi, Abdelmalek Sellal voulait donner un ton particulier au débat. Mais en face de lui, il y avait notamment des jeunes déterminés à faire entendre leurs voix. Sellal a joué le jeu. La discussion était chaude. La rencontre entre le Premier ministre et la délégation ministérielle qui l'accompagnait, composée notamment de quatre ministres, dont celui de l'Intérieur, du Travail, de l'Energie et de la Communication avec les notables de la région d'Illizi a duré plus de trois heures. Cela s'est passé avant-hier à In Amenas, en début d'après-midi, soit juste après la cérémonie protocolaire de la célébration du double anniversaire de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures. Déjà, lors de son intervention devant les participants aux festivités au niveau du champ gazier de Tiguentourine, le Premier ministre a donné le ton à travers une intervention «non préparée», selon ses dires. A l'attention des présents, il lance : «Vous voyez à quoi les ennemis de l'Algérie se sont attaqués », en indiquant du doigt le complexe gazier de Tiguentourine, dont les impacts de balles sont encore visibles sur les murs, un mois et dix jours après la spectaculaire prise d'otages. Cela dit, le choix du lieu de la rencontre avec les notables de la wilaya d'Illizi, soit au chef-lieu de la daïra d'In Amenas n'était pas fortuit. Abdelmalek Sellal connait la région et ce pour y avoir fait ses premiers pas dans l'administration à Djanet, Adrar ou encore Tamanrasset. D'emblée d'ailleurs, il lance à l'adresse de ses vis-à-vis, que «je vous connais, vous me connaissez et que si vous voulez qu'on parle en langue Targui, je suis disposé à le faire». L'autre facteur ayant déterminé le choix de la localité d'In Amenas est celui relatif à l'origine des «créateurs» du mouvement «séparatiste» du sud. Le chef de la «Harakat abnaa al djanoub» - «Fils du Sahara pour la justice islamique (FSJI)» - en l'occurrence Lamine Boucheneb, alias Taher, natif de la localité d'In Amenas. «Il n'y a ni Nord, ni Sud. Nous sommes tous des Algériens» Allant droit au but, Abdelmalek Sellal a rejeté l'idée de l'existence deux Algérie. Pour lui, il n y a pas une Algérie du sud et une Algérie du nord «Nous avons un seul pays qui s'appelle l'Algérie et par voie de conséquence, nous sommes tous des Algériens qui se retrouvent dans le même bateau», dira le Premier ministre avant d'enchaîner. «Aujourd'hui, nous sommes fiers de vous. Vous avez été à la hauteur de l'évènement comme vous avez grandement contribué au retour au calme dans votre région. Mais, il ne faut pas baisser les bras, car le danger est toujours là. Le danger est encore au vu de ce qui se passe à nos frontières, mais également du fait que notre pays a retrouvé sa stabilité, ce qui n'arrange pas les visées ses détracteurs». Les propos tenus par le Premier ministre ont certes été attentivement suivis par ses interlocuteurs, mais pour ces derniers, «l'urgent, c'est également de prendre en charge les préoccupations de la population de notre région». En présence du chef militaire de la région, du wali des quatre ministres des élus locaux, la dizaine de personnes ayant intervenu ont presque tout dit. Il faut reconnaître également que le Premier ministre plaidé pour un «débat direct, franc et transparent». Le coup de starter est donné. débat est lancé. Les langues se diluent. Le premier à intervenir est originaire de Djanet, une localité à vocation touristique. Or, ces derniers temps, la capitale du Tassili est en perte de vitesse. «Il n'y a presque plus de touristes», témoigne-t-on. «Pas de téléphone et exode de la population africaine» Le représentant de la localité de Djanet, le nommé Kouadria n'a pas été par trente-six chemins pour crier haut et fort sa colère. Parfaite connaissance du Premier ministre, ce premier intervenant n'a pas été par trente-six chemins pour dénoncer «la situation qui prévaut dans notre localité». L'opérateur historique des télécommunications est au banc des accusés. «Algérie- Télécom est en grande partie à l'origine d'un grand nombre de problèmes que connaît notre région. Les dérangements sont fréquents. Cette situation est vite répercutée sur les autres activités, notamment dans le domaine de la santé, des transports (Air Algérie), de l'Internet etc.». «M. le Premier ministre, la situation est grave, il faut prendre les décisions qui s'imposent. Il y a trop de problèmes, il faut agir avant que ce ne soit trop tard», a-t-il dit. Ce dernier a saisi par ailleurs cette occasion pour tirer la sonnette d'alarme au sujet d'un autre problème. Il s'agit de l'arrivée en force des populations africaines dans les régions du Sud. «L'exode massif de la population africaine dans notre région est plus que jamais d'actualité. Une situation qui, à moyen terme, risque de provoquer des situations incontrôlables», a-t-il ajouté. Un autre citoyen de la commune de Bordj El Haoues a fait état, pour sa part, du «manque de moyens dans les secteurs de la santé et de l'environnement. Il y a manque flagrant de médecins spécialistes. Nos enfants meurent par défaut de prise en charge par des spécialistes, alors que l'insalubrité règne dans toute notre région connue pourtant pour ses activités touristiques». Natif de la région d'In Amenas, un autre intervenant a plaidé pour «plus de considération à la jeunesse sudiste». «Donner aux jeunes de la région la priorité au travail. Intégrez les en priorité dans les différents corps de sécurité. Ils sont les mieux placés pour défendre leur région qu'ils connaissent très bien». «Faire 1 200 km pour acheter un sac de ciment» Le représentant de la localité de Deb-Deb située à la frontière algéro-libyenne dira pour sa part «que l'intégration de la population du Sud passe incontestablement par une véritable prise en charge de ses préoccupations». Cet intervenant a plaidé pour une véritable justice sociale», avant de lâcher : «Mais la fin de cette injustice sociale doit passer par la suppression des inégalités sociales». «Savez-vous, M. le Premier ministre, que le dépôt en matériaux de construction le plus proche de chez nous se trouve à 1 200 km, soit dans la localité de Touggourt», avant d'ironiser : «Le plus grave dans toute cette histoire est que les seuls et uniques projets inscrits dans notre wilaya sont au nombre de deux. Il s'agit de la construction d'une Cour de justice et d'une prison (!)». En somme, il ressort clairement de toutes ces interventions, qu'un malaise de la population du Sud est désormais une réalité. Une réalité que le Premier ministre a eu à saisir à travers les multiples interventions des notables et autres représentants de la société civile de la localité. En ce jour du double anniversaire de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, Abdelmalek Sellal semble saisir cette opportunité pour réitérer et ce pour la énième fois la «détermination de l'Etat à faire face à toute tentative de déstabilisation», mais «également sa volonté à répondre à la prise en charge des préoccupations de la population locale». Cela étant, il est à noter qu'en marge de ces festivités, le Premier ministre en présence des membres de sa délégation et du secrétaire général de l'UGTA a officiellement donné le coup d'envoi de la reprise du travail au niveau du complexe gazier de Tinguentourine, à travers la mise en service du train numéro 1.