De très lourdes peines ont été requises hier par le procureur de la République près le tribunal criminel d'Alger à l'encontre des treize personnes poursuivies dans l'affaire dite «trafic d'enfants de l'Algérie vers la France». Ainsi, après près d'une heure de réquisitoire, l'accusation a requis des peines allant de 10 à 20 ans de prison ferme. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Les demandes de l'accusation ont eu lieu après l'audition des treize mis en cause, soit après deux heures de questions-réponses de toutes les parties concernées par cette affaire. Les débats étaient à la fois denses et chauds. Chacune des parties a voulu démontrer le bienfondé de ses actions et de ses démarches. «L'heure de vérité sera celle qui marquera les plaidoiries des avocats de la défense », fera remarquer un avocat. Le procureur de la République a requis deux peines de vingt ans de prison ferme à l'encontre du médecin H. K. avec 10 années de privation d'exercer. La même peine a été requise l'encontre de S. W., fils du notaire, mais qui est décédé quelque temps après le déclenchement de cette affaire, alors qu'à l'encontre des onze autres personnes, dont les femmes émigrées, il a été requis des peines de dix années de prison ferme. La défense a entamé sa plaidoirie, avec une quinzaine d'avocats annoncés à la barre. Signalons que les mis en cause dans cette affaire ont nié en bloc les chefs d'inculpation retenus contre eux par la chambre d'accusation et contenus dans l'arrêt de renvoi d'une centaine de pages. Cette affaire avait éclaté en 2009, au lendemain du démantèlement par les services de sécurité d'un «dangereux» réseau «à l'origine de la disparition d'un grand nombre d'enfants et leur déplacement vers l'étranger, à travers de fausses procurations», selon l'arrêt de renvoi. D'après l'arrêt de renvoi, le réseau, constitué d'Algériens et de Français, activait depuis les années 1990 en Algérie, et l'enquête n'a pu déterminer le nombre exact des enfants enlevés. «L'instruction dans cette affaire a été lancée au lendemain du décès, en 2009, d'une jeune fille lors d'un avortement dans une clinique privée située à Aïn- Taya (Alger), appartenant à un médecin, H. K. Les investigations ont révélé que ce médecin généraliste se faisait passer pour un obstétricien propriétaire d'une clinique à Aïn Taya et, avec l'aide de sa sœur, il prenait en charge gratuitement des femmes enceintes célibataires jusqu'à ce qu'elles accouchent », a expliqué le procureur lors de son intervention. Et d'ajouter : «Une pratique immorale et sévèrement punie par la loi.» Dans cette affaire deux notaires sont également impliqués. Selon l'accusation, ces derniers étaient chargés de rédiger «des documents de désistement », signés par les mères célibataires. On indique également qu'une enquête approfondie des services de sécurité leur a permis de «récupérer» trois enfants au domicile d'une puéricultrice exerçant dans une pouponnière à El- Biar, et la découverte sur les mêmes lieux de «douze certificats d'adoption» rédigés entre 2005 et 2006, dans lesquels figurent 9 enfants déjà expatriés de manière illégale et dont la kafala a été confiée à d'autres personnes moyennant une somme d'argent. Selon l'arrêt de renvoi, «le médecin prenait en charge les mères célibataires pendant leur grossesse jusqu'à l'accouchement, après quoi, il enregistrait le nouveau-né sur les registres de l'Etat civil jusqu'à sa sortie du territoire sur la base de certificats d'adoption (kafala) rédigés par un notaire. Les bébés étaient ensuite confiés à une puéricultrice, qui prenait également en charge les femmes enceintes sur le point d'accoucher». Des accusations que H. K. a rejetées, déclarant au président du tribunal criminel que «ces agissements visaient à aider ces enfants, conformément à la loi et la réglementation en vigueur dans notre pays». Il est à noter que les mères célibataires impliquées dans cette affaire avaient déclaré avoir été «victimes de menaces et contraintes d'abandonner leurs enfants après leur accouchement sur la base d'une kafala falsifiée et rédigée par un notaire».