[email protected] Doit-on faire grief à un ministre, ayant pris le train en marche de cette année scolaire, de n'avoir pas su en si peu de temps jeter les bases d'une nouvelle école algérienne ? Même s'il ne fait pas de doute que certaines questions relatives à l'intendance du corps enseignant auraient dues être abordées et aplanies depuis septembre 2012, l'on ne peut, par contre, parler d'irrésolution au sujet du chantier de la refondation du système éducatif. Lequel exige, d'ailleurs, plus de temps et une véritable concertation entre spécialistes. Affirmer en conséquence que l'année scolaire, qui doit entamer sa clôture à partir de la semaine prochaine, contre-signe, par avance, l'échec d'un nouveau ministre semble injuste du point de vue de certaines contraintes objectives. Héritier du legs d'un prédécesseur, demeuré à ce poste une dizaine d'années, celui qui ne lui a succédé qu'à la veille de la rentrée de septembre dernier ne pouvait évidemment piloter la lourde machine qu'à partir des codes déjà en place. Car il était improbable que, du jour au lendemain, l'instruction publique pouvait se reformer par la seule magie d'un remaniement ministériel. Et dans ce domaine précisément, les changements du personnel politique ne peuvent s'apprécier que sur la durée. Autant dire que la saison scolaire en cours n'a fait que reconduire les tares du passé et a été ponctuée par d'identiques soubresauts de la contestation. Avec la boîte à outils qu'il a trouvée à son arrivée, ce ministre-là a, de toute évidence, bricolé un cursus scolaire annuel selon les modes d'emploi qui ont été rodés précédemment. Tant au plan de la gestion administrative que dans le domaine pédagogique, il donna l'impression de reconduire une méthode pourtant critiquée durant des années. De celles qui générèrent de médiocres performances des examens que l'on avait élaborés au rabais et qui finirent par dévaluer définitivement les diplômes algériens. Cela est d'autant plus frappant que l'on retrouve dans la procédure officielle du baccalauréat de cette année le recours à un «numérus clausus» des connaissances octroyées aux candidats. C'est-à-dire l'amputation de pans entiers des programmes. C'est ainsi qu'en dépit des diagnostics implacables de l'échec, le changement qualitatif ne sera pas au rendez-vous lors des examens de ce mois de juin. Or, ce qu'attendent toujours les parents d'élèves et qu'exigent les pédagogues tient à une seule question : quelle école pour l'Algérie du XXIe siècle ? Or, de conférences en états généraux et de conclaves de praticiens en symposium pour gestionnaires, une décennie s'était écoulée sans que le système éducatif se soit bonifié. Bien que l'enjeu fût maintes fois mis en exergue par le pouvoir politique, l'école publique demeure toujours l'otage des chocs idéologiques. Subterfuges et dosage entre les concepts de «constantes nationales et modernité»(1) en firent un potpourri où la rationalité cohabite avec une scolastique formaliste. Pour couronner le tout, pas une seule fois, en 20 ans, la puissance publique n'eut l'audace de trancher dans cette confusion qui oblitère la qualité de la formation et l'éducation des générations futures. Et c'est cette démission du politique qui ajoute au désenchantement des parents et alimente le «j'menfoutisme» des enseignants. En vain, les rentrées scolaires aussi bien que les périodes d'examens se succèdent et se concluent sur les mêmes constats. Mais le pire dans cette situation est le poids de plus en plus significatif de la bureaucratie qui relègue au second plan le volet pédagogique et la fonction centrale de l'enseignant. En se défaussant chaque fois, grâce à quelques aménagements techniques, l'on a prétendu durant longtemps que l'école s'améliorait en termes de transmission du savoir. L'emballage des «trains de mesures», dont on a ponctuellement fait usage, maquillait le déclin. Les dirigeants de l'Etat peu enclins à admettre certaines évidences se résignèrent peu à peu au fait que l'école soit une enclave où doivent se disputer les doctrines du formatage. En effet, quand les spécialistes éclairés s'accordent sur l'urgence de la rupture avec un système éducatif ravageur dans ses méfaits pour l'avenir et qu'ils en appellent à l'arbitrage du pouvoir que répond celui-ci ? Rien, sinon en différant le débat, au nom de supposées priorités, tout en mettant sa pression sur le corps enseignant. Face à une école fortement idéologisée et par définition sectaire dans le tri du savoir, que doit-on attendre d'un ministre qui, jusque-là, n'avait expédié que les affaires courantes de l'intendance ? D'abord qu'il le devienne de plein exercice dès cet été et qu'avec lui s'ouvre immédiatement le chantier de la refondation. B. H. (1) Lire l'intéressante contribution de Rachid Brahimi parue dans le Quotidien d'Oran du jeudi 16 mai et intitulée : «L'école, les constantes nationales et la modernité».