D'abord, merci pour cet espace. Permettez-moi, chers lecteurs, de vous prendre en témoin et de me guider, car je ne sais plus si je suis fautive. Je suis une femme instruite d'origine kabyle, j'ai 35 ans et je travaille dans un lycée. Je suis pratiquante, de bonne famille... c'est tout le monde qui m'adore. Vous vous dites sûrement : «Où est donc le problème !?» Sachez que je suis la femme la plus malheureuse sur terre, car en 2013, la femme algérienne est encore humiliée et privée de son propre droit et plus précisément celui de fonder un foyer avec celui qui l'aime et la respecte. En 2013, on considère celle qui dit «oui, je veux bien me marier avec cet homme, ingénieur, pratiquant, charmant et cultivé» comme une femme de mœurs légères. Je m'excuse pour le terme, mais c'est ce que mes frères m'ont dit quand ce prétendant m'a demandée en mariage, une fois, deux fois, trois fois. Ils l'ont refusé sans le connaître, ils l'ont menacé, insulté... parce que le pauvre m'aimait et que sa famille a beaucoup insisté... On leur a répondu qu'il n'était pas «un marabout comme nous»... J'ai tout fait, j'ai lutté, en vain (je les ai suppliés, puis je me suis fâchée, j'ai fait une grève de la faim... Le pire, c'est qu'ils m'ont surveillée (à mon âge !), fouillé dans mes affaires personnelles et m'ont même privée de téléphone portable (et ce sont des cadres, Allah yebarek)... J'ai prié Dieu pour m'aider mais il m'a laissé tomber Est-ce parce que j'ai pêché quand j'ai aimé quelqu'un honnêtement et qui m'a demandée en mariage un mois après notre première rencontre ? Qu'est-ce qu'on a fait de mal ? S'il vous plaît, répondez-moi, ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai compris pourquoi quelques filles sortaient du droit chemin... Et si je n'étais pas pratiquante ? Trois ans de chagrin, d'insultes, d'injustice ! Moi qui ai toujours été idéaliste, optimiste, ils m'ont gâché la vie et peuvent me pousser à y mettre un terme. J'ai perdu confiance en Dieu, en ma famille et encore en moi... et le comble, c'est que je n'ai trouvé personne à mes côtés ; pourtant, mon père était enseignant, mes frères ont tous fait des études supérieures, mais ils m'ont traitée de chienne ! J'étais très généreuse avec eux, et je le suis jusqu'à présent, bien qu'ils m'aient brisée le cœur (wallah, je les aime et je les aide toujours) mais... j'attendris le cœur de mon père pour qu'il s'attendrisse à son tour ; hélas, il mourut d'un arrêt cardiaque, ma famille a pris la relève... L'amoureux, las d'attendre et forcé par sa famille, a fini par se marier il y a une année. Et moi, je n'ai que mes larmes et les cauchemars... S'il vous plaît, priez pour moi... Melissa de Boghni Réponse : vous dites que vous êtes pratiquante. Cela devrait en principe vous persuader d'une chose essentielle Dieu ne vous a pas laissée tomber. Il faut que la confiance demeure. Il faut s'accrocher, ne jamais perdre espoir. Le monde est injuste, la société est impitoyable. Cela impose à chacun de nous de lutter quotidiennement pour arracher sa place au soleil. Si votre religiosité ne vous suffit pas, dites-vous qu'il a plus malheureuse que vous. L'Algérie a tenté de mettre un pied dans la modernité, mais, très vite, les tabous, la mentalité machiste et arriérée, les inégalités, etc. se sont manifestés pour l'enfoncer dans le Moyen-Âge. Nous savons qu'il est difficile pour une fille issue d'une famille conservatrice de s'opposer à la décision des «parents» qui sont souvent mus par des sentiments qui n'ont pas leur place dans le monde de 2013. Ne vous enfoncez pas dans la douleur et les larmes. Vous avez perdu votre amour puisque vous avez été incapable de le défendre jusqu'au bout. Et ce n'est ni la faute à Dieu ni à celle de votre entourage, auquel vous reprochez de ne pas vous avoir soutenue. Un autre train repassera probablement à la même gare. Le premier amour est parti et il est certes irremplaçable, mais un autre surgira du tunnel. A vous de ne pas le rater. Comment ? Dites à ceux qui veulent vous marier avec quelqu'un de la «secte des marabouts» que les valeureux patriotes de 1954 et de 1991 ont aussi pris les armes pour libérer les femmes et que la Révolution a définitivement aboli la noblesse «religieuse ». Melissa, ne sombrez pas, je suis sûr que tous nos lecteurs vont vous soutenir et vous aider par leurs conseils fraternels.