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L��cole qui tue
Publié dans Le Soir d'Algérie le 12 - 03 - 2013

Par une triste journ�e de printemps de l�an 2000, la petite Amel, coll�gienne � Mostaganem, s�est suicid�e suite � un �chec scolaire. Dans un article, un seul journal alg�rien (Le Soir d�Alg�rie) avait relat� ce tragique �v�nement. Ainsi, ce suicide n�avait pas suscit� d��motion collective dans le pays. Cette contribution concerne la Cor�e du Sud, o� la comp�tition entre �l�ves et �tablissements fait rage d�s� le pr�scolaire. Elle se veut un hommage � Amel.
Et si les enfants sud-cor�ens, et pas seulement eux, avaient un volume de travail sup�rieur � celui des grandes personnes ? Et quelles en sont les cons�quences sur leur sant� physique et mentale ? Ces questions ne sont pas anodines. Elles ont �t� abord�es dans une �mission t�l�vis�e de France 2, il y a de cela deux mois. Le reportage a consist� � suivre le quotidien de trois �l�ves sud-cor�ens (une �coli�re, un coll�gien et un lyc�en). Faisons le calcul � partir de la journ�e de Yu Sin, cette �coli�re de S�oul, soumise � un rythme d�mentiel qui mettrait KO le plus r�sistant des adultes. Un tel rythme est un signal d�alerte potentiel qui augure de cons�quences dramatiques ; la plus extr�me d�entre elles n��tant pas � exclure. C�est ce que nous d�voilera le v�cu de cette �l�ve et qui n�a rien d�une fiction. Ceux et celles des autres villes dans certains pays sont dans la m�me situation. Les �l�ves alg�riens des grandes villes ne sont pas � l�abri de cette d�rive. A l�exception du week-end, chaque jour de l�ann�e scolaire voit la petite Yu Sin se r�veiller � 6h du matin pour suivre la cadence impos�e par ses parents, lev�s une demi-heure plus t�t. A la h�te, l�enfant se lave et s�habille. Quand elle n�est pas ligot�e par l�angoisse � ce qui est rarement le cas � elle avale d�un trait son petit-d�jeuner, avant de sortir. Elle doit �tre au rendez-vous de la voiture qui d�marre � 6h 45. La petite famille se voit oblig�e de partir � cette heure matinale pour �viter les embouteillages stressants, source de retards pr�judiciables. A 7h 30, la voiture s�immobilise � proximit� de l��cole, derri�re une file de voitures � l�arr�t, transform�es en chambre � coucher ambulantes. Certaines �taient en attente depuis 7h. Sur leurs banquettes arri�re, des enfants dorment depuis le d�part de la maison. A huit heures moins le quart, les parents r�veillent leur enfant. Papa les accompagne jusqu�au portail de l��cole, en accomplissant la corv�e du cartable. Il est trop lourd pour elle. Emploi du temps et inflation de mati�res obligent ! Dans la cour de l��cole, elle retrouve des camarades. Elles sont aussi sevr�es de sommeil qu�elle. La longue journ�e scolaire commence avec ce handicap, souvent aggrav� par la peur/panique de devoirs � ex�cuter ou de la note/sanction � subir, voire d�une col�re d�adulte � essuyer. Apr�s trois heures et demie pass�es entre les quatre murs de la classe, la pause-d�jeuner arrive enfin. Pas m�me le temps de dig�rer, et c�est la reprise des cours ! L�enseignant a devant lui des �l�ves qui somnolent sous le double effet de la digestion et de la fatigue. En salle de classe, il actionne un sc�nario identique � celui de la matin�e. Il dispense des activit�s strictement scolaires qui ne sollicitent que la m�moire et de temps � autre la r�flexion. Except�es les dix minutes de r�cr�ation dans une cour exigu�, il n�y a aucune possibilit� pour s�adonner � des activit�s de d�tente. Sous tous les cieux, les �l�ves r�vent de faire du sport avec sa palette de disciplines individuelles et collectives. Les plus sensibles souhaitent en leur for int�rieur � ce que l��cole leur procure des instruments de musique, des costumes et des d�cors de th��tre. Des r�ves de gosse que des adultes rejettent d�un revers de main, pensant que seule l��ducation �intellectuelle� est digne d�int�r�t. Pourtant, les progr�s de la psychologie ont nettement montr� l�apport inestimable de ces activit�s p�riscolaires au d�veloppement, pas seulement intellectuel, mais global de la personnalit� de l�enfant. Ce sera en dehors de l�institution �ducative, moyennant de l�argent, que Yu Sin acc�de � son r�ve : apprendre � jouer du piano et � nager. Juste apr�s le dernier cours � l��cole, vers 16h, elle file vers d�autres espaces d�apprentissage beaucoup plus stimulants. Un jour sur deux, en altern�, elle se rend � la piscine et au conservatoire de musique. Pourvu que leurs attentes soient satisfaites, les parents sont aux petits soins avec leur fille. Ils ne l�sinent pas sur les sacrifices financiers.
La course �aux achats�
A la fin de la s�ance de piano ou de natation, vers 18h, elle se pr�pare � un autre rituel plus contraignant mais tr�s pris� par les parents. Elle va �acheter� des cours de soutien chez ses propres enseignants qui se relaient dans un immense hangar sans aucun confort ni a�ration, chacun dans sa sp�cialit�. Elle y retrouve la majorit� de ses camarades de classe ainsi que d�autres venus de diff�rents �tablissements. Le local est plein � craquer. Avant que le premier cours ne commence, une dame passe au niveau de chaque �l�ve pour ramasser l�argent des cours. Le tarif de ces derniers progresse r�guli�rement � partir d�une mercuriale fix�e, en d�but de chaque ann�e scolaire, par cette cat�gorie d�enseignants/vendeurs. L�informel dans toute sa laideur et son immoralit�. L�air du local se retrouve vici� par le confinement, la promiscuit� des corps et la cinquantaine de poitrines qui rejettent du gaz carbonique. La fatigue se fait vite sentir, les paupi�res sont lourdes et� la faim assaille les estomacs. Yu Sin et ses camarades appartiennent � un milieu social assez ais�. A leur c�ur d�fendant, ces �l�ves exp�rimentent l�adage populaire �ventre creux n�a point d�oreilles� que l�on croyait uniquement r�serv� aux �l�ves issus de familles tr�s pauvres. Une journ�e marathon constitue son menu quotidien, et ce, depuis son entr�e � l��cole il y a de cela cinq ans. Une multitude d��valuations-contr�les tous les mois, et ce, d�s le pr�scolaire. Eh oui ! C�est la triste r�alit�. En effet, � l�oppos� des vrais sp�cialistes, les adultes � autorit�s et parents � affirment que c�est le seul r�gime disponible et efficace pour les pr�parer � la comp�tition, � la concurrence et � la performance. Ce sont l� des concepts qui nous �loignent de l��ducatif pour nous plonger dans la logique du capitalisme le plus d�brid�. Tout au long de sa derni�re partie de la journ�e l�esprit de Yu Sin vaque vers d�autres horizons : un bon d�ner et la chaleur du lit pour dormir et r�cup�rer. C�est l� un luxe qui ne lui sera accessible qu�apr�s deux heures de soutien scolaire. Et encore ! Toutefois, la fatigue est temp�r�e par l��nigmatique comportement du professeur/vendeur. Surprise ! Comme par enchantement, il se transforme en �ducateur attentionn� pour ses �l�ves-clients, nullement accul� par le temps. Il les fera suer sur des exercices puis�s de la typologie de ceux donn�s � l�examen de fin de cycle. Un bachotage sans port�e p�dagogique et dont l�impact n�gatif est accentu� par l�absence de correction personnalis�e. Les �l�ves/clients sont �tonn�s du changement op�r� par leur enseignant-vendeur. Lui qui d�habitude affiche en classe des coups de col�re et une course contre la montre ponctu�e de �je n�ai pas le temps de tout vous expliquer, le programme est trop lourd et je dois le finir�. Au cours de cette transaction commerciale (argent frais contre �savoir�), il sourit, passe � travers les tables et les encourage. Il va m�me jusqu�� leur donner � r�aliser les �preuves des devoirs et compositions qu�ils auront en classe. �Quelle chance nous avons ! Nous d�crocherons les meilleures notes�, s�exclame une �l�ve/cliente. A la r�ception des bulletins, les parents encensent les enseignants/vendeurs : �Les cours de soutien ont du bon, et cela se voit avec ces bonnes notes.� Les quelques �l�ves allergiques � la fr�quentation de ces cours de soutien �tayloris�s� en auront pour leur frais. M�me s�ils sont excellents, ils ne d�crocheront jamais de notes meilleures que celles des �l�ves/clients. En entorse � la morale la plus �l�mentaire, de telles pratiques font partie des stratag�mes de rabattage qui alimentent ce commerce informel. Serait-ce l� du racket ? Repr�sailles ? Harc�lement ? Prise d�otages ? Dans tous les cas de figure, parents et �l�ves sont impuissants devant cette pratique malhonn�te qui se nourrit aussi de leur angoisse irraisonn�e. Le syst�me d��valuation du travail des �l�ves en vigueur en Cor�e du Sud et dans d�autres pays � suivez mon regard � nourrit ce cercle vicieux : pression des examens-contr�les � angoisse de l��chec-course aux achats � voracit� des enseignants- vendeurs. Ne parlons pas des d�g�ts caus�s � l��ducation morale et civique de ces futurs citoyens. Ils apprennent tr�s t�t que tout s�ach�te par la corruption, y compris le savoir et les notes scolaires. Les s�ances de cours de soutien de Yu Sin se terminent vers 21h, et le retour � la maison s�annonce aussi p�nible que la matin�e. En effet, les in�vitables embouteillages nocturnes les ram�nent la maison � 22h. A peine le temps de d�ner, qu�elle est rappel�e � l�ordre par sa maman : �Viens au salon et r�cite-nous ta le�on. N�oublie pas tes exercices de calcul.� Abattue, elle baille et ne jure que par le lit douillet qui l�attend dans un coin de sa chambre. Peine perdue. Ses parents ne badinent pas avec le travail scolaire. Ils s�adaptent au moule institutionnel. Fid�les au discours officiel, ils le con�oivent sous l�angle d�une f�roce comp�tition entre les �l�ves. Leur attitude face aux performances scolaires de leur fille est �galement dict�e par le souci du regard des voisins et des coll�gues de travail. La r�ussite de leur fille est d�un grand enjeu. Il y va de leur statut social. Involontairement, ils imposent � leur fille la promotion de leur image. Confondant s�v�rit� et fermet�, ils ne lui permettent aucun r�pit. Fatigue sur fatigue, elle se retrouve dans un �tat d�excitation qui la tient en �veil forc� durant une bonne partie de la nuit. Elle d�roule sa journ�e en images et en sentiments plus que n�gatifs, jurant que l��cole n�est pas ce lieu d��panouissement et d�affirmation de soi tant vant� par ses parents. Elle la compare � une ar�ne o� la guerre-comp�tition fait rage. Avant de sombrer dans les bras de Morph�e, elle a ces mots lourds de signification : �Il est exig� de nous, les �l�ves, d�affronter les camarades, les enseignants et les parents. C�est trop !� Ce sont l� autant de d�fis scolaires insurmontables. Lors du petit-d�jeuner du jour de l�examen, la tension est � son extr�me. �N�oublie pas ! Tu dois d�crocher une tr�s bonne note�, lui dit sa maman. Et au p�re de rench�rir : �Tu nous as promis que tu feras mieux que la fille du voisin de palier.� La peur d��chouer, le trac, la pr�paration intensive et le harc�lement des parents ont imprim� une forte pression sur les �paules de la fr�le �coli�re. Elle s�est sentie investie d�une responsabilit� au-dessus de ses moyens. Cet �tat d�esprit la fera craquer le jour J. Le lendemain de l�examen, ses parents la retrouvent pendue � la fen�tre de sa chambre. Et pourtant, elle a d�croch� son ticket d�admission. Les 100% de r�ussite �tant presque atteint chaque ann�e. Qui a tu� la petite Yu Sin ? Ses parents, la soci�t� ou l��cole ?
A. T.
(*) P�dagogue ([email protected])


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